Mohamed Ben Souf, Oussama Sghaier et Imen Ben Mohammed : Les trois Romains du Bardo
Lorsque l’avion transportant le président Caïd Essebsi en visite d’Etat en Italie a commencé sa descente sur Rome, ils n’avaient pu cacher leur émotion. Chacun des trois députés de l’ARP élus dans la circonscription d’Italie, invités d’honneur, voulait se rapprocher du hublot. Des yeux, ils essayaient de retrouver leur quartier d’enfance, de reconnaître leur maison natale ou encore d’aujourd’hui. S’ils n’appartiennent pas au même parti, Mohamed Ben Souf (Nidaa Tounès), Oussama Sghaier et Imen Ben Mohammed (Ennahdha), ils ont nombre de liens en partage. Tous les trois, originaires de Kébili, ont émigré en famille ou seul en Italie et ont moins de 41 ans. Voir Oussama et Mohamed en smoking papillon et Imen en robe longue de soirée fouler la grande salle d’honneur du palais Quirinale, lors du dîner d’Etat offert à BCE, ne manque pas de symbolique.
Oussama Seghaier, 33 ans (né le 20 juillet 1983 à Tunis), est le plus médiatisé parmi eux, surtout lorsqu’il avait été propulsé porte-parole du mouvement Ennahdha (succédant à Zied Ladhari). Il était arrivé à Rome à l’âge de 10 ans (en 1993), emmené par son père, militant islamiste réfugié avec sa famille en Italie. Il y vit depuis lors, même si son élection au sein de l’ANC en 2011, puis sa réélection à l’ARP en 2014, le retiennent désormais plus à Tunis qu’en Italie. Réussissant ses études supérieures, il obtiendra une maîtrise en sciences politiques et relations diplomatiques internationales à l’université «La Sapienza» de Rome, fondera avec des amis la Fédération de la jeunesse musulmane en Italie qu’il présidera, fera du journalisme et intégrera nombre de conseils et organismes chargés de la jeunesse et du pluralisme religieux et culturel. Sa maîtrise de l’anglais et de l’italien lui ouvrira les portes de Washington, au sein des délégations d’Ennahdha. Rome, c’est sa ville. Enfant, il jouait au foot avec les copains italiens de son quartier et lorsque le ballon se retrouvait à l’intérieur de l’église toute proche, c’est lui que la bande envoyait le récupérer. «Toi, tu n’es pas chrétien. Au moins, le curé ne te retiendra pas comme nous pour la confession ou un cours de catéchisme», lui disait-on. Les copains d’hier sont aujourd’hui à des postes élevés. Les contacts n’ont jamais été rompus.
Le battant
Mohamed Ben Souf s’était bien battu pour arracher son siège à l’ARP, bien qu’il ne se soit établi en Italie que depuis 13 ans seulement. Un ami lui avait procuré un contrat de travail et l’avait aidé à «monter» à Rome. Travailleur, il sera sollicité pour des fonctions de plus en plus importantes. La toute dernière sera celle de directeur d’un centre d’accueil pour des personnes âgées. A 41 ans, Mohamed Ben Souf, marié et père de deux enfants, se trouve pleinement engagé dans la cause des Tunisiens résidant à l’étranger et la défense de leurs intérêts au Bardo, comme auprès du gouvernement. S’il a préféré garder sa famille à Rome, c’est pour s’obliger à maintenir un contact étroit avec les Tunisiens d’Italie.
La génération montante
Imen Ben Mhamed, tous la saluaient chaleureusement dans les allées du pouvoir, comme dans les médias, à Rome. La présidente de la Chambre des députés, Laura Boldrini, la ministre de la Défense, Roberta Pinotti, et bien d’autres. Imen Ben Mhamed, 32 ans (née le 13 novembre 1984 à Kébili), entretient des liens suivis avec des personnalités de premier rang. Arrivée à Rome à l’âge de 4 ans pour rejoindre son père, militant d’Ennahdha réfugié en Italie, elle finira par s’y sentir fort à l’aise. Pour ses études supérieures, elle choisira la coopération internationale et le développement économique à l’Université de Rome et en sera diplômée.
Imen s’engagera comme Oussama Seghaier dans les mouvements de la jeunesse musulmane et s’activera dans diverses autres associations, tout en travaillant dans nombre d’entreprises. Candidate d’Ennahdha à l’Assemblée nationale constituante, elle fera sa première entrée au Bardo en 2011, puis sera réélue à l’ARP en 2014. Intelligente, habile et polyglotte, elle est très connectée avec les mouvements des jeunes musulmans d’Europe. Tout comme Saida Ounissi, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Toutes deux font partie de la nouvelle jeune garde du mouvement islamiste venue d’Europe.