Khemaies Jhinaoui: «En diplomatie, il n’y a pas de place pour les regrets, seule une nouvelle dynamique compte»
Au terme de leur première année au gouvernement, les ministres, qu’ils soient remerciés ou reconduits, font leur bilan: qu’ont-ils accompli au juste au cours de cette année? Les principales épreuves endurées, les grandes mesures prises? Les frustrations? Les satisfactions ? Ecoutons le ministre des Affaires étrangères, Khémaies Jhinaoui:
Quelles sont les épreuves les plus difficiles que vous avez dû affronter?
Le métier de diplomate est par essence une épreuve de tous les jours. Il doit non seulement cerner les enjeux et les défis internationaux, mais surtout savoir comment mettre en avant et faire valoir les intérêts de son pays dans un monde en constante mutation. Aujourd’hui, la mission principale de la diplomatie tunisienne est de contribuer à l’effort national de redressement économique, condition sine qua non pour consolider les acquis réalisés par notre pays en matière de transition politique. Notre objectif est d’optimiser les ressources dont dispose la Tunisie pour mobiliser le maximum de soutien économique et financier, pour relever les défis du chômage des jeunes et du développement des régions intérieures, principales priorités du gouvernement d’union nationale.
Veiller sur la sécurité du pays demeure également une épreuve de taille. Nous sommes conscients de l’importance de doter nos forces de sécurité des moyens et outils nécessaires ainsi que de l’expertise permettant de juguler la menace terroriste.
Le terrorisme étant aujourd’hui un fléau international auquel aucun pays ne peut faire face seul, comme ne cesse de le souligner le Chef de l’Etat. La diplomatie a un rôle de premier plan pour œuvrer en vue d’une coopération internationale plus renforcée dans ce domaine. En fait, dans sa lutte contre le terrorisme, la Tunisie assure non seulement la sécurité de son peuple et de ses institutions, mais aussi la paix et la stabilité dans la région, qui demeure exposée à cette menace.
La troisième épreuve est bien évidemment de poursuivre l’effort entrepris par le Chef de l’Etat depuis son élection, visant à consolider le positionnement de la Tunisie à l’échelle régionale et internationale. La dynamique que connaît notre diplomatie tend à permettre à la Tunisie d’assurer le rôle qui lui sied dans la région et dans le monde.
Quelles sont les trois principales mesures que vous avez prises et dont vous êtes le plus fier?
Il fallait commencer par apporter les ajustements nécessaires au fonctionnement du département et redonner confiance aux diplomates qui constituent la cheville ouvrière du ministère. Un nouveau statut et un nouvel organigramme sont en train d’être finalisés. Le recrutement, sans précédent, de 50 nouveaux jeunes diplomates apportera à notre diplomatie un sang neuf et une projection vers l’avenir dont elle avait amplement besoin. De même, nous avons opéré un meilleur redéploiement de nos ressources au sein de nos représentations à l’étranger qui demeurent le fer de lance de notre action extérieure.
Dans la perspective d’une meilleure coordination entre nos institutions à l’étranger, nous avons adopté une approche contractuelle en concluant des accords-programmes entre le MAE et le ministère du Tourisme et de l’Artisanat, le ministère des Affaires culturelles, le Cepex, et prochainement avec l’Utica. Les contrats programmés visent essentiellement à optimiser et harmoniser l’effort national en vue d’une efficacité accrue et un meilleur rendement de nos ambassades, qui constituent le diapason de l’action extérieure du pays.
L’organisation de la conférence internationale de l’investissement “Tunisia 2020” (29 et 30 novembre 2016), dont la mobilisation massive a permis la participation de 70 pays, 40 délégations officielles et 1.500 partenaires économiques, a assuré un nouveau repositionnement de l’économie tunisienne dans la sphère économique internationale.
La Tunisie a multiplié les démarches et les initiatives visant à renforcer davantage ses relations avec ses différents partenaires. Dans le sillage de la dynamique exceptionnelle du rythme de l’échange des visites avec les pays amis, il sied de rappeler la tenue, le 1er décembre 2016 à Bruxelles, pour la première fois, du Sommet Tunisie-Union européenne, ainsi que le lancement de partenariats pour la jeunesse entre la Tunisie et l’UE et plusieurs pays européens, visant à renforcer l’employabilité des jeunes, leur participation à la vie publique et politique et le renforcement des liens entre les jeunes tunisiens et européens.
Le renforcement de la présence diplomatique et consulaire avec une focalisation sur l’Afrique à travers l’ouverture de deux ambassades résidentes au Burkina Faso et au Kenya, et le début de la mise en œuvre de l’ouverture de cinq représentations commerciales dans des pays africains où on ne dispose pas de présence diplomatique, et ce comme l’a préconisé le Chef du gouvernement d’union nationale.
La création d’un secrétariat d’Etat auprès du MAE, chargé de l’immigration et des Tunisiens à l’étranger et l’élaboration d’une stratégie nationale, en cours de finalisation, en matière de migration traduisent également le souci du gouvernement en vue de mieux s’approcher de nos ressortissants qui sont en dehors du pays et de les associer à l’œuvre de développement national. L’ouverture de nouveaux bureaux consulaires à Toulon, Lille et Nantes s’inscrit dans cette perspective.
Sur le plan sécuritaire, le MAE a piloté l’élaboration d’une stratégie nationale pour la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme, ayant fait l’objet d’une consultation nationale élargie impliquant tous les intervenants. Cette stratégie a permis d’améliorer la performance de notre pays dans sa lutte contre ce fléau.
Qu’est-ce que vous regrettez de n’avoir pas accompli à ce jour et comptez-vous le rattraper bientôt?
En diplomatie, il n’y a pas de place ni pour les regrets ni pour les états d’âme. Nous demeurons surtout habités par le souci constant de conforter l’excellente image de notre pays à l’étranger et d’en tirer les dividendes. La nouvelle dynamique diplomatique imprégnée par le Président de la République tire son essence aussi bien des constantes de la politique étrangère telle que conçue et déployée par les pères fondateurs de la République tunisienne, mais également d’une démarche proactive qui participe de la compréhension et surtout de l’anticipation des enjeux à venir.
Les multiples visites à l’étranger du Président de la République, du Chef du gouvernement et du ministre des Affaires étrangères, ainsi que le nombre record des hauts responsables étrangers qui se sont rendus récemment en Tunisie, le foisonnement des nouveaux accords signés et partenariats scellés ne tarderont pas à avoir des retombées positives en matière économique et sur le plan du développement humain des Tunisiens.
Nous sommes conscients que pour atteindre cet objectif, nous devons redoubler d’effort, améliorer nos méthodes de travail et chercher la performance dans ce que j’appellerai «la diplomatie des objectifs », et en cela nos diplomates ne manqueront d’ailleurs pas de donner le meilleur d’eux- mêmes pour relever les défis auxquels fait face le pays.
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