News - 12.05.2017
Sfax : où va donc la Municipalité ?
En préparation des futures élections municipales, une «Délégation Spéciale», supposée (comme requis) administrative et non partisane, vient d’être désignée à Sfax. Son Président n’est autre que le Secrétaire Général (SG) du Gouvernorat en exercice. ll cumulera ainsi jusqu’à nouvel ordre deux fonctions essentielles dans la ville et la région.
Fort de ce cumul et d’un évident soutien politique de circonstance, Monsieur le nouveau SG-Président parait déjà vouloir se comporter en tant que force décisive absolue pour la gestion et l’avenir de la ville; le problème c’est que c’est du destin de Sfax qu’il s’agit, une grande Cité dont Monsieur le nouveau Président ne semble - hélas - même pas réaliser la dimension et les aspirations ni se soucier des intérêts vitaux; et c’est que cela durerait encore huit longs mois!.
Bien entendu, ce «pouvoir concentré» propice aux abus n’est pas de nature à déranger ceux qui en sont proches ou qui pourraient en tirer profit, surtout en cette période de pré-élections et des bonnes affaires.
En effet, aussitôt installé à la Mairie, le Président désigné s’est empressé de faire redémarrer «le chantier d’extension de la Cour d’Appel» alors que, pour diverses entorses à la réglementation, la Municipalité avait stoppé net en 2016 les travaux entamés sans même une autorisation de bâtir. Il faut dire que cette situation embarrassante résultait d’étranges négligences commises sous son contrôle alors qu’il était SG au Gouvernorat; il est légitime de penser que cette situation le préoccupe encore au point de l’inciter à user de son pouvoir actuel pour classer un dossier gênant, tout simplement en précipitant la réalisation du projet contesté pour mettre les réticents devant le fait accompli.
Or, ce «fait accompli» serait une vraie catastrophe qu’une Municipalité responsable ne peut jamais autoriser, pas seulement en raison de l’opposition (motivée) de l’Institut National du Patrimoine mais aussi et surtout parce qu’il va contre les règles élémentaires de l’urbanisme. En fait, cette construction (extension) supprimerait une zone verte et le parking réglementaire de «l'édifice du Tribunal existant»; bien plus grave encore, elle se situe dans une zone névralgique qui constitue déjà un goulot d’étranglement dans l’axe routier qui longe la façade Est des remparts; elle deviendrait, avec la concrétisation prochaine du projet Taparura, un obstacle fatal à la circulation dans la future Place (appelée à être élargie) qui est un lieu de passage obligé (déjà étroit) situé entre Borj-Ennar et le Tribunal, entre Taparura et Bab-bhar, et dans l'axe du Boulevard Ali Belhaouen qui reliera la ville entre l’Ouest et Est (Taparura).
Pourtant et malgré tout cela, le chantier vient de redémarrer, encore une fois sans permis de bâtir et sans la levée des interdictions qui furent dès le début fermement formulées. Les travaux que la loi et le bon sens interdisent ont repris à la sauvette, en force et en toute vitesse.
De ces entorses préjudiciables qui est le responsable ou le vrai coupable, et quoi faire contre ce forcing menaçant et face à autant d’obstination ?
Monsieur le «SG-Maire» pousse à laisser faire et continue sur sa lancée tout en osant continuer d’avancer les mêmes arguments objectivement subjectifs et absolument irrecevables.
Monsieur le Gouverneur, en principe informé, n’a sensiblement pas encore réalisé que la légalité a été gravement bafouée ni jugé utile d’intervenir pour assurer le respect de la loi.
En l’absence de Municipalité élue, face aux dérives obstinées de la Délégation Spéciale et devant l’indifférence (?) des autorités de tutelle, il ne resterait aux citoyens de Sfax que d’intenter un procès, comme dernier recours. En ce cas, la Justice se retrouverait à la fois juge et partie, entrainée dans une affaire par le simple fait d’une regrettable erreur administrative indépendante de sa volonté. Mais nul ne peut en tout cas douter que justice serait rendue.
Pour être clair, il est inconcevable qu’on puisse laisser «un responsable chargé de gérer transitoirement les affaires» décider à sa guise de l’avenir d’une ville par des réalisations aux conséquences nocives ou irrémédiables. A défaut de contrôle de institutions normalement élues, il appartient aux autorités qui désignent « le décideur par délégation» de prévenir ses éventuelles fautes ou abus et de les corriger à temps.
Dans le cas précis de ce «chantier pirate», il est logique et urgent de commencer par stopper les travaux et de désigner une commission ad hoc regroupant les divers secteurs concernés par la question afin de juger sereinement de la situation et prendre les décisions appropriées.
L’idéal serait que le respectable fonctionnaire nommé pour gérer transitoirement la Mairie devienne conscient des limites de son nouveau pouvoir et qu’il reconnaisse et corrige lui-même ses toutes récentes fautes, en oubliant sans histoires les erreurs du passé.
Mais s’il se confirmait, comme on l’entend dire, qu’il envisage aussi de s’auto-désigner représentant de la Municipalité au Conseil d’Administration du projet Taparura, on doit alors se poser des questions et se demander jusqu’où peut encore aller la Municipalité de Sfax à l’ère des désignations sur mesure, des passivités irresponsables et des petits calculs.
Mohamed Aloulou