Le général Saïd El Kateb, tel que je l'ai connu
Jusqu'à une date récente, je ne connaissais le général Saïd El Kateb que de nom. J'avais eu vent de ses hauts faits pendant la guerre de Bizerte. Je me suis même laissé dire qu'il avait détruit un certain nombre d'avions français pendant cette guerre, chose qui me paraissait exagérée. Je tenais quand même à ce qu'il nous fasse part de son témoignage dans le cadre d'un dossier sur cette affaire. Il accepta sans la moindre hésitation. Il m'expliquera plus tard qu'il tenait à ce que ses enfants sachent tout sur leur père de son vivant, alors que lui n'avait pas eu cette chance. Ce fut le point de départ d'une collaboration fructueuse entre nous.
Elevé dans la tradition d'une armée républicaine, il parlait peu de politique, mais ne cachait pas son inquiétude face aux évènements que traverse la pays. Par contre, il était intarissable lorqu'il parlait d'équitation (c'est un ancien de la fameuse école de cavalerie de Saumur) ou revenait sur les péripéties de la guerre de Bizerte. Il évoquait également la mémoire du commandant Bejaoui, officier valeureux, mort sur le champ de bataille, l'arme à la main dans les combats de rue, victime de l'incompétence du commandement de l'époque.
Je reviens sur l'affaire des avions détruits par les mortiers de sa section. La question me brûle les lèvres. Est-il vrai que vous avez détruit des avions ? Il confirme de la tête. Et pour appuyer ses dires, évoque sa rencontre dans les années 80 avec l'amiral Amman, commandant de la base aéro-navale de Bizerte en 1961 lors des hostilités. Nommé attaché militaire, naval et de l'air auprès de l'ambassade de Tunisie à Paris, un dossier attire son attention dès son entrée en fonction : une commande de patrouilleurs lance-missiles auprès d'une compagnie française de construction navale dont le président n'était autre que l'amiral Amman, commandant de la base aéronavale de Bizerte en 1961. Un nom qui ne rappelle pas que de bons souvenirs au général qui avait reçu précisément son baptême du feu, vingt ans plus tôt lors de bataille de Bizerte. Ayant appris sa nomination, l'amiral exprima le désir de le recevoir. Le temps ayant fait son œuvre, l’entretien est cordial. La discussion roule sur les détails techniques relatifs à la commande avant de bifurquer sur la guerre de Bizerte. Quelques années plus tard, au terme de sa mission en France, le général reçoit des mains de l’amiral Amman un document inédit sur les évènements de Bizerte. Il le feuillette et découvre à sa stupeur des informations inédites, par exemple, tout ce qui se passait à l'intérieur des bases, à Bizerte-ville et Menzel Bourguiba du côté français, et surtout les dégâts provoqués par les tirs de mortiers de sa section. Quinze avions corsair qui était alors en service dans l'armée de l'air française détruits. Il avait bien vu des avions en feu. Mais c'est la première fois qu'il prend connaissance du nombre d'avions détruits et au surplus de source française. Un exploit peu commun qui est passé inaperçu depuis
Le hasard a voulu que ce héros de la guerre de Bizerte nous quitte un 20 juillet, au lendemain de l'anniversaire du déclenchement des hostilités.
Hédi Béhi
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