News - 23.03.2017

Monji Ben Raies : La quête du Bonheur perdu

La quête du Bonheur perdu

« Le bonheur est dans le pré. Cours-y vite, cours-y vite.
Le bonheur est dans le pré, cours-y vite. Il va filer.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite, cours-y vite.
Si tu veux le rattraper, cours-y vite. Il va filer. ».

Tout le monde connaît cette comptine de Paul Fort qui résume bien ce pour quoi les Hommes vivent. La vie humaine est une longue et harassante quête du bonheur et du bien-être. Le rapport publié par l'Institut de la Terre (Earth Institute de l'Université Columbia) en collaboration avec le Réseau (des Nations unies) des solutions pour le développement durable, révèle une nouvelle demande dans le monde, celle de plus d'attention au bonheur et à l'absence de misère, outre les critères politique et de gouvernance tels que la croissance, la richesse, la liberté politique, de solides relations et réseaux sociaux et l'absence de corruption. Au niveau individuel, un système de santé capable d’assurer une bonne santé mentale et physique, des structures et des personnes sur qui compter, une sécurité d'emploi et des familles stables, équilibrées sont aussi des paramètres cruciaux. De ce point de vue, les pays les plus heureux du monde sont pratiquement tous situés en Europe du Nord (Danemark, Norvège, Finlande, Pays-Bas), alors que les moins heureux sont les pays d'Afrique. La Suisse est le pays le plus heureux du monde, suivie de près par l'Islande, le Danemark, la Norvège et le Canada, selon l’étude internationale des Nations Unies sur le bonheur de 2016. La Finlande, les Pays-Bas, la Suède, la Nouvelle-Zélande et l'Australie sont respectivement 6ème, 7ème, 8ème, 9ème et 10ème. Les Etats-Unis sont 15ème, la Belgique 19ème, le Royaume-Uni 21ème, l'Allemagne 26ème, la France 29ème, l'Espagne 36ème, l'Italie 50ème, l'Algérie 68ème et le Maroc 92ème.

La Tunisie quant à elle, se classe 107ème sur les 158 pays, entre le Tadjikistan et la Palestine, alors que paradoxalement, la Libye, en proie à une guerre civile et à une grave crise politique et institutionnelle est 63ème. Compte tenu du score obtenu par la Tunisie, (4, 826), notre pays est bel et bien au bas de l'échelle et donc un mauvais élève en matière de bien-être social.

Il ressort de ces résultats, que les facteurs sociaux, tels que la force de soutien social, l'absence de corruption et le degré de liberté personnelle sont plus importants pour le bonheur que le revenu. Le chômage et l’exclusion provoquent autant de malheur social que le deuil ou la séparation dans la famille. Au travail, la sécurité d'emploi et de bonnes relations font plus pour la satisfaction de soi, l’intégrité et l’efficacité, que des salaires élevés et des horaires convenables. Les valeurs sociales de comportement rendent aussi les gens plus heureux. Le rapport souligne que plus un individu est heureux, plus il est productif, vit plus longtemps, gagne davantage et se comporte plus civilement en société.

La santé est le plus grand des facteurs personnels affectant le bonheur dans tous les pays. Une vie de famille stable et des unions de personnes (mariages, …) durables, sont importantes pour le bonheur des parents et des enfants qui en découlent. Dans les pays avancés, les femmes sont plus heureuses que les hommes, tandis que leur position dans les pays pauvres est proportionnellement similaire. Le bonheur est aussi fonction de l’âge. Il est au plus bas pour les personnes d’âge avancé dans les pays développés. Dans les pays en développement, l’âge influe peu sur le bonheur dans une population foncièrement jeune.

