Décès de Abdelmajid Turki, pionnier de la photogravure numérique en Tunisie
Le vieux lion est mort: Majid, Abdelmajid Turki, le « boss » de ‘GRAFI Center’, bien connu dans le monde du graphisme, pionnier de la photogravure numérique, a finalement rencontré son destin. Il est parti, courageusement, vendredi aux aurores, échappant ainsi à la douleur et à l’inquiétude due à une santé éprouvée. Ses derniers moments, il les a vécus sans crainte de l’inévitable.
L’épreuve est dure pour ceux qui comme moi, ami très ancien, l’ont ressenti comme un frère, plus qu'un ami, bien plus qu’un frère biologiquement offert. Ceux qui l'on apprécié ne l'oublieront jamais. C'était un homme droit, ingénieux et de bon goût, artiste et entrepreneur ; un modèle de ténacité aussi bien face aux obstacles même inattendus que face à la maladie. Il avait foi.
C’est cette foi, en lui comme dans le genre humain, en sa capacité à livrer tous les efforts pour donner le meilleur de lui-même, en perfectionniste exigeant, ce qui donnait un sens à sa vie. Pour lui, l’effort était seul payant pour assurer la perfectibilité. Une vraie foi dans l’innovation et le progrès. Ceux qui l’ont connu en partenaire professionnel peuvent en témoigner.
Publicitaire inventif au départ, après une longue carrière riche en Belgique, dans une prestigieuse agence, il avait regagné la Tunisie, lancé notamment le « Habib », le ferry vitrine de la Tunisie moderne de l’époque.
Ce qu’il laisse, d’abord, sa particularité de n’avoir pas été seulement un « commerçant dans l'art graphique », ou un businessman qui aurait pu autant importer des cacahuètes ou des bananes. Graphiste de talent, photographe à la pointe des moyens techniques et des technologies, il était aussi peintre de grande qualité, son coup de crayon était d'une finesse sans pareil. Il mettait fréquemment la main à la pâte, ne lésinait pas à se salir les mains dans le cambouis d'un métier exigeant.
Il avait fait de son métier une passion, un art et un service de qualité pour une clientèle de plus en plus exigeante. Il a servi les produits de prestige de l’agro-alimentaire tunisien. Il a tant fait pour sortir la publicité tunisienne de l’état de simple « réclame ».
Il s’est investi ensuite dans la correction chromatique et créé l’une des plus prestigieuses photogravures, moderne et axée sur les talents les meilleurs du pays, tenu le haut du pavé, pendant quinze ou vingt ans jusqu’au passage de l’argentique au numérique. Transition difficile pour la photogravure même pour de grosses boites comme Agfa et Kodak.
Temps difficiles pour un vieux lion qui devait se battre sur divers fronts dont l’ultime a été celui de la santé déclinante, des amis d’hier éparpillés. La vie.
Les habitants de l'entourage de son entreprise, (Soukra), dont plusieurs y ont trouvé emploi, peuvent en témoigner. Ses employés étaient les membres de son autre famille, sans distance. La nuit des "usines brûlés", le 13 janvier 2011, ils étaient tous venus protéger le bâtiment de l'entreprise comme pour soutenir leur ami Majid. Il s’en est allé maintenant, en laissant le souvenir de qualités rares d’un être humain, avec des qualités et des défauts, avec une balance largement positive. Il laisse le souvenir d'un pur produit tunisien, un peu belge. Les anciens bruxellois, Tunisiens comme Belges, en parlent encore avec émotion.
Fathi B’Chir