Zied Ladhari: Désamorcer les crises, relancer le textile et promouvoir le commerce électronique
A la veille du remaniement, un certain nombre de ministres a accepté de se confier à Leaders. Qu'ont-ils au juste accompli de significatif ? Que faut-il en retenir le plus ? C'est ce que Leaders leur a demandé de consigner. Non pas un bilan narratif, autopromotionnel, mais l'essentiel le conceptuel, le stratégique et les temps forts. La parole est à Zied Ladhari, ministre de l'Industrie et du Commerce.
Quelles sont les épreuves les plus difficiles que vous avez dû affronter ?
À plusieurs reprises, en raison de graves difficultés rencontrées dans certains secteurs, nous étions face à un risque imminent de rupture d’approvisionnement de produits sensibles pour le consommateur (pain, lait, huile végétale subventionnée, fruits et légumes...) ou pour l’économie (industries du fer à béton, des minoteries...). Nous avons réussi par le dialogue à débloquer ces situations de crise et assurer surtout un fonctionnement fluide du marché. Éviter de telles crises, voire les anticiper, est notre épreuve au quotidien. Mais le défi, c’est aussi de tourner l’épreuve en opportunité. Cette année, la gestion de la crise avec les industriels du lait n’a pas seulement permis d’éviter l’arrêt de l’approvisionnement (avec les risques dramatiques que cela aurait sur toute la filière laitière et les conséquences sur des milliers de petits éleveurs qui en vivent en milieu rural) mais aussi à renforcer le dispositif d’exportation, rétablir l’industrie de séchage du lait et améliorer le dispositif de stockage. Résultat : les industriels n’ont pas arrêté la production, les agriculteurs n’ont pas déversé de lait dans les rues, triste scène qu’on a souvent vue ces dernières années, mais aussi on a pu atteindre un niveau record de l’exportation (+66% d’exportation des produits laitiers sur les sept premiers mois de 2017).
Je pourrais vous parler aussi de la visite à El Fouledh que j’ai vécue comme une épreuve pour l’Etat et non pas pour ma propre personne, quand quelques individus ont essayé d’empêcher un ministre de la République d’accéder à une entreprise publique, et c’est l’Etat qui a eu le dernier mot : j’ai accédé à l’usine, sans aucun usage de la force, j’ai parlé avec les ouvriers et j’ai tenu un langage de vérité au personnel. Et le message est bien passé.
Quelles sont les trois principales mesures que vous avez prises et dont vous êtes le plus fier?
Il y a tout d’abord les mesures décidées en faveur des secteurs du textile et du cuir et chaussure qui traversent une crise sans précédent depuis plus de cinq ans. Près de sept cents usines ont été fermées, une cinquantaine de milliers d’emplois détruits sur cinq ans et une baisse des exportations de 900 millions de dinars entre 2010 et 2016. L’action du ministère s’est traduite à travers une batterie de 23 mesures qui ont bénéficié d’un soutien personnel du chef du gouvernement, en dépit du contexte tendu des finances publiques. Ce qui a permis d’arrêter l’hémorragie. En même temps, des consultations pour un plan de relance stratégique ont été lancées.
Nous avons ensuite travaillé sur une batterie de mesures afin de limiter le déficit de la balance commerciale qui ont été adoptées en CMR. Pour ce premier semestre, et pour la première fois depuis cinq ans, les exportations ont connu une croissance à deux chiffres. Même si le déficit, structurel il faut le rappeler, persiste et augmente en valeur, il faut noter que le taux de couverture connaît une nette amélioration pendant ce premier semestre 2017 (65% en janvier ; 70% en mai ; 75% en juillet). Nous avons aussi entamé le travail pour rééquilibrer nos échanges avec la Turquie. Nous avons activé les clauses de sauvegarde et obtenu le soutien des autorités turques afin d’appuyer nos exportations.
Sur le plan africain, nous avons pu réaliser deux avancées majeures en 2017, l’admission de la Tunisie dans l’espace Comesa, et l’obtention du statut de membre observateur à la Cedeao.
Nous finalisons actuellement un nouveau plan de promotion des exportations, surtout dans les secteurs porteurs, et vers les marchés à fort potentiel, notamment l’Afrique subsaharienne.
Je suis, en outre, fier d’avoir entamé la lourde réforme de la caisse de compensation, en commençant par les mesures concernant le sucre. Ainsi, sur le volet commerce, nous avons mis fin à une aberration qui dure depuis longtemps en levant la compensation accordée jadis aux industriels. L’État économise ainsi jusqu’à 70 millions de Dinars par an. Au plan industriel, on a décidé et réalisé, à travers la STS de Béja, le conditionnement du sucre blanc, ce qui limitera le gaspillage, réduira le coût de la compensation et améliorera les conditions d’hygiène lors de la vente. Tout un plan de réforme de la compensation a été préparé et sera soumis prochainement à un CMR afin de permettre à la Caisse de renouer avec sa vocation première, à savoir l’attribution efficace de la compensation à ceux qui la méritent. Et en même temps agir sur les gros déséquilibres des finances publiques que la Caisse contribue à aggraver.
Qu’est-ce que vous regrettez de n’avoir pas accompli à ce jour et comptez-vous le rattraper bientôt?
Une forte focalisation sur les plus grands chantiers du département n’a pas permis qu’un sujet avec un important potentiel de développement comme le commerce électronique trouve une place de choix dans nos priorités. Je le regrette vraiment même si des progrès ont pu être réalisés grâce à une meilleure mobilisation des partenaires du ministère cette année. Je pense au programme export en ligne B2C ou la Virtual Market Place avec la CCI de Tunis. Avec un chiffre d’affaires national autour de cent vingt millions de dinars, la marge de progression de la Tunisie est énorme. Rappelons qu’à l’échelle mondiale, le marché a enregistré en 2016 des transactions à hauteur de vingt-trois trillions de dollars. C’est dire toute l’opportunité que cela représente pour notre pays et surtout pour notre jeunesse.
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