Mr le Président de l'ARP, l'armée est-elle dotée des moyens nécessaires pour pouvoir édifier d’autres Rj'im Maatoug?
Lors de sa visite, dimanche 26 novembre à R’jim Maatoug, à la tête d’une importante délégation, Mr Mohamed Ennaceur, Président de l’ARP, a déclaré que ce projet est une source de fierté et de considération pour l’Armée, mettant en même temps en relief l’importance de cette réalisation, non seulement sur le plan du développement régional, mais aussi au niveau sécuritaire. Le Président de l’ARP n’a pas manqué d’appeler à reproduire cette réalisation dans le reste des zones désertiques du pays.
Mr le Président de l’ARP, votre reconnaissance publique du rôle positif de l’Armée en ces moments difficiles, est en soi une bouffée de motivation morale non négligeable pour les membres de cette institution, ils en ont besoin.
Seulement, au moment où on vote le budget pour 2018, ne fallait-il pas, Mr le Président, se demander si le pays, la nation a doté cette Armée, cette "grande muette", du minimum de moyens matériels et personnels lui permettant, en sus de remplir ses missions institutionnelles de défense du pays, d’entreprendre de tels projets de développement. Tout en étant optimiste, je crains que la réponse ne soit plutôt mitigée.
Sur le plan matériel, des 3109 millions de dinars prévus par le Ministère de la Défense pour l’année 2018, seuls 2223 Millions de dinars ont été retenus par le Gouvernement et qui seront vraisemblablement votés par l’ARP, une baisse d’environ 28%, des réductions tellement importantes que le ministre de la Défense est allé jusqu'à dire que son Ministère n’aura pas en 2018 suffisamment de quoi payer les militaires (!). Mr le Président de l’ARP, la réalisation du projet de R’jim Maatoug a nécessité l’engagement pendant de longues années, de milliers de militaires entre cadres, techniciens et manœuvres et évidemment d’importants crédits. Par ailleurs, vous convenez bien qu’ilest beaucoup plus aisé de mobiliser des crédits,même importants et malgré la période de rareté que traverse le pays, que de mobiliser un personnel qualifié et surtout discipliné et dévoué à servir le pays dans les zones reculées! Et c’est vraiment là où le bât blesse, tout le monde, des plus hautes autorités au plus jeune tunisien, a été à plusieurs reprises bien averti que le système du service national est, depuis des années, complètement en panne. Sur un contingent annuel d’environ 65 mille jeunes en âge d’incorporation, le Ministère de la Défense n’arrive à en incorporer que quelques centaines, oui quelques centaines ! Des chiffres qui se passent de tout commentaire.
Et c’est là où intervient le rôle déterminant attendu du pouvoir législatif, l’ARP. Le rôle des parlementaires n’est pas seulement de voter les lois qui leur sont soumises par l’exécutif, ou poser des questions aux membres du Gouvernement ou même glorifier les actes de bravoureet efforts des militaires. Au contraire, il leur revient surtout,avec les outils prévus par la Constitution, d’agir sur l’exécutif et aussi auprès de leurs électeurs, la société, pour changer les mentalités, faire engager les réformesnécessaires et les faire aboutir. Il leur incombe aussi, à l’occasion du vote du budget de l’Etat par exemple, d’accorder les budgets nécessaires aux Forces Armées pour accomplir les missions qui leur sont dévolues. N’oubliez pas, MM. les Honorables Députés, que vous bénéficiez de l’initiative législative, un outilqui vous permet aussi de forcer les réformes nécessaires et d’orienter les choix du pays, faites-en usage.
Pour y arriver, il y a lieu de commencer par réformer la commission législative chargée du secteur de la défense et sécurité, très maladroitement dénommée "Commission de l’organisation Administrative et des Forces portant d’armes". Quels rapports y a-t-il entre ces deux domaines, l’Administration au sens Collectivités locales d’une part et Défense et Sécurité de l’autre, pour en charger la même commission? L’importance, en volume et en sensibilité, du travail attendu dans le secteur Défense et sécurité ne justifie-t-elle pas son attribution à une commission spécifique ? Imaginez les expertises exigées des mêmes membres de cette commission pour pouvoir maitriser ces deux domaines, ô combien différents ! D’ailleurs, comment trouver des parlementaires bien au fait des problématiques de "Défense et Sécurité" dans un pays où le service national semble ne concerner presque personne, certainement pas l’élite? Et ce nonobstant l’article 9 de la Constitution qui stipule:« La préservation de l’unité nationale et la défense de son intégrité constituent un devoir sacré pour tous les citoyens. Le service national est obligatoire conformément aux formes et conditions prévues par la loi».
Oui, à côté de sa mission principale, la défense du pays, l’Armée tunisienne et avec le peu de ressources qui lui ont été allouées, a pu durant des décennies, contribuer à l’effort national de développement du pays, R’jim Maatoug n’est qu’une illustration parmi tant d’autres,de cette contribution. Seulement les temps ont changé, les menaces sont devenues multiples et plus pressantes que jamais et le seront ainsi pour de longues années à venir, les ressources matérielles se raréfient, quant aux ressources humaines, elles sont abondantes, mais l’Etat peine à les mobiliser, d’où la nécessité de s’y adapter et l’urgence de profondes réformes, à commencer par le Service National. Voilà du travail pour une Commission législative chargée seulement du dossier "Défense et Sécurité".
"Que Dieu garde la Tunisie".
Gl,Mohamed Meddeb
Armée Nationale