News - 24.10.2017
Abdelhamid Jelassi, le récidiviste du « vol savoureux »
En trois volumes déjà publiés, Abdelhamid Jelassi, dirigeant de premier plan au sein d’Ennahdha, depuis ses années lycéennes puis estudiantines, n’a pas encore épuisé ses «Carnets de l’avant révolution », ni cessé de tenir en haleine ses lecteurs. Dans sa série « Moisson de l’absence », amorcée avec son récit intitulé « La petite main ne ment pas », paru en 2016, puis « Les martyrs rédigent la Constitution », publié début 2017, il revient, dans ce troisième tome sur la longue épreuve carcérale entre 1991 et 2007. Sous le titre de « Le vol savoureux », il publie des notes d’analyse, rédigées dans la redoutable prison d’El Houareb, entre le 18 mars et le 22 juillet 2002, et envoyées clandestinement aux siens, à la faveur de mille détours.
L’acte d’écrire en prison pour un détenu politique, explique cet ingénieur principal chimiste, longtemps chargé de l’appareil et des structures, au sein d’Ennahdha, passe par une série de gestations, les tripes nouées. D’abord, la décision d’écrire et du choix du sujet. Puis, s’assurer de l’opportunité, de son aboutissement, de ses risques. Mais, encore, de sécuriser les conditions de la rédaction, pour ne pas être dénoncé et puni. La quatrième séquence est celle de faire passer le texte à l’extérieur. Puis, de s’assurer qu’il a été bien reçu par son destinataire direct et, enfin, en sixième et ultime étape, par son destinataire final qui lui donnera la diffusion escomptée.
Ce qui distingue les notes d’Abdelhamid Jelassi de la plupart des récits de captivité, c’est l’analyse qu’il fait du système carcéral et de ses conditions de vie et de traitement des prisonniers. L’auteur recense dans le premier « rapport » des exemples d’exactions perpétrées contre des détenus à El Houareb. Il s’approfondira ensuite dans l’analyse de la politique des autorités contre les prisonniers politiques : les étapes, les objectifs, le contenu et les organes d’exécution, ainsi que la typologie des gardiens, gradés, et hauts gradés, de l’Administration pénitentiaire et de la DST.
En connaisseur pour les avoir a bien expérimentées, Jelassi établit la comparaison entre la détention en isolement et celle mixte. Il s’attardera sur les différents centres d’intérêt et les préoccupations des détenus islamistes derrière les murs, avant de livrer son récit de la résistance des islamistes dans les prisons de Ben Ali, restituant ses formes et ses ressorts. La dernière note est consacrée à l’analyse de la fonction de réhabilitation à l’intérieur des prisons et sa performance par rapport à la récidive.
L’ingénieur scientifique se révèle également un narrateur de talent, ne se contentant pas uniquement d’évaluer les systèmes, mais nourrissant ses textes d’exemples, de témoignages, d’anecdotes et de cauchemars. Le récit qu’il rapporte à chaud des discussions internes, de l’autocritique pratiquée par des dirigeants, et de la prospective des nouvelles options pouvant s’offrir, constitueront un matériau utiles aux chercheurs et aux historiens. Abdelhamid Jelassi le souligne d’ailleurs en mentionnant que nombre des documents qu’il avait rédigés et récupérés après sa libération en 2002, serviront de base à sa propre contribution aux travaux d’évaluation engagés au sein de la direction d’Ennahdha, avant la révolution, à, partir de 2005, puis depuis 2007.
Un document qui lève un coin de voile sur une expérience à étudier.
Le vol savoureux
Lectures évadées autour de l’expérience carcérales des Islamistes, Tunisie, 1991 - 2002
D’Abdelhamid Jelassi
Editions Sotumédias, 2017, 140 p. 18 DT.
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