Sadiki se met au portugais (Vidéo)
Sur la colline de la Kasbah, le prestigieux lycée Sadiki trône majestueusement de tout le savoir qu’il ne cesse de dispenser aux générations successives de Tunisiens. Dans une petite classe, une vingtaine de bacheliers imperturbables écoutent avec une attention soutenue le cours de Paulo Dos Santos, professeur de portugais affilié au prestigieux Instituto Camões. Mandaté en Tunisie depuis septembre 2016, le professor affiche une mine joviale et n’hésite pas à utiliser l’humour et la poésie comme instruments de transmission de l’amour de la langue portugaise et de la culture lusophone à ses élèves bacheliers, qu’il prend en charge pour la deuxième année consécutive.
Enseignée depuis déjà plusieurs années à la faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba et à l’Institut supérieur des langues de Tunis (Islt), la lusophonie fait donc ses premiers pas dans les lycées, avec l’arrivée de Dos Santos. Sadiki est toutefois le seul lycée dont les élèves ont fait preuve de curiosité et de tropisme lusophile, puisqu’il n’y a pas encore d’élèves inscrits en portugais dans les lycées où il est possible de l’apprendre depuis l’année dernière : les lycées pilotes Ariana, Bourguiba, Menzah 8 et le lycée de la Rue du Pacha.
«On se sent proches des Portugais»
«C’est ma passion du foot portugais qui m’a poussé à choisir cette langue», justifie, accoudé à son pupitre du premier rang, Chiheb. «Moi, c’est la splendeur de la culture portugaise, la sensualité du fado et l’amour du chant qui m’ont donné envie d’apprendre cette langue», clame Mishket, la pétillante artiste de la classe. Elle s’est d’ailleurs fait remarquer par l’ambassade du Brésil lors d’une manifestation culturelle au cours de laquelle elle a interprété avec brio une chanson portugaise. D’autres évoquent l’exotisme de la gastronomie portugaise ou encore l’usage répandu de la langue de Camões dans plusieurs pays pouvant constituer autant de destinations possibles pour la poursuite de leurs études. «Parlé par 261 millions de personnes dans le monde, le portugais est la langue officielle des neuf Etats membres de la Communauté des pays de langue portugaise, que sont l’Angola, le Brésil, le Cap-Vert, la Guinée-Bissau, le Mozambique, le Portugal, Sao Tomé-et-Principe, le Timor oriental et la Guinée équatoriale», nous apprend le professeur.
Véritable instrument de rapprochement culturel entre les deux pays, l’enseignement fraîchement établi de la langue de Camões constitue toutefois une nouveauté qui mettra du temps à convaincre les moins aventuriers des élèves, plus portés vers les langues ancrées depuis longtemps dans le système scolaire tunisien – italien, espagnol, allemand. «Raison pour laquelle le nombre d’élèves inscrits est encore peu élevé, explique M. Dos Santos. Mais la promotion ‘cobaye’ de cette année sera un précédent pour les futurs arrivants en 3e, et ainsi de suite. Il est naturel que les élèves aient besoin de temps pour apprécier auprès de leurs aînés l’apport culturel de cette langue et les perspectives d’avenir qu’elle porte.»
«Oxalá»
Les élèves nous expliquent en effet que l’absence d’épreuves corrigées dans les annales de révision rend d’autant moins évident le choix de cette langue, encore largement méconnue en Tunisie. «Pourtant, on est si proches des Portugais, de leur culture quasi-méditerranéenne qui est aussi la nôtre, de leur tempérament bouillonnant! Je pense que la diffusion de cette langue dans les lycées ne saurait tarder», lance ardemment l’un d’eux.
Dans l’optique de nourrir encore plus la fibre lusophile de ses disciples, le professeur envisage d’organiser, dans le cadre de l’approfondissement de la coopération culturelle tuniso-portugaise, un séjour d’agrément au Portugal pour une poignée d’élèves : les meilleurs d’entre eux, évidemment. «Avec des initiatives comme celle-ci, les jeunes Tunisiens se rendront plus perméables à une culture qui est déjà proche de la leur. La langue est en réalité l’unique barrière qui existe entre nos deux peuples. Mais on va la surpasser, Oxalá!», s’écrie Paulo Dos Santos.
«Oxalá»? Le mot, et surtout le son de sa prononciation, nous paraissent familiers. «Mais c’est normal, c’est le mot portugais pour ‘Inch Allah’!».
Nejiba Belkadi
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