News - 03.04.2017
Mondher Bedhiafi : BCE sur un champ de mines
Difficile pour l’auteur d’un livre sur un chef d’Etat en exercice d’éviter l’écueil d’être taxé d’apologiste affidé ou, à l’inverse, de destructeur acharné. Mondher Bedhiafi n’a pas craint ces deux risques en consacrant un livre d’analyse, à partir d’entretiens, au président Béji Caïd Essebsi. Journaliste, doublé de sociologue, il observe de près l’actualité politique, accédant à ses coulisses, admis dans ses cercles les plus restreints. Après « Les Islamistes et le pouvoir : l’expérience du mouvement Ennahdha », publié en 2014 et « Ennahdha... la fuite du temple frériste », paru en 2016, Bedhiafi s’attaque au sommet de l’Etat dans un troisième livre intitulé « Béji Caïd Essebsi : la marche entre les mines ».
A partir d’une série d’entretiens commencés au siège de Nida Tounes en septembre 2014, avant les présidentielles, puis poursuivis régulièrement au palais de Carthage, l’auteur recueille un matériau de première main, dense et utile pour les chercheurs comme pour les lecteurs. Nous ne sommes pas dans une version tunisienne de « Un président ne devrait pas dire ça », Gérard Davet & David Lhomme (avec François Hollande), BCE qui avait ce livre sur son bureau, il y a quelques semaines, ne se laisse pas aller dans ce genre de confidences. Mais, tenant en estime son interviewer, il n’ pas manqué d’éclairer nombre de zones d’ombres, d’expliciter des positions prises et d’argumenter en faveur d’Ettawafok.
Comme il l’avait fait avec Arlette Chabot dans « Tunisie : La démocratie en Terre d'Islam », le président Caïd Essebsi donne sa lecture des fondements de la transition démocratique, sa conception du modèle tunisien et sa détermination à éviter au pays clivage et antagonisme. Il n’hésite pas cependant d’exprimer ses craintes et appréhensions quant à l’avenir immédiat. Un malaise est en effet perceptible auprès des Tunisiens, dans la société civile et même au sein des mosquée en raison de l’absence d’une vision claire du moins à moyen terme et d’une volonté partagée de faire face aux grands défis que constituent le terrorisme, la dérive des finances publiques ou encore le chômage. Foncièrement optimiste, BCE est persuadé que l’héritage de l’Etat central est garant de la démocratie et de l’avenir du pays. « Ce qui m’incite à l’optimiste, confie-t-il, c’est que le futur de la société tunisienne ne dépend pas des partis politiques, ce qui protègera la Tunisie, c’est l’Etat. »
Le huitième et dernier chapitre du livre n’est pas écrit par Mondher Bedhiafi. Soucieux d’offrir au lecteur des regards croisés, il a invité sept figures de diverses obédiences à dresser chacun le portait qu’il se fait de Béji Caïd Essebsi. C’est ainsi que nous lirons les témoignages d’Yadh Ben Achour, Lotfi Zitoun, Samir Labidi, Safi Saïd, Mohamed Maali, Mondher Thabet et Taoufik Ayachi.
Bien joué !
Béji Caïd Essebsi : la marche entre les mines
De Mondher Bedhiafi
Dar Waraka, 2017, 232 p. 15 DT