Opinions - 04.06.2017

Non M. le Chef du Gouvernement, "on n’avait pas une Armée pour défiler le 20 mars seulement" !

Non M. le Chef du Gouvernement, "on n’avait pas une Armée pour défiler le 20 mars seulement" !

Mes respects M. le Chef du Gouvernement. Comme l’écrasante majorité des tunisiens je souscrits totalement à votre choix "pour l’Etat et pour la Tunisie et non pour la corruption" ainsi qu’à vos dernières actions de lutte contre la corruption, bon courage et bonne chance. Comme simple citoyen donc, je suis de près l’évolution de cette noble et inévitable guerre. Ainsi, j’ai lu attentivement votre interview parue dimanche 3 juin courant et ce fut ma grande stupéfaction de vous lire « on avait une Armée pour défiler le 20 mars seulement… » ; et ce dans le cadre de la réponse à la question « Si vous aviez à choisir où vous seriez en 2020 à… ». M. le Chef du Gouvernement, comme officier retraité de L’Armée Nationale après plus de 41 ans de service, je me sens dans l’obligation de vous faire part ainsi qu’à mes chers concitoyens de ce qui suit:

Malgré les contraintes de toute nature qui lui ont été imposées, l’Armée Nationale s’est toujours honorablement, professionnellement et surtout dignement acquittée de sa mission institutionnelle soit, la défense de l’intégrité territoriale du pays et de son indépendance. Même plus, elle a aussi largement contribué à l’effort de développement national par la réalisation de très nombreux projets d’infrastructure et à rehausser la place de la Tunisie parmi les nations, du Congo au Cambodge et dans tous les coins du monde, à travers les multiples missions onusiennes de maintien de la paix ; et ce sans jamais faillir à ses missions opérationnelles, y compris la lutte antiterroriste qui fut engagée bien avant 2011. La première des actions terroristes fût conduite contre le poste frontalier de Sondes (région de Tameghza/Tozeur) déjà en 1995, bien avant celle d’Errouhia de 2011. Et depuis cette opération, de Sondes, l’Armée faisait face, il est vrai en silence, à la nébuleuse terroriste. Et cela a été par des sacrifices et par le sang mais certainement pas par des défilés ! Il semble qu’on commence déjà à oublier !


Si par hasard, l’Armée se trouvait impliquée là où elle ne le devrait pas, il est clair que cela incombait aux politiques et nullement aux militaires ! C’est la règle du jeu et c’est ainsi que cela continue et se perpétue d’ailleurs. Que chaque partie, donc, assume ses responsabilités et ne pas tout mettre, quand il y a des défaillances, sur le dos de cette muette et s’attribuer les réussites !

Vous convenez bien M. le Chef du Gouvernement, que les accomplissements et le comportement très digne de l’Armée Nationale depuis 2011, et je vous laisse le soin de les apprécier à leur juste valeur, ne peuvent pas être le fruit de l’action des gouvernements qui se sont succédés depuis lors, ni de l’actuel d’ailleurs. Au contraire, c’est bien le résultat des choix, des efforts et des sacrifices de très nombreux braves soldats durant de très longues années, efforts relayés entre des générations.

Certes, l’Armée Nationale n’est pas au-dessus des critiques, mais on n’a pas le droit de bafouer son honneur et celui de ses martyrs par une hâtive déclaration de circonstance.

M. le Chef du Gouvernement, j’aurais préféré vous écrire pour vous exprimer, en tant que simple citoyen, tout mon soutien personnel à cette guerre contre la corruption, malheureusement cette déclaration a chamboulé l’ordre de mes priorités, c’est une question d’honneur de soldat. Une question qui dépasse ma très modeste personne, et qui, je suis presque certain, touche l’honneur et la dignité des centaines de milliers de soldats qui ont servi ce pays sous les couleurs nationales et des centaines qui se sont tout simplement sacrifiés, au vrai sens du terme, pour cette patrie.

Encore une fois, M. le Chef du Gouvernement, l’Armée de la Tunisie indépendante, malgré tout ce qu’on peut lui reprocher, n’a jamais été "une armée pour défiler le 20 mars seulement". C’est vrai, elle était et elle est toujours une Armée un peu trop réservée, peu connue et négligée par l’élite de cette nation. A cette élite, je ne peux pas, ne pas lui rappeler à cette occasion, qu’elle est bien redevable à ce pays entre autres d’une année de Service National, devoir constitutionnel "sacré" stipule la Constitution du 27 janvier 2014 (Art. 9), d’ailleurs celle de 1959 aussi (Art. 15). 

Quand on est patriote et à fortiori quand on assume de hautes responsabilités, ses déclarations comptent beaucoup et doivent être bien pesées !

Avec tous mes respects, M. le Chef du Gouvernement.

Que Dieu garde la Tunisie.

Gl (r) Mohamed Meddeb
Armée Nationale