Du rapport, se dégagent Six facteurs importants du bien-être : des déterminants relativement classiques comme le PIB par tête, l'espérance de vie en bonne santé ou encore l'absence de corruption, avoir des institutions et des personnes sur qui compter, la possibilité de faire ses choix de vie librement ou encore la générosité, semblent être des critères importants pour être heureux. De ce point de vue, les pays qui s'en sortent le mieux sont, les pays scandinaves. Aussi, Bonheur et bien-être devraient être érigés en objectifs de politique publique prioritaires, non seulement pour leur finalité en tant que tels, mais aussi pour leurs nombreux effets secondaires positifs en matière de gouvernance. Le rapport souligne l'importance de l'équité, de l'honnêteté, de la confiance (mesurée par la perception d'une absence de corruption politique ou dans les affaires) et de la bonne santé. Les crises économiques ou les désastres naturels n'empêchent pas forcément le bonheur, lorsque la population a confiance dans ses institutions et considère être régi par un gouvernement relativement honnête et responsable. Ainsi, L'Irlande et l'Islande sont des exemples de pays qui ont su rester heureux, grâce à un fort soutien social, en dépit de la crise financière qui les a frappés. Le Japon, où s’est produit le tremblement de terre de 2011 dans la région de Fukushima, a connu une augmentation de la confiance et du bonheur, en raison du renforcement des liens sociaux et institutionnels.

La Tunisie s’est soulevée au nom de la liberté, de la dignité et des valeurs qui encouragent l’estime de soi et la résilience. Six ans après, il ressort que les citoyens sont plus malheureux que jamais, moins solidaires et surtout moins attachés à la société. Les raisons de cet état de fait sont évidentes et rejoignent les six paramètres pris en compte dans l’évaluation et la pondération du bonheur citoyen. Il s’agit d’un chômage croissant, d’une économie complètement effondrée, d’un pouvoir d’achat inexistant pour la plus grande part de la population, d’un système fiscal et financier inégalitaire et injuste, d’une défiance envers l’Etat, les élus et leur capacité à résoudre les problèmes du pays, une corruption quasi-généralisée dans tous les secteurs et sur tout le territoire. Autant de raisons qui conduisent au résultat évoqué.

Le bonheur, un ami infidèle qui se dérobe facilement quand on croit l’avoir atteint. Une certaine doctrine philosophique, l’Eudémonisme, pose le bonheur comme finalité naturelle de la vie humaine, l'objectif final recherché par tout être humain, le Summum bonum (« souverain bien » en latin), le critère ultime de choix des actions humaines.

Chacun de nous vit sans prendre le recul nécessaire pour analyser sa vie. Très peu ont un but dans leur vie. Ils ne se fixent pas de réels objectifs, ni à court terme, ni à long terme, ou s’ils le font, ils sont incapables de les atteindre et sont obligés d’en changer au fil des années.

Nous sommes tous différents, nous venons d’horizons divers, nous avons des personnalités distinctes, et pourtant nous partageons en commun le désir d’être heureux.

Le système socio-éducatif est un des facteurs contribuant à l’augmentation des mécontentements dans nos vies est. Notre système ne prévoit aucune place au bonheur durable. Nous n’avons pas été et nos enfants ne sont pas formellement éduqués à être heureux face à la vie. Nous faisons des études pour obtenir un bon départ dans la vie, pour obtenir le travail parfait qui nous permettrait de nous assurer une vie confortable, de manière à atteindre le bonheur et au final, rien !

Une question importante doit être posée à ce propos dès le départ : Le bonheur est-il une affaire politique ?

Dans son cours sur l’Etat, (« Ethique à Nicomaque », I, 5), ARISTOTE définissait le bonheur comme ce que tous recherchent, un état de complétude, de satisfaction complète, dans lequel rien ne nous manque. Le politique serait ce qui concerne la vie collective ou le gouvernement de la cité alors que la politique serait la science ou technique de gouvernement.

Dans l’affirmative, nous ne pouvons être heureux qu'au sein de la vie en commun. Le bonheur est quelque chose que la politique, entendue comme science ou technique du gouvernement de l'Etat, doit déterminer.

