Mohamed Larbi Bouguerra: Israël vole les terres palestiniennes… conformément à la loi!
Le projet de loi immoral qui autorise le vol des terres palestiniennes, voté lundi 6 février 2017 par le Parlement israélien, était depuis longtemps dans les tuyaux tortueux de la politique sioniste. Cette «loi» scélérate permet à l’Etat d’Israël de déclarer terres israéliennes des terrains privés palestiniens sur lesquels des Israéliens ont construit illégalement en Cisjordanie occupée. Cette «loi» protégera les colons de l’éviction. Elle revient à «légaliser» 53 colonies «sauvages» et à exproprier au bas mot plus de 800 hectares de terres palestiniennes. Pour Anat Ben Nun de l’ONG israélienne la Paix maintenant, «la loi fera des citoyens israéliens des voleurs et constituera une tache dans les livres d’histoire d’Israël. Le vol est devenu une politique officielle et ce texte nous rapproche de l’annexion pure et simple»
De fait, cette «loi» est, au plus haut point, anti-démocratique car les Palestiniens sous occupation ne sont pas des citoyens israéliens et ne votent donc pas pour élire les députés à la Knesset. Cette assemblée ne peut nullement se prononcer en tout ce qui les concerne.
Les colons se sentent pousser des ailes
Couvé par le gang des colons du Foyer juif depuis longtemps, le projet de loi a pu prendre son envol avec l’arrivée de Trump à la Maison Blanche. «Sans lequel la loi ne serait probablement pas passée» avoue Bezalel Smotrich, du Foyer juif, un député parmi les plus enragés des instigateurs de ce texte infâme. Ce monsieur ne voulait pas qu’à la maternité, sa femme accouche auprès d’une Palestinienne… qui met au monde un futur «terroriste». Raciste et adepte de l’apartheid, il veut interdire toute location aux Palestiniens!
En réalité, la loi n’a pas été approuvée par la Knesset. Elle a été votée quand le Premier Ministre Netanyahou a «mis au courant» l’Administration américaine de son intention de «cracher à la figure de la communauté internationale» (Lire Zvi Bar’el, Haaretz, 8 février 2017). Et c’est donc grâce à l’onction américaine qu’Israël est aujourd’hui, une fois de plus, un pays hors la loi. «Mettre au courant» est, sur le plan de la sémantique, un terme à relever. Ainsi, sous le proconsulat de Donald Trump, Israël ne demande plus, ne consulte plus et n’explique plus. Il met au courant. On assiste en réalité, à l’émergence d’une nouvelle catégorie d’Etats: ceux que Washington exempte de se conformer aux normes et lois internationales et les autres. A côté des pays qui encouragent le terrorisme ou qui tombent sous le coup de sanctions, il faut placer pour le moment le seul Israël, «seule démocratie du Moyen Orient», dans cette nouvelle catégorie. Depuis le 20 janvier2017, Israël a procédé à cinq annonces de colonisations portant sur plus de 6000 nouveaux logements en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Est-il nécessaire de rappeler ici que toute confiscation de terre, toute construction dans un territoire occupé, contre la volonté de la population occupée est illégale d’après la loi internationale? (Convention IV de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 consultable sur le site du Comité International de la Croix Rouge). De plus, le 9 juillet 2004, la Cour Internationale de la Haye a jugé que toutes les colonies sont illégales. Comme l’a encore réaffirmé le Conseil de Sécurité de l’ONU en décembre dernier et pour lequel les colonies sont un obstacle à la paix, ainsi du reste, que la Conférence de Paris en janvier 2017.
La Bible a la rescousse!
