Hichem Elloumi: Comment nous avons réussi l’implantation de Coficab au Portugal
Sur les hauteurs de Guarda, la région la plus élevée du Portugal, au centre nord du pays, le drapeau tunisien flotte allègrement à côté des couleurs officielles du pays sur le fronton d’une grande bâtisse moderne, au cœur de la zone industrielle. C’est le siège d’une entreprise tunisienne (Coficab Portugal), filiale du groupe Elloumi, l’unique pour le moment mais qui constitue déjà une référence et incarne une véritable success story. Il n’en fallait, au départ, pas plus de 350.000 DT en capital (pour atteindre aujourd’hui 65 millions d’euros d’investissement cumulé par incorporation des réserves). Plus que l’illustration d’un partenariat réussi, c’est un cas d’école d’un effet levier qui bénéficie utilement aux deux pays, à travers deux pôles d’excellence d’un même groupe (l’un en Tunisie et l’autre au Portugal), Coficab, ainsi rendu leader mondial des câbles électriques pour le secteur automobile.
La vision du fondateur du groupe, Taoufik Elloumi, a été accomplie par ses enfants et, dans le cas de Guarda, par ses deux fils, Faouzi (ingénieur centralien) et Hichem (polytechnicien), qui, en tant que chef de la branche câbles automobiles, assurera le leadership. Le succès de l’expérience au Portugal a ouvert la voie au développement international du groupe qui compte désormais nombre d’unités industrielles de par le monde, principalement en Europe et en Afrique du Nord.
«Tout a commencé en 1993, confie Hichem Elloumi, P.D.G. de Coficab, à Leaders. L’un de nos partenaires et clients équipementiers, un groupe américain, qui s’approvisionnait à partir de nos usines en Tunisie, nous avait fortement recommandé de nous rapprocher de sa base implantée au Portugal pour couvrir la péninsule ibérique. La filiale Coficab du Groupe Elloumi, créée en 1992, était alors à peine née mais disposait déjà d’un know how appréciable et d’une qualité reconnue. Avec mon aîné, Si Faouzi, nous nous sommes mis à l’étude du projet et sa faisabilité. Et c’est parti!»
Des facteurs de réussite à saisir
«Au démarrage, le capital n’était que de 350.000 DT et il nous fallait autant en compte courant associé pour constituer notre fonds de roulement. La Banque centrale de Tunisie a fini par nous y autoriser, à condition cependant de rapatrier le montant du compte courant d’associés au bout de deux années, au plus tard. Moins de 25 ans après, et grâce au réinvestissement systématique des bénéfices, l’investissement cumulé de notre filiale portugaise s’élève aujourd’hui à 65 millions d’euros, le chiffre d’affaires annuel dépasse les 200 millions d’euros et le nombre des salariés est de 540.». «Les facteurs de réussite, explique Hichem Elloumi, sont nombreux et déterminants. D’abord, nous maîtrisons bien notre métier et notre marché. Mais, plus encore, le climat d’investissement au Portugal est très favorable. Les autorités apportent un soutien total aux entreprises et aux entrepreneurs, encourageant particulièrement l’innovation technologique, la recherche & développement, l’accroissement de l’intégration et de la valeur ajoutée, l’amélioration de la productivité, la promotion des ressources humaines et l’ancrage dans le développement durable. Nombre d’avantages et d’incitations sont consentis en la matière. D’ailleurs, nous nous sommes inscrits à tous les programmes et avons bénéficié de leur effet positifen contrepartie d’objectifs de performances tous atteints.»
Valoriser l’entreprise, récompenser l’entrepreneur
Etait-ce si facile, et sans difficultés, ne serait-ce qu’au départ? «Evidemment, rien n’est facile, relativise Hichem Elloumi. Il faut se mettre à l’œuvre et s’employer à trouver la solution appropriée à tout problème qui surgit. Mais, il faut le reconnaître, la volonté politique des autorités portugaises est déterminante pour aplanir la voie de l’investissement et de la création d’entreprises. Il y a toujours une solution possible et un soutien apporté.» Même si Hichem Elloumi ne le mentionne que modestement pour son entreprise et sa personne, la reconnaissance du mérite et la valorisation de l’entreprise ont été érigées en principe au Portugal. L’effort est salué et la réussite célébrée. C’est ainsi que Coficab Portugal a reçu en 2012des mains mêmes du président de la République le Prix national de l’innovation des produits industriels, le célèbre Cotec, un label prestigieux. Mais aussi Hichem Elloumi a été fait Grand officier de l’Ordre du mérite industriel par le même président Portugais. Deux hautes distinctions qui honorent la Tunisie et souligne la qualité du partenariat économique entre les deux pays.
Un effet levier général
«Parmi les points forts de notre implantation au Portugal, souligne Hichem Elloumi, la mise en place à Guarda d’un centre de recherche & développement qui œuvrera en binôme avec le nôtre à Tunis. Les synergies entre nous se sont fortement développées en parfaite symbiose, chaque centre impulsant l’autre et constituant ainsi un pôle central pour les différentes unités industrielles du groupe en Tunisie et dans le monde.». «Cet effet levier est fondamental, tient à souligner Hichem Elloumi. Le développement international a renforcé Coficab en Tunisie sous la diréction de Aouatef Elloumi El Ghoul (P.D.G de Coficab Tunisie) qui a créé, en plus de son usine historique de Sidi Hassine, dans la banlieue de Tunis, une nouvelle unité à Medjez El Beb. Le chiffre d’affaires de Coficab en Tunisie est passé de 5 millions de dinars en 1993 à 430 millions de dinars en 2016 totalement à l’export et le nombre des salariés s’est élevé à plus de 700 (l’ensemble du groupe Elloumi compte 8 000 salariés). Les unités industrielles et leurs centres de recherche & développement en Tunisie et au Portugal sont devenus les deux grands pôles pour l’ensemble des autres filiales, contribuent à une avancée technologique significative et hissent Coficab en leader mondial du secteur.»
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