Gauchistes et Islamistes sous Bourguiba et Ben Ali: Un livre-analyse de Michaël Ayari
Sous le titre de «Le prix de l'engagement politique dans la Tunisie autoritaire», publié cette semaine aux éditions Karthala à Paris, Michaël Ayari analyse le parcours de 250 activistes «gauchistes» et «islamistes», tunisiens, de 1957 à 2011. Son objectif est de comprendre quels sont les ressorts et les motivations de l’engagement politique dans un régime où le risque encouru s’avère en général plus important qu’en régime dit «démocratique». Docteur en science politique et analyste principal pour International Crisis Group, et chercheur associé à l’Institut de Recherches et d’Études sur le Monde arabe et musulman (IREMAM), l’auteur s’emploie à analyser l’histoire des militants d’extrême gauche et islamistes tunisiens et leur combat politique de jeunesse notamment sur les campus universitaires. Il offre des clés de lecture historiques et sociologiques essentielles pour décrypter trajectoires et stratégies de cette génération, dont une bonne partie a accédé à des positions de premier plan depuis le départ de Ben Ali en 2011.
L’apport majeur de ce travail demeure la notion d’ «origines socio-identitaires» (élite médinale, médinale, publicienne et extra-muros) qui permet de comprendre les logiques d’intérêts sous-tendant les conflits politiques au-delà des oppositions habituelles entre «classes sociales» ou «courants idéologiques» et de penser la diversité des destinées individuelles, notamment professionnelles, de manière plus complexe qu’uniquement à travers la notion d’ «origine sociale».
Ainsi, cet ouvrage montre en quoi les tensions sociales et politiques, qui jalonnent l’histoire de la Tunisie et qui sont toujours d’actualité en 2017, sont le reflet d’une lutte entre élites séparées par l’origine sociale et géographique, la maîtrise du bilinguisme des membres de leur parentèle et les traumatismes politiques et familiaux transmis durant l’enfance.
Au-delà de sa contribution à la sociologie du militantisme et des élites, l’auteur met en évidence la fracture socio-identitaire qui trace les limites de la citoyenneté dans la Tunisie d’aujourd’hui et donne surtout des clés pour défier la persistance des mécanismes de répartition du pouvoir dans une Tunisie où l’exigence d’inclusion et de justice demeurent des ressorts puissants de contestation et de violence.