Mais, pour Bezalel Smotrich et les sionistes, il ne s’agit pas de territoires occupés (kvoushim) mais de territoires administrés «mouhzakim» et comme en 1979, quand la colonie Elon Moreh a vu le jour au sud-est de Naplouse, leurs arguments - ni sécuritaires ni éléments matériels - sont les mêmes que ceux des disciples du rabbin HaCohen Kook : la puissance du retour d’Israël sur sa terre en vertu de la Bible. Celle-ci dit: «Abraham s’avança jusqu’au territoire de Sichem (Naplouse), jusqu’à la plaine de Moreh, le Canaéen habitait alors ce pays. L’Eternel apparut à Abraham et dit: «C’est à ta prospérité que je destine ce pays» (Genèse XII, 6-7) (Lire Charles Enderlin, Le Débat, janvier-février 2017, p. 72-80). Aujourd’hui comme hier, le même langage prévaut chez les sionistes et autres ultra-orthodoxes. Avant le vote, le ministre des Sciences, Ofir Akunis - du Likoud, le parti de Netanyahou - avait déclaré, parlant d’Israël dans sa définition biblique, que « toute la terre d’Israël appartient au peuple juif. Ce droit est éternel et incontestable…. Le concept de colonie n’a plus de sens car il n’y a plus d’Arabes avec lesquels on discuterait» (Lire Ian Fisher, The New York times, 6 février 2017). Yitzhak Rabin affirmait pourtant que la Bible n’est pas un titre foncier de propriété! Comme on le voit, si certains veulent appliquer la charia, d’autres aspirent à appliquer la halaka (loi religieuse juive) ! Ayelet Shaked, la ministre de la justice, membre du Foyer juif, elle, a une solution rance : «Les droits nationaux des Arabes peuvent être réalisés dans les Etats arabes voisins. Toute personne qui exige en Israël ses droits nationaux en tant qu’Arabe est invitée à se rendre dans ces pays.»(Lire Charles Enderlin, p. 79)
Mais aujourd’hui, Netanyahou n’a plus le choix: il est contraint de se plier aux injonctions des colons. Il est sous la pression des extrémistes de tous bords, lui qui confond intérêts publics et privés et complote pour contrôler les médias. En outre, il est fragilisé – ainsi que son épouse- par des enquêtes pénales, pour des faits de corruption – mode de vie luxueux à base de champagne et de cigares cubains offerts- que même ses soutiens considèrent comme sérieuses, selon The New York Times. Quant au député extrémiste Smotrich, il n’hésite pas à le menacer: «Si cette loi de régularisation n’est pas mise au vote lundi, il n’y aura plus de gouvernement. » En réalité, le gouvernement israélien veut incruster dans l’opinion publique l’idée de la légitimité de la colonisation. Pour l’éditorialiste de Haaretz (6 février 2017): «S’il y a quelque chose que prouvent les longues années passées par Netanyahou au sommet de la pyramide du pouvoir, c’est que lorsqu’il a le choix entre le bien du pays et sa survie politique, le pays vient toujours au second rang.»
Réprobation… sans sanctions
Certains observateurs avancent l’idée que la Haute Cour de justice d’Israël pourrait frapper d’inconstitutionnalité cette «loi». La droite annexionniste et les forces religieuses radicales ne paraissent pas inquiètes par cette perspective. La théocratisation d’Israël est, en effet, en marche: dans la société israélienne «traversée par les peurs, les tensions, les inimités et les rivalités», plus de 20% sont des sionistes religieux, 51% des juifs israéliens croient en la venue du Messie et 67% sont persuadés que le peuple juif est le peuple élu, d’après Israël Institute for Democracy. (Ran Halévi, Le Débat, janvier-février 2017, p. 66) Ce qui fait dire au grand poète israélien d’origine allemande Natan Zakh, en 2013, en condamnant le martyr infligé à Gaza et à l’ensemble des Palestiniens: «Si j’avais su que le sionisme se concrétiserait dans un pays qui vit par l’épée, je serais resté en Europe. J’ai fui d’un Etat nazi pour me retrouver dans un Etat fasciste. Israël vit aujourd’hui comme l’empire romain dans ses derniers jours. Ici, ils nous apprennent la haine et préparent des bombes atomiques, au lieu d’essayer de nous rapprocher de nos voisins dont nous avons volé la terre.» (Voir le quotidien israélien centriste Yediot Aharonot, 10 novembre 2013).
Pour le coordinateur spécial de l’ONU pour la paix, Nikolaï Mladenov, la loi «ouvre potentiellement la voie à une annexion complète de la Cisjordanie et sape de manière substantielle la solution à deux Etats.» De son côté, pour Hanane Achraoui, responsable OLP, ce texte prouve que le gouvernement «raciste et extrémiste» de Netanyahou «détruit délibérément les chances de paix» et de conclure que la communauté internationale doit prendre «des mesures punitives et des sanctions avant qu’il ne soit trop tard.» On en est loin et si Mme Merkel et M. Hollande ont affirmé leur désapprobation, pas la moindre sanction n’a été évoquée. Il en va de même pour Mme Theresa May qui recevait Netanyahou à Londres, en cette année du centième anniversaire de la perfide Déclaration Balfour par laquelle «une nation a promis à une autre nation la terre d’une troisième nation» (Arthur Koestler).
Voyons donc, Israël, pour ces politiciens occidentaux, n’est pas un Etat voyou!
Mohamed Larbi Bouguerra
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