Ali Chebbi : le FMI loue la capacité de résilience de notre économie, mais que de défis à relever pour sortir de la zone rouge
La Déclaration du FMI sur la Tunisie publiée le 7 févier 2017 à l’occasion de sa revue antérieurement programmée est à notre avis un évènement-phare qui devrait solliciter l’intérêt non seulement du décideur public, mais aussi de toutes les parties prenantes du secteur privé national et étranger, du milieu académique et de la société civile.
Cette déclaration montre que le pays garde ses capacités de résilience dans l’absorption des chocs aléatoires et que les prévisions pour 2017 sont optimistes pour une relance pouvant atteindre 2.5% de croissance; soit un taux qui n’a été atteint depuis 2013.
Par ailleurs des ‘’défis’’ devant être soulevés en matière de poursuite des réformes institutionnelles et de de politiques économiques articulées essentiellement autour de l’efficacité de l’administration et de la maitrise de la masse salariale dans la fonction publique, ajoute la déclaration.
Le communiqué exhorte aussi les autorités tunisiennes à aller de l’avant dans l’accroissement de l’investissement public et l’adoption de la règle d’ajustement automatique des prix des carburants dans la perspective d’un lissage des fluctuations observées dernièrement sur les marchés internationaux.
Cette déclaration intervient dans une conjoncture assez difficile où la Tunisie a plus besoin que jamais d’un support financier pour assainir sa Macroéconomie et stabiliser son climat d’affaires face surtout à un taux de recouvrement fiscal toujours en-deçà des prévisions notamment durant les trois dernières années. Elle vient aussi après une dégradation de sa note souveraine la semaine dernière par l’agence internationale Fitch de BB- (grade de non-investissement) à B+ (Très spéculatif), et presque de manière concomitante avec la sortie du pays sur le marché financier international pour s’endetter afin de boucler le budget…
Nonobstant cette contradiction apparente (entre statistiques et conclusion un peu trop fortes contenues dans la déclaration) et loin d’implorer le FMI pour une éventuelle ‘’clémence’’ avec la Tunisie, nous croyons savoir que le staff technique des économistes derrière le gouvernement a travaillé d’arrache pied depuis la dernière revue pour(1)concrétiser les reformes prescrites dans l’accord ‘’prolongé de 48 mois au titre de la Facilité élargie de Fonds (EFF) avec la Tunisie pour le montant de 2,04 milliards de DTS (environ 2,9 milliards de dollars), soit 375% du quota tunisien’’(i). A notre connaissance, l’essentiel des négociations et pourparlers se fait d’abord entre des équipes hautement techniques et rigoureuses de part et d’autre, (2)collaborer avec l’INS pour actualiser les données statistiques de 2015 et 2016 portant valeurs ajoutées sectorielles et le PIB aux prix constants ainsi que son taux de croissance, (3) actualiser le profil de la part salariale publique dans le PIB pour les années à venir jusqu’à 2018, (4) projeter des scenarios viables pour les recettes fiscales…
Certes, il s’agit d’un travail souterrain, mais nécessaire pour la conduite de la matrice des réformes et l’obtention du crédit institutionnel du FMI dont l’impact favorable sur la perception des autres bailleurs de fonds ( BAD, UE et BM) mais aussi des créanciers potentiels privés sur le marché financier international, l’emporte, comme d’usage, sur celui des agences de notation.
Cependant, nous voudrions nous arrêter sur les 2.5% de croissance projetée pour 2017 dont la croissance initiale de 2016 est autour de 1.3%. En l’absence de politiques industrielles et de schéma de croissance pour les dix prochaines années, il faudrait dans le court terme que :
(1) le ministère des finances se dote d’une plateforme de simulation et de prévisions digne de ce prestigieux ministère afin de gagner en exactitude et en pertinence en matière de politique fiscale. Il s’agit du cadre des dépenses de moyen terme (CDMT) tant réclamé depuis des années
(2) le ministère du commerce et de l’industrie (i) entame la mise en place d'une politique de diversification commerciale active de telle sorte que de nouveaux marchés soient initiés dès maintenant pour la récolte agricole de l’année 2017 qui s’annonce bonne ; (ii)contrôle et réduise les licences d’importations inutiles pour la croissance et les équilibres macroéconomiques soient (iii) booste la production du phosphate qui a déjà atteint 50% de sa capacité,…
(3) le Conseil supérieur de la concurrence soit reformé pour qu’il mène à bien sa mission qui semble reléguée au second plan
(4) les promesses de la Conférence internationale sur l’investissement de Tunis soit suivies, réalisées, concrétisées et annoncées pour renforcer au moins le capital confiance dont la Tunisie devrait jouir.
(5) le Gouvernement mène une stratégie de communication élargie et claire pour impliquer les parties prenantes et surtout le citoyen dans les choix économiques et sociaux. Par exemple, il n’est pas acceptable que la règle d’ajustement automatique des prix des carburants ait été adoptée depuis une année, alors que les citoyens n’en sont pas au courant et/ou n’en comprennent ni la philosophie et l’utilité….La non-révision à la hausse des prix des carburants lors de la dernière hausse des prix internationaux serait alors interprétée par les agents économiques comme l’annulation de la règle en soi et/ou comme due à des problèmes structurels dans la finance publique… ce qui pourrait nuire à sa crédibilité…
(i) Voir imf.org communiqué de presse 16/238
Ali Chebbi
Professeur d’Economie à l’ISG
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