Un Appel pour défendre le pays, la constitution et les libertés
Dans un Appel intitulé "Défendre le pays, la constitution et les libertés", 250 signataires, intellectuels, militants politiques et des droits de l'homme et responsables associatifs, invitent les Tunisiennes et Tunisiens " sans distinction, ni exclusive", à se joindre à eux "en le signant ou en le faisant signer massivement, pour affirmer l'existence d'un puissant courant de vigilance civique " et "adresser une mise en garde solennelle au pouvoir en place".
Le constat dressé de la situation est implacable:
"Sept ans après le déclenchement de la révolution, ce sont les groupes affairistes et mafieux qui apparaissent comme les principaux bénéficiaires du renversement de l’ancien régime. Aucune des revendications essentielles de la population n’a reçu le moindre début de satisfaction. Le fossé séparant la Tunisie de l’intérieur de la Tunisie du littoral ne s’est pas réduit; la société rurale continue de souffrir d’un rapport structurellement inégal avec la société urbaine. Les habitants des ceintures des grandes villes restent enfoncés dans leur marginalisation; nulle stratégie n’a été conçue pour intégrer les activités informelles dans l’économie structurée. Les travailleurs et les fonctionnaires sont encore soumis à la politique des très bas salaires, les augmentations arrachées depuis 2011 ayant été gommées par une inflation galopante. Les jeunes diplômés souffrent plus que jamais d’un chômage massif, lié à un système productif peu évolué. La classe moyenne, en particulier les patrons de PME, est toujours pressurée par l’Etat et toujours prise en tenailles entre l’économie informelle et l’oligarchie rentière.
"La chute de Ben Ali n’a pas entraîné la chute de son système économique. Les anciens réseaux se sont réorganisés, puis repris leur expansion, gangrénant l’administration, la justice et les médias, sans oublier les partis politiques. Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 se sont tous dérobés devant la nécessité d’engager un combat frontal contre la corruption et les privilèges".
"Le soulèvement populaire a renversé la dictature et instauré un climat de liberté, couronné en 2014 par l’adoption d’une Constitution démocratique. D’essence parlementaire, celle-ci établit un régime civil (madani), qui protège les droits des citoyens ainsi que les libertés publiques et individuelles. Tout cela n’était pas de nature à répondre aux besoins pressants des citoyens, mais constituait un progrès, ouvrant la voie à une nouvelle étape de luttes pour accomplir les changements économiques et sociaux exigés par le pays. Ce qui aurait permis de transformer le soulèvement en une authentique révolution, c’est-à-dire en une mutation d’ensemble, ne se limitant pas à la seule sphère politique, mais englobant toutes les dimensions de la vie nationale. La nouvelle Constitution et les nouvelles marges de liberté représentaient des acquis précieux, un tremplin pour passer à la démocratie réelle".
Les signataires considèrent que ces acquis sont "sont aujourd’hui gravement menacés par Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi, son allié direct dans les mauvais coups qui se préparent contre la Tunisie et sa démocratie naissante":
"L’offensive antidémocratique s'est accélérée avec "le véritable plaidoyer" de BCE "pour "le retour du présidentialisme, l’obtention des pleins pouvoirs, l'annonce du report des élections municipales et la nomination de ministres issus de l’ancien RCD. Dans la foulée, une tentative avortée a failli donner un siège à l’ARP au fils du chef de l’Etat. Point d’orgue de l’offensive, le 13 septembre, les élus Nidaa Tounès et Ennahdha ont voté la loi dite de réconciliation administrative, qui arrête les poursuites pour cause de corruption impliquant des responsables de l’époque Ben Ali".
Pour contrecarrer "cette offensive réactionnaire" "de façon efficace ", l'Appel propose "un plan et une stratégie" qui s'articulent autour de plusieurs axes, notamment, "lutter contre la corruption, sauvegarder les espaces de liberté conquis en 2011, entrer en campagne avec des listes unitaires aux élections municipales et lier au maximum le combat pour les libertés et le combat pour les revendications économiques".
Lire le texte intégral de l'appel en arabe et en français