En Tunisie : l’agora, les agoras…
"Je ne veux pas que ma maison soit murée de toutes parts, ni mes fenêtres bouchées, mais qu'y circule librement la brise que m'apportent les cultures de tous les pays" (Mahatma Gandhi)
Mohamed Ali El Okby, est un créateur distingué. Il a longtemps fait du cinéma, a participé à des films internationaux tournés dans notre pays par des cinéastes réputés à l’instar de Polanski et Lucas, et a lui même réalisé des courts et longs métrages de qualité, dont le fameux " les Zozo de la Vague".
C‘est un homme féru de littérature et d’images, et comme tous les créateurs, il est insatiable, prolongeant son chemin en créant l’Agora, un lieu dédié à la culture et aux arts, dans la banlieue nord de Tunis, à l’entrée de La Marsa.
C’est une idée, a priori risquée, un espace ouvert à la culture, dans une grande ville balnéaire, où les regards sont plutôt tournés vers "La promenade des anglais", aux cafés qui longent l’avenue principale, et à la plage de sable fin et de mer bleue azur.
Et pourtant, le pari a été gagné, avec des jeunes et des adultes, toujours nombreux, sirotant un café, le regard vissé sur leurs " tablettes", ou discutant entre eux, du contenu de leurs cours : un plaisir que de voir cela.
L’Agora de La Marsa offre à côté de la grande salle de travail, d’autres espaces à l’instar des lieux d’exposition généralement dédiés aux peintres et sculpteurs, et un amphithéâtre, de dimension non négligeable, où sont projetés des films d’art et d’essai, mais pas seulement, et présentées de grandes conférences, d’auteurs, et des membres d’institutions de toutes sortes, dés lors qu’ils ont une actualité dans notre pays ou ailleurs.
Dans ces espaces, la culture, la connaissance, et le débat public y sont rois.
Les esprits chagrins refusaient de croire que le concept pouvait réussir.
Et pourtant, tous les jours les amateurs de culture y sont légion.
La conclusion de tout cela, est bien que le tunisien est un amateur de belles choses, y compris culturelles, et aiment autant les concerts de musiques, les expositions d’œuvre d’art, que les conférences politiques, littéraires ou autres.
Ce qui nous fait croire que la création d’espaces culturels, partout dans les différentes régions du pays ne serait pas une fausse bonne idée, mais bien un remède à l’abandon, et aux frustrations dont se sentent victimes les différentes couches de notre population, vivant en dehors de la capitale et de quelques rares grandes villes du littoral tunisien.
Créer des agoras partout en Tunisie
L’Agora est un espace culturel et ludique, les gens passent d’un rayon café à une pièce de théâtre, et à un débat intellectuel ou politique, très simplement, très facilement.
Au contraire d’une salle de théâtre en ville ou une salle de cinéma, ou personne ne connait personne, ou presque, dans l’Agora le coté village culturel est prédominant, et créateur d’une complicité, d’une complémentarité et d’une symbiose dans le public.
Il est facilitateur de dialogue entre les âges et les différentes couches sociales présentes au sein de l’espace géographique qu’elle occupe.
Dans les travées, les rencontres se font avec pour dénominateur commun, l’échange de commentaires sur les différents spectacles offerts.
Le côté village culturel a ceci de particulier, qu’il facilite les rencontres, multiplie l’échange, et est développe les affinités, et les amitiés.
La culture est un bien et une exigence universels, et il n’existe pas une culture de riches et de pauvres: les êtres humains sont égaux devant la culture, dés lors qu’elle se trouve à leur porte.
De plus les grands créateurs, sont souvent des personnes issues de milieux sociaux modestes, qui ont accédé à leur statut, parce qu’ils ont trouvé un minimum d’outils d’expression, et rien de plus.
Ajouter partout des agoras aux stades, aux piscines, et aux salles
Les Agoras n’ont pas pour vocation de remplacer les autres espaces dédiés au public, surtout celui des jeunes.
Ils auront pour utilité de venir compléter et renforcer, les bienfaits des stades, des piscines, et autres salles de sport, qui sont prisés et fréquentés par les différentes classes sociales et d’âge, en initiant et en faisant aimer aux uns et aux autres, les écrits des écrivains, les chants de la poésie, et l’expression théâtrale, corporelle et vocale.
Chaque fois qu’une Agora s’installera dans un lieu donné, cela ne sera pas au détriment de la fréquentation des endroits à vocation sportive, mais bien en complément des bienfaits de ces derniers.
