Tunisie : le racisme, résidu de l’esclavage
En écartant de l’arène politique et médiatique « les ennemis de la liberté d’expression », la Révolution 14/01 a ouvert la boite de Pandore pour retourner le couteau dans la plaie du refoulé millénaire, repenser le fait identitaire, c'est-à-dire le frottement avec l’alter égo, au quotidien.
Rude épreuve -s’il en est- du face à soi. Rattrapée par son passé, et ni plus ou moins contradictoire que sous d’autres cieux, la personnalité tunisienne raisonne sur son déraisonnable, défriche les sous entendus longtemps masqués par le vernis des préjugés de l’ignorance et de la normalisation tous azimuts. Unité nationale obligeait.
A nos jours, le démon individualisé des « minorités » se réveille. Dans toutes les directions d’ordre religieux, culturel, ethnique, sexuel… Entre autres.
La société civile s’active. Il n’est plus tabou de traiter publiquement de la liberté de culte ou de conscience, du patrimoine berbère, du racisme ou d’afficher son orientation sexuelle. La société doit être diverse. Sans adversité. Différente dans l’égalité. En somme, tenter de réinventer une éducation de l’humanité monogénique expurgée du paternalisme de la « tolérance » et respectueuse de la dignité. Et pourtant.
Alors que la Tunisie fait partie des premiers pays à avoir aboli l’esclavage il y a 172 ans( le 23 janvier 1846),un relent résiduel remonte sporadiquement à la surface. Il prend la forme « anodine » de propos désobligeants parfois d’actes agressifs. Certains incidents contre des ressortissants de pays sub-sahariens- confondus au passage- à des autochtones à la peau plus bronzée sont amplifiés par la sarabande facebookienne, à la faveur de matchs de foot (élimination de l’équipe de Tunisie de la coupe d’Afrique en 2015).
Conscientes de la résurgence du phénomène « raciste », les autorités ont décidé de sévir. Une loi « préventive et répressive » contre toute forme de discrimination a été élaborée en conformité avec les standards internationaux. A l’actif, seule la citoyenneté demeure un dénominateur commun à tous les membres de la communauté sans distinction de sexe, couleur, religion.Cependant toute atteinte à la dignité heurte la conscience. La Tunisie doit traiter les migrants légaux comme elle désire que les siens le soient ailleurs…Et faire un distinguo entre la question de l’afflux de migrants africains en provenance de la Libye -encore instable- qui doit être co-examinée avec le HCR et l’OIM et celle des stagiaires et étudiants sub sahariens sur le territoire.
Selon des témoignages, ces étudiants rencontrent des tracasseries kafkaïennes pour l’obtention d’un permis de séjour ou d’insertion professionnelle. Ils sont 162 cas dans cette situation fragilisante, entrainant la chute drastique depuis 2013 du nombre des étudiants africains qui fréquentent les établissements scolaires du pays, privant ainsi le pays de recettes en devises et d’un gain humain et diplomatique inestimable.
Habib Ofakhri