Cela implique que le bonheur n'est pas quelque chose de totalement personnel en ce sens que seul, l’individu ne peux accéder au bonheur. En ce cas, l’un des buts de l'Etat, c'est de nous rendre heureux.
On considère que l'homme se définit par sa sociabilité naturelle. En effet il possède la faculté de parler du bien et du mal, du juste et de l'injuste comme d’un ensemble de valeurs sociales. Il a besoin de la société, du vivre-ensemble, pour s'épanouir et réaliser pleinement son humanité. Aussi deux conclusions s'imposent dans ce raisonnement. D’abord, le bonheur n'est pas quelque chose de propre à chacun. Cet état de satisfaction complète, dans lequel rien ne nous manque, est un accomplissement de notre humanité sociale et non de notre individualité. Aussi répondre à l’aspiration au bonheur de la population doit être la finalité propre du et de la politique et donc de la société comme accomplissement collectif. Le gouvernement doit être, tout entier, occupé à déterminer et à réaliser le bonheur en édictant des lois et en réalisant des actions faites et appliquées, en vue du bonheur collectif.

Nous savons que la richesse économique d’un pays ne garantit pas toujours le bonheur de sa population, en raison du fait que tous ne profitent pas forcément de cette richesse.

Il paraît bien difficile de dire que le bonheur puisse être le but de toutes les actions et décisions qui concernent la vie de la société, vu que l’Etat s’occupe du bien commun ou de l’intérêt général, lequel ne coïncide pas forcément avec le bien-être de la population. Dans ce sens, l’État pourrait même porter atteinte à la liberté des individus et les rendrait plutôt malheureux si le bien commun l’exigeait.
Si "le but de la société est le bonheur commun" comme l’affirme l’article 1er de la Constitution Française de 1793, l’État doit bien intervenir en matière de police, de justice et de défense ; il doit garantir la sécurité des individus, voire leur liberté et leur propriété, pour les rendre heureux. Le but de la politique est donc d’apporter le bonheur aux membres de la société. Le gouvernement doit assurer les conditions de possibilité du bonheur. Il ne doit pas assurer le bonheur des individus à leur place, au sens où il leur dirait ce qu’ils doivent faire, mais il doit leur permettre de rechercher leur bonheur.
Les conditions de cette recherche du bonheur sont liées aux droits qui relèvent du bien commun comme la sécurité, la vie, la liberté, qui sont des conditions nécessaires pour être heureux.
L’État doit autant s’occuper des droits civils (comme la liberté d’expression, de circulation, etc.) que s’occuper de justice sociale (égalité, redistribution des richesses, couverture maladie) car on ne peut être vraiment libre et heureux quand on est pauvre. C’est donc bien le bonheur que doivent viser toute action et toute décision politiques. Non pas en se substituant aux individus pour leur dire ce qu’ils doivent faire, mais en leur donnant les moyens de rechercher leur propre bonheur.

Finalement, le peuple est un mélange d’êtres contradictoires qui attendent des politiques dignité et efficacité, qu'ils changent leur vie, qu'ils participent à leur bonheur ou leur offrent au moins les conditions d'être libres, autonomes et émancipés. Beaucoup de nos politiques sont dans la conquête permanente et dans un présent perpétuel, incarnant avant tout des idées. Ils ont le pouvoir sans la puissance, tant il est vrai qu’ils ont du mal à trouver l’l'adéquation entre les valeurs qu’ils professent et la façon dont, eux-mêmes, les mettent en pratique. La politique tunisienne passe trop de temps sur le divan des plateaux médiatiques. Trop souvent le quotidien prend le pas sur la vision qu'ont les élus pour notre pays. Les politiques ne sont plus confrontés au tragique de l'histoire. Ils gèrent un monde qu'ils reçoivent en héritage et n'ont plus l'ambition de le transformer comme ceux qui ont participé ou ont vécu de près la guerre d’indépendance. Si les politiques ne parlent pas de bonheur, c’est parce que, justement, ils ne peuvent plus faire le nôtre.

