L'ambassadrice Radhia Mestiri, une femme d'exception
Une Grande Amie vient de partir. avec élégance et discrétion... en laissant orphelins pour toujours sa famille, ses amis.
Femme de qualité et de courage dans tout ce qu'elle entreprend... sa vie, ses enfants, ses petits enfants, ses sœurs et ses frères attachants qui l'ont toujours entouré d'une intense affection.
Jusqu'au bout elle était une conscience vive de la vie nationale aussi bien sur le terrain qu' avec les partis politiques. Elle exprimait toujours ses idées avec clarté et conviction sur un certain nombre de sujets majeurs. Elle avait aussi cette capacité de rassembler, de réunir les contraires et de tracer les chemins d'un dialogue intelligent.
Diplomate d'envergure au sein du Ministère des Affaires Etrangères, figure emblématique de l'Assemblée Générale des Nations Unies où tous s'accordent à reconnaitre sa compétence, sa ferveur et son ouverture au dialogue. Ce n'est pas par hasard si le Président Habib Bourguiba l'avait choisie pour faire partie de la première délégation tunisienne invitée à l'Assemblée Générale des Nations Unies en novembre 1957 !Le 12 novembre de cette année là, la Tunisie devint Membre à part entière de l'ONU.
Elle a toujours tenté de rehausser le Département des Affaires Etrangères par la recherche de la qualité, le style de la diplomatie tunisienne faite d'un subtil mélange de Principes immuables, d'une capacité d'écoute et de dialogue, le sens du compromis et de l'équilibre et du respect des autres...avec le souci permanent de la Dignité préservée.
Elle savait cultiver ses relations et les entretenir. Dans les postes où elle a servi, elle avait cette grande capacité de tisser les liens et de créer les réseaux qui lui permettaient de travailler pour le pays qu'elle représentait dans un climat de confiance réciproque.
Elle était sollicitée par différents cercles, par des Chefs d'Etat, par des Ministres des Affaires Etrangères qu'elle connaissait personnellement.
On se souviendra de son engagement-critique, de son franc parler, de son courage et de son caractère affable et courtois mais toujours déterminé.
C'était le socle de la Famille, le ciment qui résistait aux intempéries, qui donnait de l'Espoir. Lasse parfois mais jamais abattue. Déçue par ses pairs, par la lâcheté ou le manque de lucidité de certains politiques...elle continue la lutte avec discrétion et, quand c'est nécessaire, avec fracas !Elle avait une haute idée de la Tunisie. Elle ne recherchait pas un Destin national qu 'elle aurait amplement mérité-.. mais servir au mieux sans ces contraintes absurdes qu'elle ne respectait pas toujours et qu'elle dépassait.
Elle a fait plus de travail efficace que de nombreuses prétendues éminences grises. Beaucoup étaient attentifs à ses analyses sur les questions concernant la région, l'Afrique, les Nations Unies, les grandes puissances...
Son combat pour les libertés, pour une société ouverte et équilibrée.. était aussi un combat pour les femmes, leur rôle sur la scène politique, économique et sociale. Elle ne supportait pas l'injustice, la médiocrité, l'indigence intellectuelle et les attitudes fallacieuses. Elle menait des campagnes de sensibilisation dans les marchés populaires, les quartiers périurbains...pour une société plus juste, plus harmonieuse, fière de son passé, ardente et ambitieuse pour son présent et son avenir. Elle agissait au quotidien sans faire étalage de ses actes.
Je la voyais souvent furieuse devant des prises de position tardives ou inconsistances qui ne traduisent pas forcément la neutralité responsable mais qui respirent plutôt l'amateurisme et les analyses de courte vue.
Oui, il est utile de lire et de relire l'Histoire...!
Elle était attentive aux rumeurs et aux froissements qui montent de différents cercles et régions.Elle n'était pas pour l'exclusive mais pour le parler vrai et constructif.
Elle avait cette beauté et cette personnalité si attachantes qui vous réconcilient avec la vie et qui vous encouragent à persévérer.
Je me souviens aussi de nos petits-déjeuners du samedi ou du dimanche; généreux et toujours intéressants..Animés, avec la participation ...de ses chers enfants Ahmed, Hajer, Aida, Sofiane et de ses chers frères et sœurs.., Ali, Saida, Neyla. et Ridha..C'est le Grand Cercle familial toujours uni autour et avec elle. Elle fut la conseillère, la confidente, l'amie attentive, celle qui savait assumer ses responsabilités avec une constante lucidité et une désarmante franchise.
Ses missions à Paris, à Moscou, à Islamabad, à Varsovie, à Dakar notamment furent pour elle des moments de plénitude où elle a pu se réaliser et avec une intelligence alerte et une compétence avérée, faire rayonner l'image de la Tunisie moderne. Sa carrière de Militante au service de la diplomatie tunisienne était un sentier de grands sacrifices. Elle était présente activement dans toutes les décisions d'importance prises par la Tunisie. Elle en tirait une fierté certaine... mais aucun avantage autre que celui d'une conscience sereine pour un labeur bien mené et une dignité plus affirmée encore.
Nos discussions, toujours de bonne facture, étaient diverses et variées. Elle se plaint peu mais devient triste et parfois enragée lorsque l'état du pays sombre dans les méandres de l'incertitude par le manque de lucidité et de réactivité des uns et des autres. Elle a donné tout ce qu'elle pouvait...n'attendant Rien.
Ces délicieux enfants ont su, avec la force de l'amour, lui rendre la vie agréable aussi bien chez elle à Carthage qu'au cous des ses nombreux voyages d'où elle nous revenait plus alerte, vive ...et apaisée.
Ce 17 juillet 2017....fut son dernier voyage.
Qu'elle repose en paix. à l'ombre des pins du cimetière de Gammarth...après une vie faite de labeur, de lutte et de Victoires!
La présence effective et remarquée du Président Foued Mebazza, qui connaît la valeur des hommes et des femmes de ce pays...a apporté un baume au cœur de la famille et des amis de la chère défunte.
Apprenons à rendre hommage à celles et à ceux qui le méritent ...de leur vivant ...avant l'ultime escale.
S'il est vrai que le blé et la reconnaissance nous poussent qu'en bonne terre, celle de Carthage, grenier de Rome, fut fertile par ses hommes, ses femmes, son savoir et son intelligence. Faisons que ce sublime héritage soit un des fondements de notre temps présent et de notre avenir.
Merci Radhia d'avoir existé ,Merci pour notre longue ,belle et amicale complicité!
Zouheir Allagui
Ambassadeur
Senior Advisor