Les coupures d’eau prolongées cet été: est-ce fatal?
Nombre de zones souffrent depuis le début de l'été de coupures d’eau se prolongeant parfois durant plusieurs jours. Le désarroi des populations locales est total. Privées d’eau potable en pleine canicule et abandonnées à leur sort sans le moindre système supplétif, encore moins une information exacte quant à la reprise de la distribution, elles ne peuvent que se lamenter sur leur sort. Est-ce une fatalité à laquelle il va falloir se résigner encore cette année?
Il est inadmissible que cela persiste et qu’on reste les bras croisés», essaye de rassurer Abdallah Rabhi, Monsieur Eau en Tunisie. Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture, chargé des Ressources hydrauliques et de la Pêche, il révèle à Leaders le plan d’approvisionnement en eau potable dans les zones urbaines et rurales au cours de l’été 2017. «Nous ne pourrons pas garantir un résultat de 100%, mais nous sommes en mesure d’assurer aujourd’hui une remarquable montée en puissance dans la réduction des coupures et la réparation des systèmes d’eau défectueux, ainsi que le pompage et le transfert des eaux inter-région ».
Déficit ponctué et phénomènes aggravants
Le contexte général est pourtant fort critique. Le stock général d’eau dans les barrages accuse, début juin dernier, un déficit de -455,544 millions de m3. Les apports pour la saison actuelle n’ont été que de 944,130 millions de m3, contre 1.399,674 m3 en moyenne durant les trois années précédentes. A titre d’exemple, le barrage de Sidi Salem, le plus important du pays, n’est qu’à 195,601 millions de m3, contre une moyenne de 366 millions de m3. Les apports globaux dans les barrages sont en déficit de -1.097,730 millions de m3. On a même dû puiser dans les réserves stratégiques.
Phénomènes aggravants, retards dans les projets, tant dans leur approbation que leur exécution, et état défectueux de pas moins de 238 systèmes d’eau potable. A cela, il faudrait ajouter les infractions répétées sur les réseaux d’eau potable et l’aggravation des raccordements illégaux, et le manque de gouvernance du secteur.
Tout à la fois
«Il fallait commencer par faire face à tout cela à la fois, indique Abdallah Rabhi. Pas moins de 139 systèmes d’eau sont en cours de remise en état, appuyés par la réalisation de forages d’eau, la pose de conduites d’adduction et de distribution en eau et le renouvellement des équipements pour un coût global estimé à 120 millions de dinars. A ce jour, 43 projets sont réalisés et entrés en exploitation, 85 projets sont en phase d’achèvement et 11 projets accusent un retard pour des raisons d’opposition des habitants. D’ores et déjà, nombre de gouvernorats ont commencé à exploiter ces nouveaux systèmes. Il s’agit notamment de Bizerte, du Kef, de Gafsa, de Médenine et de Zaghouan, et on espère achever la majorité des projets programmés avant la fin du mois de juin.»
«Il nous faut, par ailleurs, finaliser la mise en œuvre du programme d’urgence qui suppose la réalisation et le raccordement de 21 forages profonds pour un coût d’environ 8,2 millions de dinars, conjointement réalisé par la Sonede et la Direction générale du génie rural et de l’exploitation des eaux (Dggree). Quant aux zones rurales, le nombre de systèmes d’eau fonctionnant régulièrement en 2017 a vu une nette amélioration de 12%. Il est passé à 1.310, soit 91%, contre 1.158 systèmes en 2016, soit 79%.»
Un double radar
Abdallah Rabhi garde le regard fixé sur son tableau de bord qui reste allumé en continu. D’un côté, il suit l’état d’achèvement des projets et systèmes d’eau et, de l’autre, le pompage et les transferts des eaux. « Le transfert des eaux de l’extrême Nord, nous dit-il, porte sur 270 millions de mètres cubes par an pour un coût d’énergie d’environ 28 millions de dinars. Dans les circonstances actuelles caractérisées par la baisse du stock du barrage Sidi Salem (gouvernorat de Béja) suite à deux années consécutives de sécheresse, ce programme de transfert aura pour objectif principal la satisfaction des besoins en eau potable du Grand Tunis, du Cap Bon, du Sahel et de Sfax. Entamée depuis le mois de septembre 2016, cette opération a permis jusque-là le pompage de 122 millions de m3.»
«D’autres barrages, à savoir Gamgoum, Harka, Melah et Tine et ouvrages de transfert, poursuit-il, ont été récemment construits et mis en exploitation dans le gouvernorat de Bizerte pour renforcer la capacité de transfert à partir de l’été 2017 et améliorer les réserves de transfert de 55 millions de m3 supplémentaires par année. Quant à la construction du barrage Douimis et de ses ouvrages de transfert, elle est en cours de réalisation. Ce barrage a une capacité de stockage de 45 millions de m3, le coût du projet est estimé à 42 millions de dinars.»
Le secrétaire d’Etat Rabhi n’aime pas les fausses promesses. «Malgré tous ces efforts, nous ne pouvons pas prétendre éliminer totalement la soif pendant l’été vu que le taux de desserte est faible dans certaines régions. Mais, nous y œuvrons avec une forte détermination.»