Héla Cheikhrouhou: Faire cesser les abus et accélérer les grands projets
A la veille du remaniement du gouvernement, Leaders a interrogé les ministres sur leur bilan : ce qu'ils ont enduré, accompli, regretté. Les deux tiers ont répondu. C'est le cas de l'ex ministre de l'énergie, des mines et des énergies renouvelables, Héla Cheikhrouhou.
Quelles sont les épreuves les plus difficiles que vous avez dû affronter ?
La principale épreuve qui plombe les secteurs industriels hautece qu'ils ment capitalistiques en Tunisie tels que les produits fertilisants et les produits énergétiques, c’est la généralisation abusive et illégale des arrêts intempestifs, fréquents, et à durée indéterminée des activités productives de notre pays. Ces actes illégaux qui «prennent en otage» le cœur de l’économie tunisienne se trouvent malheureusement glorifiés et validés par plusieurs acteurs dans notre pays : certaines composantes de la société civile, certains partis politiques, certains médias, sans compter la faiblesse aujourd’hui des mécanismes nécessaires pour protéger les installations industrielles et appliquer la loi à ceux qui s’attaquent physiquement à leurs activités de production et de transport.
Quelles sont les trois principales mesures que vous avez prises et dont vous êtes le plus fière ?
- L’adoption d’une stratégie nationale dans le secteur de l’énergie à l’horizon 2030 qui offre la visibilité requise pour le pays et pour les investisseurs. Cette stratégie, qui prévoit entre autres, à l’horizon 2030, le développement des énergies renouvelables de 30% et l’efficacité énergétique de 30%, a été mise en pratique par notamment la publication des arrêtés ministériels en février 2017, le lancement de l’appel à projets en mai 2017 pour la production d’électricité par les investisseurs privés à partir des énergies renouvelables sous le régime des autorisations, le traitement des dossiers d’autoproduction privée par la Commission des énergies renouvelables, et l’annonce annuelle du total pour la période 2017-2020 qui comprend l’installation de 1000 MW répartis entre la Steg et les privés, et l’adoption du décret en juin 2017 qui régule le Fonds de transition énergétique afin d’en augmenter substantiellement l’agilité et les mécanismes d’appui aux investisseurs.
- L’adoption par l’ARP, en avril dernier, de la loi de mise en conformité du code des hydrocarbures avec l’article 13 de la nouvelle constitution, et le lancement d’une révision plus profonde de ce code pour la promotion des blocs libres et l’encouragement des investissements et ceci en s’inspirant des meilleures pratiques mondiales en concordance avec les spécificités de la Tunisie. Rappelons que l’octroi des deux permis pétroliers par loi en juillet 2017 rompent un blocage de quatre ans pendant lesquels aucune nouvelle concession n’a été donnée, d’où le déclin observé dans le rythme des investissements, avec 2-3 puits forés par an depuis 2011, au lieu de 20-30 par an auparavant.
- L’engagement à fond dans la transparence et la bonne gouvernance, notamment dans les secteurs extractifs des hydrocarbures et du phosphate. Nous avons donc entamé le travail de mise en œuvre des principes de l’Initiative de transparence dans les industries extractives (Itie) et ce par la création en juin 2017 d’un groupe de travail multipartite qui s’assurera de la publication d’ici fin 2017 du premier rapport Tunisie selon les principes Itie.
- La reprise de la production et la transformation du phosphate. Ainsi nous avons enregistré, durant la période septembre 2016-août 2017, la production de 4,6 millions de tonnes de phosphate et la transformation de 3,4 millions de tonnes. Ceci excède la moyenne d’environ 2,9 millions de tonnes/an entre 2011 et 2016.
- La mise en place des contrats de performance 2017-2020 pour les grandes entreprises sous tutelle (Steg, Stir complétés, et CPG, GCT en cours) pour une meilleure viabilité et pérennité de ces piliers industriels de notre pays.
Qu’est-ce que vous regrettez de n’avoir pas accompli à ce jour et comptez-vous le rattraper bientôt ?
La période à venir sera celle de l’accélération des grands projets. Si nous pouvons obtenir une période d’une à deux années durant laquelle les parties prenantes se mettent d’accord pour cesser les abus représentés par les arrêts intempestifs des chantiers et des usines en fonctionnement, nous pourrons enfin nous concentrer davantage pour accélérer le rythme de mise en œuvre des grands projets et initiatives structurantes pour notre pays, dans les énergies renouvelables et l’efficacités énergétique, et des investissements visant l’augmentation de la capacité nationale de production des fertilisants et des produits énergétiques.
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