Naceur Gharbi : Alternative pour contribuer au financement de la réforme des régimes de retraite
I. Cadre de la réflexion
La réflexion proposée se situe dans la perspective de la réforme des régimes de retraite qui, pour l’essentiel de son esprit, doit conserver << les droits acquis>> (notion qui se prête à une interprétation très large et confuse). En tout état de cause, la réforme a pour toile de fond la préservation des principes de solidarité et de redistribution : les régimes de retraite sont appelés à développer leurs moyens financiers sans diminuer leurs dépenses.
Parmi les propositions présentées aux organisations syndicales figure notamment une hypothèse d’augmentation progressive des cotisations au titre de la contribution patronale et salariale pour rééquilibrer les finances des régimes de retraite et garantir leur pérennité.
En raison des augmentations précédentes des cotisations et du poids de celles-ci dans les charges sociales, les deux organisations syndicales ont manifesté leur opposition à toute nouvelle augmentation. L’UGTT évoque les << causes>> des difficultés financières et cultive une << hostilité>> à une éventuelle révision à la hausse des cotisations.
il est également compréhensible que l’UTICA se soit pas favorable à cette augmentation notamment après l’instauration de la contribution supplémentaire imposée aux entreprises dans la dernière loi des finances.
Dans une quête de maximiser les objections à la réforme proposée, L’UGTT a même soutenu les réserves de l’UTICA.
De ce fait, il est proposé d’engager une réflexion sur le financement de la reforme par la TVA en augmentant d’une façon modulée son taux.
Cette réflexion peut s’inscrire dans le cadre de la contribution à la réalisation de deux objectifs fondamentaux partagés par les acteurs sociaux et l’opinion publique à savoir:
- Favoriser l’emploi
- Soutenir la compétitivité
Outre ces deux objectifs essentiels pour la société et l’économie du pays, le financement des régimes de retraite par une partie de la TVA permettrait, d’une part, une participation mesurée de toutes les catégories sociales ( y compris les retraités ) et, d’autre part, de tenir compte les objections de l’UGTT et, par ailleurs, d’initier une << reconfiguration>> de la gouvernance de la sécurité sociale épargnant celle-ci des tiraillements catégoriels et corporatistes
II. Objectifs
Initier une fiscalisation pour financer la protection sociale par l’instauration d’une TVA sociale qui contribuerait au financement des régimes de retraite pourrait se justifier par de nombreuses considérations dont essentiellement:
1. L’importance de la demande additionnelle d’emploi non couverte et l’appui aux politiques de promotion de l’emploi eu égard aux objectifs fixés.
- La recherche d’une alternative au financement des régimes de retraite serait une suite logique de la mutation de notre système de sécurité sociale qui, de manière générale, est devenu de facto plus universel.
- Elle répondrait également au chômage qui pose le problème de la diminution de nombre de cotisants et donc la diminution des ressources.
- Le financement en partie par une TVA sociale correspondrait à une volonté politique de protection du pouvoir d’achat (les revenus) contre une érosion due à des prélèvements qui deviennent de plus en plus élevés.
2. Les difficultés financières des régimes de retraite résultant du déséquilibre du rapport actifs/inactifs et de la difficulté d’augmenter davantage les cotisations à la << charge du travail >> (qui affecteraient les revenus et la compétitivité de l’entreprise en enchérissant le cout du travail dans un contexte de forte concurrence économique).
3. L’impossibilité d’un nivellement par le bas (sur des pays d’un même niveau de développement économique ou d’un niveau proche mais ou le
coût du travail est moins élevé) surtout que dans notre pays la demande sociale est de plus en plus croissante : (impossibilité de revenir sur << des droits acquis<< pour garantir la solvabilité des régimes et pour affronter la concurrence étrangère).
4. Le souci de soutenir et de concrétiser une visée et des choix politique d’universalité de la sécurité sociale : une couverture sociale étendue qui profite non seulement aux assurés sociaux (les vrais actifs) mais également, et par le seul lien de parenté et de charge, aux ayants droit (les inactifs) qui en matière de retraite notamment, et en qualité de <
III. Retombées escomptées
La TVA sociale consiste de manière générale à réduire les couts de production, et à les remplacer par des taxes sur la consommation. Ce transfert de charges au sein du financement de la sécurité sociale, qui se limiterait dans un premier stade et de façon partielle aux régimes de retraite, permettrait:
- De sauvegarder un système de retraite par répartition soumis à des pressions démographiques et financières et d’éviter le recours à des solutions individualistes (capitalisation) qui ignore le principe de redistribution solidaire.
