Dr Slimane Doggui: Le militant, le patriote
Médecin neurologue, militant anti-impérialiste et patriote irréductible, Dr Slimane Doggui est décédé à Paris, le 8 février dernier, à l’âge de 79 ans. Natif de Bizerte, il y a été enterré lors de funérailles marquées par la présence de nombreux militants et personnalités politiques de divers partis. Grande figure de l’opposition démocratique tunisienne à Paris, très actif en faveur de la cause arabe en Palestine, en Irak et en Libye, notamment, il n’avait cessé d’enchaîner les combats. Cofondateur, avec Ahmed Ben Salah, du Mouvement de l’unité populaire (MUP), il écopera une peine de 8 ans de prison par contumace qui le fixera en exil. Hommage par son camarade de lutte, Mounir Kachoukh.
Notre ami et camarade Slimane Doggui a poursuivi ses études en médecine à Moscou (jusqu’en 1967) puis dès lors à Paris. Sur le plan politique, il fut un militant du Parti socialiste destourien (PSD). Il s’est mobilisé pour défendre les orientations socioéconomiques d’alors en plus d’une amère lutte pour la démocratisation de la vie estudiantine et les acquis sociaux : libération de la femme, politique de planning familial, grand programme d’infrastructure, démocratisation et gratuité de l’enseignement, santé publique gratuite, création des sociétés nationales qui ont constitué le secteur stratégique de l’Etat, etc.
Militant à l’étranger, il s’est trouvé, lors de ses participations successives, aux différents congrès des étudiants socialistes destouriens en symbiose avec une forte tendance militante courageuse qui défendait âprement comme lui les orientations socioéconomiques qu’on voulait au profit des masses populaires. Mais c’était mal connaître la bourgeoisie et les grands propriétaires fonciers qui œuvraient dans l’ombre contre cette politique de socialisation. Ils complotaient de connivence avec les puissances étrangères, et en particulier la France, pour organiser un véritable coup d’Etat un certain 8 septembre 1969 de triste mémoire.
Cette date fatidique fut celle du virage à droite toute ouvrant la voie à une politique libérale sauvage et antinationale dont les résultats successifs patents ont été les répressions sanglantes du 26 janvier 1978 (soulèvement de la classe ouvrière), du 3 janvier 1984 (révolte du pain), couronnées, suite à l’adoption du néolibéralisme mondialisé, par la révolution et son cortège de martyrs réclamant emploi, liberté, dignité.
Face à ce virage, une grande majorité du mouvement socialiste destourien, dont notre camarade Slimane, a claqué la porte et commença à s’organiser pour la lutte contre ces orientations libérales désastreuses.
Dès le début des années 70, a été créé le Mouvement de l’unité populaire (MUP), dont notre camarade Slimane fut l’un des fondateurs les plus importants. Militant infatigable, il a toujours été en contact permanent avec les militants de l’intérieur auxquels il transmettait continuellement les diverses publications.
Les militants de l’intérieur qui se sont attelés à créer des cellules clandestines sont passés à une activité débordante de distribution de tracts, qui a connu son paroxysme en 1977. Le pouvoir, chancelant face à la détérioration de la situation économique et sociale (mouvements sociaux, grèves sectorielles tournantes, etc.), est donc passé à la répression du MUP qui s’est soldée par l’arrestation des militants en mars 1977. Ils ont connu les affres de la torture de la police politique et les pires exactions inhumaines. Le procès du MUP a eu lieu en août 1977 devant la cour de sûreté de l’Etat avec les accusations notoirement connues : complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat, distribution de tracts, atteinte à l’ordre public, etc.
Les deux premiers chefs d’accusation n’ayant pas été retenus, notre camarade Slimane a été condamné à huit ans de prison par contumace. Condamné à l’exil, il a continué avec pugnacité et bravoure sa lutte pour la démocratie, la justice sociale dans diverses organisations, se mobilisant pour la défense des droits humains, de la cause palestinienne et arabe.
Repose en paix cher camarade et ami, nous continuerons ton combat, nous sauvegarderons ta mémoire, comme nous venons de le faire lors de ton enterrement.
Mounir Kachoukh