Mounir Beltaifa: En 2018 la transparence sera au cœur des préoccupations
Après les reculs significatifs de la Tunisie dans les classements Doing Business / Banque Mondiale (46è en 2012 > 88è) & Global Competitiveness / Word Economic Forum (32è en 2010 > 95è), nous voilà classés par l’Union Européenne dans des blacklists malgré les efforts diplomatiques de notre meilleure démocratie du monde arabe.
De toute évidence, ces classements ne nous arrangent point mais est-ce la faute du jury ? N’est-ce pas notre réalité face au reste du monde ? De toute évidence, rien ne sert de nous fâcher alors que certains parmi nous regardent les doigts de ceux qui veulent nous montrer la lune.Mieux vaut nous remettre au travail productif en bonne intelligence pour limiter la casse et rattraper nos retards.
L’Union Européenne peut-elle s’engager à faire de la Tunisie une de ses plateformes d’approche économique de l’Afrique alors que malgré les meilleures intentions affichées nous faisons si peu de progrès d’une année sur l’autre en termes de lutte contre la corruption, transparence, bonne gouvernance et efficacité des services publics… que nos performances s’en ressentent.
Nos attachements à nos opacités individuelles, collectives et institutionnelles dérangent davantage la communauté internationale que les citoyens tunisiens qui finissent par se comporter comme si chacun y trouvait son compte. C’est d’autant plus regrettable que notre principal acquis depuis 2011 est la liberté d’expression. Le reste du monde sait à quel point nous sommes plus attachés à l’image et nous veillons à sauver les apparences bien plus que nous ne sommes attachés aux résultats, à travailler le fond et à réformer suffisamment en profondeur pour retrouver une compétitivité réelle.
Nombreux sont les travailleurs indépendants et professions libérales qui ne veulent pas qu’on sache combien ils gagnent.
Nombreuses sont les entreprises qui ne veulent pas qu’on sache combien de bénéfices elles dégagent et si le personnel employé est bien déclaré à la CNSS.
Nombreux sont les corrupteurs qui paient pour que leurs transactions se déroulent comme ils le souhaitent dans la discrétion totale.
Nombreux sont les flux financiers et les flux de matière impossibles à tracer pour l’Etat et parfois même pour les travailleurs car destinés à l’économie informelle ou à des causes inconnues ou inavouables.
Nombreuses sont les décisions et nominations incompréhensibles pour l’opinion publiques parce qu’elles cachent des intérêts partisans (politiques ou privés mais rarement publics dans le sens de l’intérêt général).
Nombreuses sont les performances mauvaises ou nulles voire négatives qui perdurent dans les organisations tellement on refuse l’évaluation et l’idée même d’avoir des systèmes d’informations dignes de nos ambitions Digitales pour la Tunisie et le reste du monde.
Décidément, nous sommes nombreux à avoir du mal à dire ce que nous pensons faire et à faire ce que nous avions dit qu’on ferait dans les délais convenus ! Cette culture de l’opacité n’inspire pas confiance au sein de notre société, comment voulons-nous qu’elle inspire confiance aux partenaires et investisseurs étrangers au-delà des discours diplomatiques ?
Si nous avons préservé ces travers depuis 2011 malgré des intérêts collectifs en décadence, c’est bien parce qu’ils permettent de préserver des intérêts individuels qui malheureusement priment pour une majorité d’entre nous sur l’intérêt général malgré les déclarations. Et pourtant, la mondialisation ne nous en laisse pas le choix. En effet, elle permet le développement là où il y a performance collective avec transparence et bonne gouvernance donc confiance et inversement elle accélère la décadence là où il y a opacité, individualismes et mauvaise gouvernance donc méfiance.
Il devient urgent pour notre survie économique et sociale et notre crédibilité internationale – pour l’Etat et pour chacun de nos citoyens - de combattre nos opacités à tous les étages et de ramener nos promesses dans les discours et nos ambitions dans nos planifications à la hauteur de nos capacités de réalisation effective dans les délais et budgets impartis sur le terrain.
