Lettre posthume au regretté Général Mohamed Saïd El Kateb (Décédé le 20 juillet 2017)
Mon général,
Puis-je trouver les mots qui conviennent en cette douloureuse circonstance pour vous rendre l’hommage qui sied à votre personne à l’occasion du quarantième jour après votre décès, ou dois-je seulement présenter mes sincères condoléances à votre honorable famille comme il est de coutume dans notre tradition de gens du Sud? Franchement, je ne sais par où commencer, s’agissant d’un devoir que je dois remplir envers vous.
La mort est une conséquence logique du destin «Toute âme doit gouter la mort» mais votre disparition était cruelle pour nous tous et pour le pays pour lequel vous avez œuvré inlassablement et honnêtement en jeune officier, d’abord, engagé avec la volonté, la fermeté et la rigueur qui vous caractérisaient pour chasser les hordes colonialistes et lorsque vous militez, ensuite, pour bâtir une Armée nationale avec fidélité, abnégation et sacrifice.
Dans cette Tunisie où vous êtes resté méconnu car ne cherchant, tout au long de vos obligations d’officier, qu’à servir, obstinément et résolument, son pays et non sa propre légende; vous avez toujours éprouvé une grande fierté d’avoir pu contribuer au recouvrement de notre souveraineté nationale. C’est là une des qualités majeures que bon nombre de personnes, éprises de ce mal appelé égocentrisme, n’ont pu s’en défaire.
Afin de mettre en valeur cette qualité, vous étiez encore jeune Lieutenant à peine débarqué de Saint-Cyr Coètquidan, lorsque, à la tête d’une section de mortiers ne possédant en guise d’arsenal que votre détermination et quelques pièces de mortiers de 81mm, vous avez réussi à causer des dégâts significatifs à une quinzaine d’aéronefs de combat ennemis.
Aujourd’hui, faut-il le noter, les meilleurs souvenirs resteront bien vivaces chez tous ceux que vous aviez commandé malgré le vent de l’oubli qui souffle par moment dans notre pays comprimé par l’indifférence.
Comment ensevelir le souvenir de l’homme en tenue de «bazane», digne d’un prince en étant féru des sports équestres, qui grondait ses hommes en lançant à ceux qui accumulent les maladresses la célèbre expression de «Zollat»!?
Comment oublier votre opiniâtreté et votre méticulosité pour les disciplines ayant trait à la «connaissance des armes» et au «tir» à tous les niveaux, du soldat à l’officier supérieur?
Comment oublier vos conseils aux officiers d’éviter de se fourvoyer dans les illusions et les chimères politiques et de les pousser à se concentrer sur l’essentiel: la lutte contre les hordes terroristes.
Vous faites partie, mon général, du cercle très restreint d’officiers ayant les mêmes fibres patriotiques doublées de rigueur intellectuelle sans faille. Sur ce plan, la question de la lutte antiterroriste aura occupé l’essentiel de votre réflexion; celle –ci a été esquissée sur les colonnes de LEADERS apportant toute la sagesse, l’expérience et votre parfaite connaissance des arcanes du système.
Votre disparition accentuera un peu plus la grisaille qui enserre chaque jour un peu plus notre vie d’anciens officiers en proie à une angoisse terrifiante des lendemains incertains pour le pays.
Que puis-je enfin vous dire, en guise de conclusion, mon général?
Je voudrais seulement, par le biais de cette lettre ultime et posthume et au nom de tous ceux qui vous ont aimé et respecté, que vous saisissiez l’expression de notre profonde tristesse et le sentiment du grand vide que vous avez laissé en nous et chez toute la communauté militaire qui n’oubliera jamais vos qualités de meneur d’hommes générationnel hors pair et de penseur militaire accompli.
Nous vous gardons à tout jamais dans nos esprits et dans nos cœurs.
Mohamed Kasdallah, Col (r)