La quête du bonheur est devenue le fonds de commerce des coaches de vie et autres charlatans. Beaucoup les consultent pour les entendre leur dire qu’il faut être heureux, absolument. Il faut bien manger pour être heureux et trouver le bonheur. Le bonheur se trouve-t-il à coup de fruits et de légumes ? Il faut aussi faire de l'exercice, méditer, pardonner, penser positivement, ne pas pleurer ni se plaindre, s'occuper de soi, se réaliser, vivre en harmonie avec les autres, être écologiste, s'aimer plus que tout, se trouver beau... Il ne faut jamais être malheureux ou dépressif, il faut être fort, ne pas baisser les bras pour nager dans le bonheur. Mais ce phénomène est quand même révélateur d’une véritable demande de bonheur dans la société. Les gens n'ont jamais été aussi malheureux qu'aujourd'hui alors que de nombreux experts prétendent nous montrer la direction du bonheur.

Le bonheur est un choix social ; nos décideurs sont empêtrés dans de vieilles habitudes et façons de faire. Le confort de la familiarité a pris le dessus sur l’amélioration et l’évolution. La peur du changement les force à faire semblant d'être satisfaits.

Faire du bonheur le but de la politique est un danger dans la mesure où le bonheur se vit dans la sphère privée, personnelle. Or confier au pouvoir de l'Etat la tâche de faire le bonheur des citoyens, c'est lui attribuer un rôle de Providence ; ce serait réintroduire le risque totalitaire en politique, ce qui équivaut à la soumission liberticide de la vie personnelle à la vie publique et à la décision politique.

D'un autre côté, le droit universel de chacun au bonheur, ne peut être et doit être promu et garanti par la politique, dans le sens où les décisions, la règlementation et les actions, doivent permettre à chacun de construire un projet de vie dans lequel il puisse se reconnaître, s'estimer et être estimé par les autres (ce qui est indissociable). Le bonheur se construit dans des relations positives aux autres et à soi-même
Les relations entre les intérêts, les désirs et le pouvoir doivent être régulées dans le sens d’un respect et d’une réciprocité qui supposent des conditions générales, juridiques et économiques les rendant possibles ; aussi le rôle de l'état démocratique n’est pas tant de faire le bonheur des citoyens que de faire en sorte que tous les citoyens puissent faire valoir leur droit à construire leur bonheur dans la reconnaissance de soi et des autres (amour, dignité) sous condition qu'ils respectent celui des autres.  Mais la garantie pour chacun la liberté de rechercher le bonheur sous la forme qui lui convient comporte une limite. En effet, l'Etat ne peut tolérer certaines aspirations au bonheur qui engendrent des pratiques ou reposent sur des préceptes contraires aux principes même de la vie sociale (voir par exemple le cas des sectes, des stupéfiants). Autrement dit, la quête du bonheur, lorsqu’elle entre dans le domaine des affaires publiques, doit prendre obligatoirement une forme telle qu'elle n'entre pas en contradiction avec les principes qui règlent la vie commune, règles dont l'Etat est le principal garant. Cet aspect est important dans la mesure où il indique que le bonheur, lorsqu’il s'inscrit dans un espace social et politique défini, se trouve encadré à l'intérieur de certaines limites qu'il ne saurait transgresser sauf à basculer dans le domaine de l’illégitime et de l’illicite. Il est illusoire de penser que l'on ne peut trouver le bonheur que dans la sphère du privé, de l'intime, comme s’il échappait à l'ordre politique. Ce partage du privé et du public (sous quelque forme qu'il se présente selon l'époque et le lieu) est un partage éminemment politique. Considérer le droit au bonheur comme un ilot au sein duquel on retrouverait une innocence, où l'on serait comme délié des contraintes et des limites de la vie sociale, un espace en suspens au-dessus du social, où la quête du bonheur, affaire individuelle, prendrait tout son sens, est un point de vue qui rejoint l'illusion. Le bonheur n'est pas une porte que l'on ferme pour se soustraire aux troubles de la vie sociale et des relations avec les autres. Il est cet état durable, constant de contentement dont parlent tous les philosophes et les sociologues. Il est tranquillité, apaisement, divertissement, authenticité, une fois tombé le masque social... Le bonheur est une question sociale qui engage les relations d’un individu aux autres et la construction d'un espace politique défini. Non que le bonheur soit l'affaire exclusive du politique mais qu’il est une affaire politique.