Elles créeront avec les lieux de pratique du sport une formidable émulation, dont les régions sortiront vainqueurs en occupant les citoyens et surtout la jeunesse dans des pratiques et des loisirs agréables et utiles à leurs corps et à leurs esprits.
Les régions, surtout de l’intérieur du pays, sont maintenues dans un no man’s land intellectuel, créateur, au pire du sentiment de discrimination, et au mieux de lassitude et d’absence d’écoute chez les populations concernées.
Leurs populations se sentent de plus en plus délaissées: manque de moyens matériels, manque de moyens intellectuels: leur vie s’écoule dans une morosité de mauvais alois, qui les pousse soit vers le repli sur soi, et sur leur ordinaire peu enviable, soit dans des comportements extrêmes de désespoir et de violence.
Le général De Gaulle avait cette formule magique qui s’applique à leur vie monotone: "Le plus difficile n’est pas de sortir de l’X, mais de sortir de l’ordinaire".
Seuls le sport, et la culture peuvent briser le mur de la descente ou le maintien d’une vie dans le no man’s land de l’ennui, de ceux qui passent leur temps à discuter adossés à un mur ou sous un arbre ressassant leur amertumé à l’encontre d’un monde malveillant voire désespérant.
A ceux là il manque un intérêt concret, un objectif identifiable, qui pourrait donner à leur existence, un parcours plus honorable, plus gratifiant, que l’ennui qu’ils cultivent dans leur horizon immuable.
Conclusion
De tous temps, la jeunesse du pays n’a pas été réellement associée à la culture. Où peuvent-ils-la trouver, dans les maisons de la culture, la trouvent ils?
A l’école, l’objectif est d’apprendre de manière coercitive, avec un objectif de résultat "arithmétique".
Au foyer parental, où règnent généralement la petite lucarne et son film du soir: je vous laisse apprécier….
Depuis 2011, ce maudit film, est remplacé par les querelles politiciennes intestines: hurlements, vociférations et anathèmes au programme.
Dés lors les Agoras, apparaissent comme une des solutions pour sortir les régions de leur isolement intellectuel, et pour faire de leurs habitants, surtout leur jeunesse, des citoyens à part entière, avec le même droit d’accéder à l’information et à la culture que leurs compatriotes des grandes villes…….
Et la même capacité contributive au redressement de notre pays.
Mourad Guellaty
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C'est par la culture que le pays se sauvera et d'abord ses leaders politico-économiques qui ne brillent que par leur manque en ce domaine, et par leur appétit pour la culture de l'argent.AM
C'est vrai, seule la culture sauvera notre pays. Les agoras qui sont des lieux multiculturelles, offrent à la carte différentes destinations pour le visiteur. C'est ludique et enrichissant à la fois.MBM
Seule la culture universelle sauvera le pays. Et non pas celle des petites confréries, des copains et des coquins. Arrêtons cette comédie et comme il en est question dans cette opinion créons partout des espaces multiculturelles, à l'instar de Lagora de La Marsa, qui est je confirme l'écrit de Si Mourad une belle réussite culturelle Manoubi
Il existe dans le pays un embrouillamini au delà du raisonnable, et seuls les adeptes de la culture et les lieux du même nom comme l'Agora pourront nous sauver. Jba ben ammar
Excellente analyse, faire de la culture l'opium du peuple, quoi de plus exaltant? Jean Jacques Youn
Excellent absolument! La culture est une matière première. À sauver, a encourager et à multiplier. JB
La culture est au niveau zéro en Tunisie et toute réalisation culturelle est la bienvenue. Ibtissem Mellouli.
Très vrai, seuls les cultures nous sauveront, la culture ancestrale bien sur et celle du digital certainement! MAG
Bons développement sur la culture, délaissée, dégradée voire ignorée dans notre pays, ce pays qui n'arrête pas de connaître des camouflets tous azimuts .Noureddine ben Abdesslam
J’apprécie beaucoup ce genre de tribune, constructive et positive. Nous avons toutes et tous d'espoir, que le pays cesse de se lamenter sur lui même, et propose des projets faisables. Fatma Naboultane Gargouri
Seule la culture pourra nous élever, nous tunisiens qui sommes en concurrence pour toucher l'abime. Alors n'attendons pas qu'une solution miraculeuse vienne d'ailleurs, retroussons nos manches, et que les moins pauvres mettent les mains à la poche, pour aider à la multiplication des lieux de culture, tels que les agoras, pluridisciplinaires et ludique à souhait. Majdi
c'est juste, c'est correct et c'est visionnaire ! Nadine