Opinions - 02.04.2017

Nihel Ben Amar: Les élections à l’Université, Cessez de confisquer ma voix !

Les élections à l’Université, Cessez de me confisquer ma voix !

Le mode d’élection à l’université est obsolète et il était temps de le modifier. J’entends les arguments des uns et des autres qui disent que l’on ne change pas à la veille des élections. Mais je dis à ceux-là, ou étiez-vous durant les 3 années du mandat ? Ou est votre projet et l’avez-vous présenté et validé avec vos confrères consultéslongtemps à l’avance, ce que vous reprochez au ministère ? La fédération de l’enseignement par exemple a fait exactement la même chose, un projet diffusé fin février début mars 2017 pour des élections en mai juin 2017. On tombe ici sous lamaxime, faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais.

Alors que reproche-t-on au principe d’élection directe du directeur des institutions ? Considère-t-on que les enseignants non représentés au conseil scientifique ne sont pas aptes à choisir leurs directeurs ?
Les réponses que j’ai entendues sont de la pure démagogie, comme par exemple, donner la possibilité à tous d’élire le directeur politise les élections. En quoi voter soi-même le directeur politise-t-il le choix dans la mesure où l’élection se ferait sur un programme, une vision, une stratégie ?
Le choix du vote représentatif,en vigueur depuis longtempsque certains défendent, dans l’élection des directeurs par les membres élus du conseil scientifique, n’a pas empêché le populisme d’envahir les universités et les élections de se faire sans visions, sans programmes mais par copinage.

Alors Cessez de confisquer ma voix, nos voix,
Cessez de nous infantiliser
.

Il est temps de trancher dans le vif. Faisons un referendum pour dégager le mode d’élection souhaité par la majorité pour le choix des directeurs et des recteurs.

Par ailleurs, si la responsabilité de l’université est d’œuvrer au rayonnement scientifique et culturel dans la recherche de la qualité et la promotion de l’excellence, alors la gouvernance des universités doit être ouverte aux compétences universitaires sans frontières. Ce qui n’a pas été le cas aux dernières élections universitaires pour le décanat (élections 2011 et 2014). En questionnant un confrère directeur d’une grande école française sur le mode d’élection dans son école, il me répond que cela se fait par appel à candidature à l’international. Elites de ce pays, cessez de tirer vers le bas.

Dans la perspective de l’autonomie, l’université sera responsable des manquements liés à une mauvaise gestion et de l’inadéquation formation-emploi. Nous autres enseignants et gouvernants de ces institutions nous ne pourrons plus mettre cela sur le compte du pouvoir politique et sa stratégie. L’université doit répondre aux principes d’efficience et de redevabilité de l’article 15 de la constitution. Il est donc nécessaire que les élections dans les institutions et universités se fassent sur programmes et que les gouvernants soient sanctionnés pour ce qu’ils se sont engagés à faire et ne l’ont pas fait.
Si on adhère aux textes internationaux garantissant l’autonomie universitaire et les libertés académiques et, en particulier, la Déclaration Mondiale sur l’Enseignement Supérieur adoptée par la Conférence Mondiale sur l’Enseignement Supérieur de Paris, le 9 octobre 1998, son article 4  appelle au renforcement de la participation des femmes à la prise de décision et à renforcer leurs interventions actives dans les instances politiques et de décision, dans l’enseignement supérieur et dans la société.

De plus notre constitution dans ses articles 34 et46 appelle à la représentativité de la femme et à la parité. Ces articles n’ont pas été respectés à l’occasion des élections universitaires de juin 2014 bien qu’ayant eu lieu après la promulgation de la nouvelle constitution (février 2014). Associations et universitaires avaient réagi à cela et dénoncé dans un communiqué sur Leaders numérique publié le 30 mai 2014 cette infraction de la constitution (les élections universitaires- appel pour une meilleure représentation de la femme, Leaders). Dans cet appel, ils avaient demandé sans être entendu:

  • la révision du cadre juridique actuel et la modification des lois et règlements afin qu’ils soient conformes avec le texte constitutionnel et les engagements internationaux de l’Etat tunisien en matière de droits des femmes et de leur représentativité au niveau des centres de décision.
  • le report des élections jusqu’à modification des dits textes.

La répartition du personnel enseignant à plein temps montre qu’à l’exception de l’université la Zitouna, il y a autant d’enseignantes que d’enseignants, ce qui permettrait si la volonté existe, d’améliorer la représentativité des femmes et d’établir la parité dans les conseils scientifiques des institutions universitaires.

J’appelle mes consœurs à boycotter ces élections si cette fois encore les préceptes de la constitution (parité) ne sont pas pris en compte dans la loi. Ils ont eu 3 années pour préparer un texte qui en tient compte, s’ils ne le font pas, c’est par pure suprématie masculine.

Répartition du personnel enseignant à plein temps par Université,
[Données MES 2014-2015, total enseignants : 22561 (10997 Femmes, 11564 Hommes)]

 

Nihel Ben Amar
Professeure en Génie Chimique, INSAT