Tunisie: de la crise politico-économique à la crise morale
Dans une galaxie lointaine, se trouve une planète appelée Suède. Dirigée par d’étranges «créatures extra-politiques», cette planète affiche des données économiques qui frôlent l’indécence.
En effet, en Suède, une ministre démissionne parce qu'elle a été contrôlée positive à l'alcool en roulant avec un taux «effarant» de 0,2 grammes dans le sang.
En outre, sur cette planète, la numéro 2 du gouvernement quitte son poste parce qu'elle a acheté de «dispendieuses» barres chocolatées en utilisant par inadvertance sa carte de fonction.
Toujours en Suède, un «vilain» député présente des excuses officielles suite à un scandale national, pour avoir acheté quelques bouteilles de vin, des billets de train et un sac de noix en convertissant des points de fidélité cumulés sur une carte de voyage offerte par le Parlement.
Dans ce royaume scandinave la culture de la transparence est poussée à son paroxysme et les habitants peuvent avoir accès à tout document public, à condition d’en faire la demande auprès de l’administration concernée. Ainsi la vie des malheureux responsables publics est scrutée, documentée et publiée, ce qui les pousse à utiliser l’argent public à bon escient. Grâce à de solides contre-pouvoirs la société Suédoise contribue ainsi, à éradiquer le fléau de la corruption, à rehausser le sens moral des politiciens et par conséquent à la fleuraison de l’économie de leur pays.
En effet, dans cette étrange planète, le PIB par habitant frôle les 50 583 USD(1), le taux d’inflation atteint à peine les 1,4 % et le taux de chômage n’excède pas les 7%.
Sur terre et à des années-lumière de la planète Suède, se trouve un pays appelé Tunisie.Dirigé par de «banals hommes politiques», ce pays affiche des données économiques moroses.
En effet, en Tunisie un ministre «scrupuleux» ment ouvertement, au cours d’uneséance plénière de l’assemblé des députés en niant la signature d’un contrat de service avec un fonctionnaire accusé d’affaire de corruption.
En outre, quand ce pays est au plus mal, des députés «nationalistes» réclament de nouvelles séries de revendications provocatrices, leurs permettant notamment ainsi qu’à leurs familles, de recevoir des soins médicaux gratuits à l’hôpital militaire.
Toujours en Tunisie, sur les 217 membres élus de l’Assemblée des Représentants du Peuple « pas moins » de 18 ont déclaré leur patrimoine alors que la loi n° 87-17 du 10 avril 1987 exige des députés la publication de leur patrimoine à compter d’un mois après leur nomination.(2)
Dans la première démocratie du monde arabe, 6 ans après la révolution, la culture de l’impunité est poussée à son paroxysme. Ainsi, les responsables politiques peuvent, mentir sciemment, profiter de l’argent public, transgresser toutes les règles sans être inquiétés, et même proposer un projet de loi de réhabilitation des usurpateurs. En effet, l’état d’anarchie qui règne en Tunisie, l’affaiblissement de l’Etat et les liaisons dangereuses entre le monde des affaires et les politiques contribuent à l’expansion du fléau de la corruption, au rabaissement du sens moral des politiciens et par conséquent au dépérissement de l’économie de ce pays.
En effet, dans ce pays démocratique, le PIB par habitant ne dépasse pas les 11 392 USD(3), le taux d’inflation frôle les 5%, le taux de chômage quant à lui excède les 15% et l’économie parallèle qui gangrène le pays représente plus de 50% du PIB.
La véritable crise à laquelle la Tunisie est confrontée aujourd’hui n’est nullement politique, encore moins économique, mais c’est plutôt une crise de valeurs; une crise MORALEet aucune réforme économique ni politique n’aura d’impacts durables sans une interrogation poignante sur l’ «éthique de la république», et la morale de sa classe politique qui devront d’ailleurs être impérativement rehaussés d’urgence pour pouvoir espérer un jour rejoindre le rang des galaxies hélas très lointaines à l’instar de celle de la Suède.
Selim Kouidhi
Expert-comptable
(1) http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/tend/TUN/fr/NY.GDP.PCAP.PP.CD.html
(2) Rapport publié, le mercredi 25 janvier 2017 par I WATCH
(3) http://www.ins.nat.tn/