- De contribuer à la maitrise du cout du travail. Le coût du travail diminue (relativement au coût du capital) et encourage l’employeur à engager plus de personnel. Un cout de travail pas trop lourd est en effet un élément qui peut procurer un avantage concurrentiel. L’activité dans le pays serait économiquement attractive, inciterait davantage l’investissement direct étranger (créer un << appel<< à l’installation de sociétés étrangères dans le pays) et donc contribuerait à la promotion de l’emploi.
- De promouvoir et de protéger l’emploi surtout dans les activités manufacturières à haute intensité de main d’œuvre en diminuant les couts des biens produits
- Le maintien des cotisations sociales à leur niveau actuel pourrait avoir un impact pertinent sur la création de l’emploi dans les secteurs à forte intensité de main d’œuvre qui sont tournés principalement vers le marché intérieur mais aussi les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre tournée vers l’extérieur ( ex. bâtiment, textile , tourisme, santé de (plus en plus)…).
- Le maintien des cotisations sociales à leur niveau actuel pourrait être pertinent pour les bas salaires et favoriserait la création d’emplois peu qualifiés
- De soutenir la compétitivité (la TVA sociale une dévaluation déguisée) , puisqu’elle pénalise ( taxe) les produits importés à l’avantage des produits fabriqués dans le pays ( les ménages achèteront moins de produits importés ). La TVA sociale est supportée par tous les produits locaux et importés, mais les produits locaux bénéficieraient d’un maintien des cotisations à leur niveau actuel, alors que le prix relatif des produits importés augmenterait (et ainsi les importations participerait au financement des régimes de retraite).
Ne pas accroitre le coût du travail augmenté également la compétitivité des entreprises à l’exportation (les prix à l’exportation diminuent relativement aux prix des autres pays)
- D’améliorer indirectement le rendement fiscal de l’entreprise (la stabilité des charges augmenterait les bénéfices soumis à l’impôt)
- De soutenir les augmentations régulières des salaires dans la mesure où elles couteraient moins cher aux entreprises.
- Ne pose aucun problème légal vis-à-vis des accords de libre échange, car <
Le progrès des techniques de production, la robotisation et le développement des TIC vont concurrencer progressivement la main d’œuvre et accélérer la croissance économique plus rapidement que la croissance des impôts sur les revenus, rendant ainsi nécessaire de développer d’autres sources de revenus pour les Etats telles que la TVA
IV. Précautions
Appréciation : Une étude approfondie permettrait de vérifier les conséquences éventuelles sur quelques agrégats économiques importants, à savoir la consommation des ménages, les investissements, les prix, l’emploi, les exportations, les importations et au final le PIB.
Faisabilité : dépendrait de la façon dont le public va comprendre et accepter la mesure. Un nouveau mode de financement peut être perçu différemment par les gens. L’acceptation par la population d’un système est un élément important en termes d’adhésion au projet et en termes de facilitation de la décision politique à prendre.
La mesure pourrait être annoncée à l’occasion d’une manifestation d’un intérêt national (ex. journée de l’entreprise ou bien dans le cadre du renforcement de l’arsenal incitatif à l’emploi)
Produits à toucher : si cette orientation est retenue, elle devrait s’inscrire dans la perspective d’un éventuel aménagement de la caisse de compensation. Elle ne devrait pas toucher les produits de première nécessité et ne devrait pas porter de façon uniforme sur tous les biens de consommation pour ne pas affecter le pouvoir d’achat des personnes les moins nantis qui dépensent la plus grande partie de leur revenu en achats de biens de consommation de base
V. Résumé de l’argumentaire
- Diminuer le cout du travail
- Favoriser l’emploi
- Améliorer la compétitivité de l’entreprise à l’export
- Favoriser la production locale sur le marché interne
- Orienter l’investissement vers les activités à fort potentiel de l’emploi
- Attirer les investissements directs étrangers
- Faire participer toute la collectivité au financement de la sécurité sociale de plus en plus universaliste
- Respecter et gérer positivement le potentiel revendicatif syndical
Naceur Gharbi