Taoufik Habaieb : L’effondrement du temple mafieux en Tunisie balayera tout
Attendons-nous à de grosses surprises ! Le second semestre 2017 qui commence en ce début de juillet est porteur de changements majeurs qui s’imposeront à tous. A mi-mandat, le président Béji Caïd Essebsi marquera sans doute les accélérations nécessaires, sur fond de transformations profondes qui s’opèrent dans le pays.
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L’onde de choc provoquée par la chute de Jarraya et nombre de gros bonnets fait craqueler le temple d’un système mafieux qui finira par s’écrouler. Cette pieuvre tentaculaire s’avère soudée par des interconnexions qui s’étendent du crime au politique. En tombant les uns après les autres, les barons du mal finiront par dénoncer leurs complices, démasquer leurs commanditaires, avouer leurs forfaits.
La mise à nu sera brutale, et la vérité choquante. Le voile se lèvera sur tant d’assassinats : Belaïd, Brahmi, Lotfi Naguedh, et autres Socrate Cherni. Mais aussi sur tant de trahisons, à commencer par la livraison de Baghdadi Mahmoudi. Puis, la connivence avec les takfiristes, ouvrant la voie à l’envoi massif de nos jeunes chez Daech, et cultivant le terreau du terrorisme. Mais surtout, tout cet argent sale qui a asservi les moins scrupuleux des partis, ONG, élus et médias et intoxiqué le pays.
Que de vérités éclateront bientôt, très bientôt, dans une logique du « plus jamais ça ! ». L’exigence de transparence et l’ampleur de la défiance érigent le désir de moralisation de la vie publique en impératif majeur. L’application de la loi amorcera la restauration de la confiance et montrera l’aptitude du droit à la construction démocratique.
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El Kamour marquera un tournant décisif à plus d’un titre. Le gouvernement a finalement compris qu’il ne pouvait rien espérer en persistant à négocier avec les institutionnels régionaux, élus, partis politiques et ONG traditionnelles. La nouvelle réalité du terrain est tout autre. Il s’est alors résolu, au bout de trois mois d’un sit-in que certains voulaient détourner de ses compréhensibles revendications. La médiation, au dernier quart d’heure, de Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’Ugtt et spécialiste des négociations impossibles, scellera l’accord, tout en consolidant la prépondérance de la centrale syndicale sur l’échiquier politique. Quelle valeur contractuelle peut prendre la parole d’une masse populaire, sans un mandat légitime ? Comment le gouvernement accepte-t-il de « tant céder », sans garanties ? La symbolique signature du père d’Anouar Skrafi, mort durant les affrontements, est-elle probante ?
Une nouvelle logique est née à Tataouine - El Kamour. Une jurisprudence, un cadre de référence, un mode opératoire et des enseignements qui serviront pour la Tunisie, mais aussi pour de nombreux autres pays confrontés à des situations similaires. Ce qui est certain, c’est qu’il n’est jamais cher payé lorsqu’il s’agit de réparer les injustices subies par une région laissée pour compte et d’une jeunesse abandonnée sans horizons.
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L’année 2018 s’annonce très difficile pour les finances publiques. Déjà le budget 2017 a du mal à être bouclé, avec un trou de plus d’un milliard de dinars au moins, qui reste grandement ouvert. L’endettement extérieur poursuivra sa montée vertigineuse, encore faut-il réussir à l’obtenir. Malgré quelques frémissements qui suscitent l’optimisme, qu’il s’agisse de l’amélioration du recouvrement fiscal, de la légère reprise du tourisme et de l’investissement et de la maîtrise des dépenses publiques, le gouvernement aura à faire face à des choix douloureux. L’augmentation du taux de la TVA d’au moins un point se profile à l’horizon, surtout après l’expiration de la contribution exceptionnelle de 7,5% instituée en dernière minute l’année dernière. La facture sera lourde à payer, les Tunisiens doivent s’y préparer.
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Si l’échéance du 17 décembre est respectée, les élections municipales amorceront le chamboulement du paysage politique dans nos 365 communes, sur l’ensemble du territoire. Scrutin de proximité, il favorisera la société civile et fera émerger de nouveaux visages. Ceux qui croient que le verdict de ces élections n’aura pas d’impact majeur sur les suivantes (législatives) risqueront de l’apprendre à leurs dépens.
Que d’illusions seront perdues au cours de ce second semestre !
Bonnes vacances, quand même !
Taoufik Habaieb