Nous pensions devoir changer notre modèle économique encore rentable aux yeux de certains conservateurs mais nous ne pouvons y arriver sans changer nos mentalités et sans nous mettre en cohérence avec la perception que nous suscitons auprès de ceux que nous osons appeler nos partenaires stratégiques (qui n’en sont pas moins les partenaires stratégiques d’autres pays parfois moins démocratiques et bien plus efficaces et rentables).
Ceux qui peuvent nous aider ont besoin de gagner avec nous et non de nous assister et pour cela il nous faut gagner leur confiance non par la parole mais par la transparence, la capacité d’exécution et l’efficacité opérationnelle. Alors que certains parmi nous y voient des atouts, nos cultures de demandeur d’assistanat et d’opacité jouent désormais contre nous et il nous imported’évoluer vite.
L’approche de ce sujet nécessitera de nombreux angles d’analyse et nous allons nous focaliser chez CONECT France lors de nos prochains ‘afterworks’ sur :
1 - L’économie parallèle : problème pour certains, solution pour d’autres. (15 mars)
(Dans quelle mesure peut-on réintégrer dans le formel les flux de l’économie parallèle sans garantir une préservation des équilibres majeurs des acteurs concernés)
2 – Quels impacts de la technologie de demain sur nos métiers d’aujourd’hui ? (5 avril)
(cette question n’est pas spécifique à la Tunisie, l’humanité doit trouver un nouveau modèle social pour passer d’un taux de chômage à moins de 20% aujourd’hui à un taux de chômage au-dessus de 50% au-delà de 2030)
3 – Où aimerions nous être en 2025 et où avons-nous des chances de nous retrouver ?
(les promesses électorales vont apporter des réponses à la première question et nos capacités effectives d’exécution conditionnent la réponse à la seconde question, car nous aurons prouvé que nous sommes en mesure de réussir des élections législatives, présidentielles et bientôt municipales tous les 5 ans mais avec des réalisations modestes entre deux élections)
4 –Les affaires de l’Etat peuvent-elles se redresser manuellement sans systèmes d’informations ?
(la gestion intégrée des finances publiques, de l’élaboration du budget jusqu’au suivi des dépenses sans oublier la gestion intégrée des taxes et autres recettes de l’Etat, le pilotage du développement et la gestion des services publics locaux, régionaux et nationaux…)
5 – La Tunisie peut-elle se redresser sans offrir des possibilités d’évolution à son capital humain ?
(si nous pouvons nous réjouir pour nos meilleurs talents de les voir partir à l’étranger pour une meilleure carrière professionnelle, nous ne pouvons que nous inquiéter de ne pas pouvoir pour l’instant en attirer d’autres pour toutes les constructions dont le pays aurait besoin)
6 – La Tunisie peut-elle attirer de bons investisseurs et réaliser des succès mutuels en mode PPP sans réformer ses écosystèmes financier, politique et judiciaire ?
(les bons investisseurs ont besoin de vision politique stable et exécutable, d’une administration efficace, d’une justice juste, de transparence et de flux financiers maitrisables et traçables)
7 – Quelle place aurait l’économie circulaire dans nos stratégies de développement ?
(Maintenant que nous avons compris que la préservation de l’environnement et les énergies renouvelables sont incontournables, que fait-on pour que la propreté et l’énergie ne manquent pas à notre développement économique et social dans les prochaines décades)
8 – Dans quelle mesure le redressement de la Libye peut-il profiter à la Tunisie au-delà des opportunités individuelles ou pour certaines entreprises ?
(Devons-nous attendre le positionnement des pays de l’OTAN, des BRICA et du Golfe avant de nous positionner et quels services pourrions-nous offrir dès à présent notamment à travers la diaspora)
9 – Nous sommes menacés de pénurie d’eau à court terme, quelles alternatives pour ne pas plomber le développement du pays ?
(Si notre tourisme peut utiliser en partie l’eau de mer, nos citoyens et notre agriculture risquent de manquer d’eau dans les prochaines années à moins que des solutions innovantes soient adoptées).
Nous espérons que notre participation en tant que société civile àcet effort de transparence et de profondeur trouvent un écho favorable auprès de nos concitoyens et inspireront les programmes électoraux et les compétences qui les porteront aux pouvoirs législatif et exécutif pour que le prochain quinquennat soit plus productif que les précédents.
Mounir Beltaifa
Président
CONECT France