Rejetant l'accord avec l'Ugtt, la toute-puissante fédération du textile veut se séparer de l'Utica
L’information a fait l’effet d’un séisme : la toute-puissante fédération nationale du textile (Fenatex) a décidé de «se séparer de l’Utica», au terme d’une réunion qui a groupé les membres de son Bureau Exécutif, les Présidents des chambres syndicales industrielles nationales et régionales et des opérateurs de toutes les régions. «Une décision prise à l'unanimité», nous précise le président de la fédération, Belhassen Ghrab. «Nous n'avions pas d'autre alternative que cet électrochoc face à la dégradation alarmante des entreprises du secteur et la détérioration de leur compétitivité sur le marché international», explique-t-il. Avec l'accord de majoration des salaires conclu dernièrement avec l'Ugtt, il s'attend même à de graves répercussions sur la pérennité des entreprises du secteur textile». Au passage, il dénonce «la quasi insouciance de l'Utica» face aux périls et défis de l'industrie tunisienne en général et de l'industrie textile en particulier. Et les entreprises off shore dans tout cela ? «Elles sont avec nous, répond Belhassen Ghrab. Elles aussi font face à une situation dramatique». Et il en cite les responsables : les importations à outrance, la franchise et la friperie: «C'est pourquoi, nous nous sommes délestés des importateurs et du secteur de la friperie. Ils ne feront plus partie de la fédération».
Tout en abondant dans le même sens, d'autres «textiliens» que nous avons interrogés n'hésitent pas à se lancer dans des prédictions apocalyptiques: «l'accord avec l'Ugtt risque, s'il est appliqué, de casser le secteur et de détruire des dizaines de milliers d'emplois d'autant plus qu'avec l'effet rétroactif, les augmentations dépasseront les 12%». D'autres ne s 'expliquent pas la «célérité» qui a marqué la conclusion de l'accord avec l'Ugtt. «Cela a été fait dans la précipitation sans qu'on n'ait demandé notre avis. Même le vice président de la centrale et membre de la commission sociale n'a pas été consulté».
A entendre le président de la Fédération, la rupture avec l'Utica a atteint le point de non retour, même si le communiqué de la fédération se contente d'évoquer «le principe de séparer leur (la Fenatex) de l'Utica. En tout cas, si cette scission se réalisait, ce serait un coup dur pour la centrale patronale. Pour bien mesurer la portée de cette décision, il faut préciser que cette fédération regroupe la quasi-totalité du secteur textile tunisien y compris l’off shore, soit 50 % de l’industrie manufacturière tunisienne, qu’elle constituait jusque là, le pilier de la centrale patronale de par son antériorité par rapport aux autres fédérations et le grand nombre de dirigeants historiques de l’Utica (Hédi Djilani, Mhammed Ali Darghouth, Mohsen Ben Abdallah, Mourad Boukhris, Hachemi Kooli) qui en sont issus.
Amputée de la Fenatex, l'Utica ne serait plus la même, car ce retrait diminuerait inévitablement son pouvoir de négociation face une Ugtt plus que jamais sûre d'elle-même et dominatrice. Mais, ce qu'il faut craindre par dessus tout, c'est l'effet de contagion. Certaines fédérations seraient tentées de suivre l'exemple de la Fenatex.