Faire du bonheur des citoyens un enjeu politique, relève peut-être de l’utopie, mais en faire une affaire simplement privée serait le comble d’une absence d'ambition et de consistance politiques des gouvernants. Ce serait une option qui conduit à vider la politique de sa signification propre en abandonnant le devenir de la société aux jeux conjoncturels et aléatoires de l'économique sans que l'action politique soit orientée vers un but honorable défini. La politique devient alors simple gestion des affaires publiques et l'économique en devient le maître.

Le droit au bonheur personnel doit être universel et donc régulé par des normes valant pour tous, pour être un droit juste et cohérent conforme avec les conditions de la démocratie. L’Etat doit faire du bonheur des citoyens l'horizon de son action, le but de sa démarche et même s’il ne saurait prétendre savoir ce qu'est le bonheur de chacun, il doit en faire son souci. Le bonheur, la quête du bonheur prend toujours une forme déterminée telle qu'elle ne peut être pensée indépendamment de la question des libertés, question qui nécessairement l'enracine dans l'ordre politique. Non seulement le politique doit assurer un certain nombre de libertés individuelles fondamentales, mais il doit aussi s'interroger sur le sens de son action. Et cette action, y compris dans ses modalités les plus humbles, n'a de sens et de légitimité qu'à poursuivre le bonheur des hommes pour ne pas réduire la politique à une simple gestion des affaires publiques dont la finalité est d’assurer le fonctionnement de la machine sociale pour qu’elle continue de tourner. C'est ce qui se passe aujourd'hui ! La conception mécaniste de la société est en train d'atomiser le tissu social en une juxtaposition individus et de désintégrer toutes les raisons du vouloir vivre ensemble qui assuraient la cohésion sociale.

Le bonheur n'est pas le plaisir, mais réside dans la reconnaissance positive de soi et l’estime de soi.  Il passe par une régulation des droits personnels avec ceux réciproques et se décline en désir de possession, de domination, de gestion des conflits, d'admiration, d'amour ; il est l’être et l’apparence, le pouvoir et l’avoir, l’amour et la réciprocité, l’individualité et la collectivité. Il est de la responsabilité des parents et de l'école, dans une société démocratique, d'éduquer à l'autonomie, c'est à dire à la prise de conscience critique des formes de la dépendance et de leurs effets objectifs et subjectifs négatifs. Eduquer les jeunes gens à la réflexion critique, condition de l'autonomie de penser et d'agir, en vue du mieux vivre avec les autres et avec soi. La machine sociale doit tourner pour la plus grande autonomie de chacun dans la construction de son projet de vie en société.

Le vouloir vivre ensemble, principe fondateur des sociétés, c’est savoir qu'elles sont les bonnes raisons de chacun de travailler pour les autres, de les aimer ou pas, compte tenu que le respect des autres et le droit s'imposent pour vivre ensemble sans violence. Une bonne politique, réaliste et efficace, consiste à gérer l'autonomie réciproque et conflictuelle des individus au mieux de leur recherche du bonheur. 
De nos jours, la société est envisagée, d'un point de vue strictement fonctionnel et formel, comme une mécanique, ce qui est réducteur. La société n'est pas simplement un cadre à l'intérieur duquel des individus souverains pensent et agissent librement dans le respect du droit grâce auquel leurs rapports sont régulés et la violence contrôlée. Elle est aussi un espace symbolique dans la mesure où s’impose la fiction de l’Etat. L’Etat est pour lui-même, en tant que personne morale de droit public, il est objet de représentation pour lui-même par les politiques. Il y a donc un imaginaire social et c'est par cet imaginaire que les citoyens d'une même société tiennent ensembles et tiennent à rester ensemble Tout ne se réduit pas à la dimension et à la perspective de l'individu : il n'est ni la source ni la fin de tout ce qui est. Il participe d'une réalité qui le dépasse, le façonne et qui continue d'exister après lui. Dans cet espace, la question du bonheur occupe une place essentielle dans sa dimension politique.

Monji Ben Raies
Universitaire,
Enseignant et chercheur en droit public et sciences politiques,
Université de Tunis-El Manar,
Faculté de Droit et des Sciences politiques de Tunis.