News - 12.04.2017
Le cri du cœur du pétrolier canadien de Tataouine : comment débloquer la situation ?
Le conflit social qui bloque le champ pétrolier de Chouich exploité par la société canadienne Winstar Tunisia BV, et secoue depuis des semaines Tataouine connaîtra-t-il bientôt une issue heureuse ? A l’origine, le départ, en raison de la baisse de production et de la chute du prix du baril, de 14 salariés, pour préserver 38 emplois. Le mécanisme de conciliation bloqué et toutes les propositions financières rejetées, Jeffrey Auld ( à droite sur la photo), CEO de Seinius Energy, propriétaire de Winstar Tunisia BV a été dépêché spécialement de Calgary (Canada) par les actionnaires, s’en remettre aux autorités tunisiennes. Reçu par la ministre des Mines et de l’Energie, Hela Cheikhrouhou, il a pu s’entretenir mercredi matin à la Kasbah, avec le chef du gouvernement, Youssef Chahed. « J’ai trouvé auprès de lui beaucoup d’écoute et d’attention, nous confie-t-il. Et j’ai pu alors lui exposer la situation et lui faire de notre offre qui se veut significative, dans le fil droit de notre engagement citoyen. »
La proposition de la compagnie est d’offrir à chaque salarié devant partir, la somme de 25 000 DT, s’il a une ancienneté de moins de 5 ans et 30.000 DT pour les autres. Jeffrey Auld attend la réponse. « Nous n’avons aucune intention de quitter le pays, s’empresse-t-il d’affirmer, et tenons à y rester travailler, générer des profits et grandir. Et c’est en grandissant que nous pourrons créer plus d’emplois. »
Le parcours du combattant
Le récit du conflit est intéressant à connaitre. Winstar Tunisia BV exploite depuis près de 10 ans, deux champs : le premier à Sabria (gouvernorat de Kebili) et le second à Chouich (gouvernorat de Tatouine). Si le premier n’enregistre aucun incident, c’est le second qui pose problème. Vieux d’une trentaine d’années, il se trouve en fin de production avec à la fois une baisse sensible des quantités extraites et une chute vertigineuse du prix du baril. Rapidement, les comptes virent au rouge, face à l’accroissement des charges contre la régression des revenus ce qui impose une compression des coûts.
« Depuis, l’été dernier, nous accusons une perte sèche de 125 0000 DT par mois, souligne à Leaders, Jeffrey Auld, venu appuyer les efforts du Dr Trent Rehill (à gauche sur la photo), qui dirige la société en Tunisie. Toutes les charges sont revues alors à la baisse, qu’il s’agisse des frais d’exploitation, de transport et, inévitablement, du personnel, poursuit-il. Nous employons actuellement pas moins de 120 salariés permanents, tant au siège que sur le terrain et notre objectif en tant qu’entreprise citoyenne est de préserver ces postes d’emploi. Nous nous sommes trouvés contraints cependant de procéder à Chouich, au départ de 14 employés et garder 38 autres. C’est impératif au vu de la baisse de production et de la nécessité de limiter les pertes et avons dû alors engager les démarches légales, dans le respect de la réglementation en vigueur.»
La boîte de pandore
Jeffrey Auld ne savait pas alors qu’il allait ouvrir la boîte de pandore qui finira par bloquer totalement la production et déclencher toute cette agitation sociale. « Envoyé d’urgence en Tunisie pour trouver les solutions appropriées, dit-il, le vice-président a passé quatre heures avec les dirigeants syndicaux. Mais, ce n’était ni pour débattre des propositions, ni pour négocier un accord. Il a dû subir un flot intarissable de fausses accusations. Le processus de conciliation était bloqué, malgré toute notre bonne volonté d’offrir un package absolument intéressant que j’ai beaucoup de mal à expliquer à mes actionnaires et les en convaincre. »
Les mauvaises surprises ne manqueront pas pour Winstar Tunisia BV. Alors que les 38 salariés maintenus ont tenu à reprendre le travail, la demande introduite en leur faveur par la compagnie pour obtenir la Carte de Désert, indispensable pour se rendre à l’intérieur de la région déclarée zone militaire, leur est refusée. Par contre, des intrus, tout-à-fait étrangers à la société l’ont obtenue et se sont mis en sit-in sur les lieux. Difficile à comprendre pour un chef d’entreprise canadienne.
Et pourtant...
« Nous avons de très bons rapports avec la population locale et avec notre personnel, tient à souligner Jeffrey Auld. Sans l’afficher, nous avons toujours répondu aux sollicitations d’appui à des actions sociales : des blocs sanitaires à l’école de Chouich (plus de 87 000 DT), des aires de jeux, des fournitures scolaires, des lits équipés pour le dispensaire... Cela fait partie de notre engagement citoyen. Rien qu’en formation professionnelle, nous avons dépensé durant les quatre dernières années pas moins de 450.000 US$. Les qualifications sont essentielles dans notre industrie et cela a bien profité à nos employés. D’ailleurs, l’un de nos ingénieurs tunisiens, très brillant, a été envoyé dans notre filiale en Roumanie où il donne pleine satisfaction. »
«Pour financer nos activités en Tunisie, poursuit Jeffrey Auld, nous avons obtenu des crédits de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), que nous devons rembourser. Imaginez ce qui adviendra de notre réputation et de celle de la Tunisie si nous nous trouvons dans l’impossibilité d’honorer nos engagements.»
La proposition financière, sans doute ultime, est à présent entre les mains du gouvernement. Saura-t-il l’exploiter à bon escient pour désamorcer la vive tension à Tataouine ? A moins que ce qui se passe dans cette région et bien d’autres, dépasse en fait un simple conflit social, pour obéir à des consignes de désordre.
T.H
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