Comment la transition tunisienne demeure une exception dans une région où généraux, gangsters et jihadistes s’allient volontiers pour enterrer toute espérance démocratique ? L’explication nous est fournie par Jean-Pierre Filiu, professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris), après avoir enseigné à Columbia (New York) et Georgetown (Washington). Dans un ouvrage instructif, intitulé Généraux, gangsters et jihadistes, Histoire de la contre-révolution arabe, paru cette semaine à Paris aux Editions de la Découverte), il analyse les appareils de sécurité et de répression dont le poids est pourtant exorbitant dans le monde arabe. »
Invité de Patrick Cohen jeudi matin sur Europe1, il a analysé notamment « l’alternative tunisienne », en mettant notre pays dans l’ensemble du contexte régional.
« Cet ouvrage, qui fera date, lit-on dans sa présentation, répond à ce besoin de compréhension de telles structures de l’ombre, désignées sous le terme d’« État profond ». Il en éclaire le processus de construction historique, à la faveur du détournement des indépendances arabes par des cliques putschistes. Il en décrit les formidables ressorts économiques, depuis l’accaparement des ressources nationales jusqu’au recyclage de rentes stratégiques, notamment pétrolières.
Les « guerres globales contre la terreur » de ce début de siècle ont représenté une aubaine multiforme pour ces différents régimes confrontés aux revendications démocratiques de leurs sociétés. Ils s’en nourrissent tant et si bien, aujourd’hui comme hier, que la menace jihadiste, loin de décliner, ne fait que proliférer.
Un paradoxe très lourd de conséquences pour la sécurité du monde. Car les sociétés arabes ne connaissent pas seulement des guerres meurtrières en Syrie, en Irak, en Libye ou au Yémen. Elles vivent aussi à l’heure d’une véritable contre-révolution, dont Jean-Pierre Filiu brosse la première fresque d’ensemble en mobilisant son expérience intime d’une réalité largement méconnue. Il nous explique comment la transition tunisienne demeure une exception dans une région où généraux, gangsters et jihadistes s’allient volontiers pour enterrer toute espérance démocratique. »
L’alternative tunisienne
L’auteur consacre la dernière partie à la Tunisie. Sous le titre de « L’alternative tunisienne », il évoque successivement les atouts de la Tunisie, des occasions historiques, le contre-exemple libyen et le défi jihadiste en Tunisie.
A lire absolument.
Généraux, gangsters et jihadistes,
Histoire de la contre-révolution arabe
De Jean-Pierre Filiu
Editions de la Découverte, Paris, 2018
Version papier : 22 € Version numérique : 14,99 €
Jean-Pierre Filiu est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris), après avoir enseigné à Columbia (New York) et Georgetown (Washington). Ses travaux sur le monde arabo-musulman ont été publiés dans une douzaine de langues. Il est l'auteur à La Découverte de Les Arabes, leur destin et le nôtre, prix Augustin-Thierry 2015 des Rendez-vous de l'Histoire de Blois.