Taoufik Habaieb: La promesse d’en finir en 2017
Soucieux des lendemains, les Tunisiens sont inquiets de ce que pourrait leur réserver l’année qui commence. Des boulets qui plombent l’avancée du pays ou des ressorts qui le font rebondir. Ils cherchent à être rassurés. De tous les vœux qu’ils forment, la promesse d’en finir est la plus forte, la plus ardente. En finir avec tout ce qui a, jusque-là, parasité la révolution, confisqué ses idéaux, clivé les Tunisiens et installé le pays dans le tourbillon de la violence, du terrorisme et des fausses causes.
L’aveuglement des uns et des autres a failli faire basculer le pays dans la catastrophe et compromettre son élan libérateur tant attendu. Qu’il s’agisse de l’embrigadement des jeunes, radicalisés et livrés en sanguinaires aux organisations terroristes, qui se trouvent aujourd’hui complètement perdus, ayant des crimes sur la conscience, et abandonnés à leur triste sort. Qu’il s’agisse encore de l’entêtement d’une classe politique qui, ne représentant plus qu’elle-même, s’enfonce dans le déni des aspirations nouvelles et s’obstine à ne cultiver que sa soif du pouvoir. Qu’il s’agisse surtout des vautours qui s’acharnent sur la bête blessée, dépeçant l’économie par la contrebande, les malversations et la corruption. Il est grand temps d’en finir.
Faut-il s’en remettre aux pouvoirs publics, pour produire cette rupture salutaire? Leur marge de manœuvre est bien réduite. Appliquer la loi, dénoncer le corporatisme, résister à la surenchère syndicale, freiner l’infiltration de l’appareil de l’Etat et préserver la souveraineté tunisienne sont déjà des tâches prenantes. S’y ajoute, de toute urgence, la réduction des fractures sociales, de la précarité, des inégalités entre les régions et du chômage.
Autant ils s’échinent à assurer, sans toujours y réussir, la gestion au quotidien, autant ils peinent à mettre en débat les vrais grands maux de la Tunisie. Les problématiques des finances publiques, des régimes d’assurances sociales et de couverture sociale, de l’insertion de l’informel dans les circuits organisés, du ciblage de la compensation, de la privatisation des entreprises publiques non stratégiques lourdement déficitaires, de l’eau, des énergies renouvelables et autres sont cruciales.
Comment engager ce débat programmatique alors qu’aucun parti n’a pour le moment formulé des propositions pertinentes ? Doit-on nous résigner à nous tourner vers des institutions étrangères ou solliciter ce qui reste dans la haute administration de compétences avérées pour imaginer de nouvelles approches et définir des stratégies appropriées? Dans l’insouciance générale, on ne peut que s’interroger sur celui qui va porter ces dossiers, mobiliser les Tunisiens et conduire le débat vers le consensus nécessaire ?
C’est pourtant déterminant, c’est pourtant urgent.
En finir avec tout ce climat délétère, tous ces passe-droits, toute cette inconscience et s’attaquer à l’essentiel est pourtant à notre portée. An VI de la révolution, l’année 2017 est aussi, à mi-mandat du quinquennat présidentiel, une année charnière pour préparer les scrutins décisifs de 2019. Tensions apaisées, sécurité renforcée, dynamique d’investissement amorcée : le renversement positif des tendances suscite espoir. Dotée d’une nouvelle direction à l’issue de son 23e congrès (23-25 janvier 2017), la centrale syndicale sera délivrée de sa fébrilité électorale pour restaurer la sérénité des relations professionnelles et œuvrer à l’institutionnalisation du dialogue social. La croissance économique sera timide. Le tourisme continuera à peiner. L’amélioration de la productivité par l’engagement discipliné dans le travail et une meilleure organisation des modes de gestions n’est pas pour l’immédiat. La création massive de nouveaux emplois attendra les investissements promis. Mais la saison agricole, bénéficiant d’une pluviométrie abondante, annonce de bonnes récoltes.
Sur le plan géostratégique immédiat, l’initiative lancée par la Tunisie, en étroite concertation avec l’Algérie et l’Egypte, pour la stabilisation de la Libye nourrit beaucoup d’espoir. Même si elle prendra du temps pour convaincre toutes les parties prenantes d’emprunter la voie du dialogue et de la concorde, elle amorcera un processus bénéfique pour tous. Moins de menaces terroristes et d’infiltration de contrebande en Tunisie, reprise du travail pour notre main-d’œuvre en Libye et retour de nos exportations et entreprises dans ce pays voisin.
C’est sur cette toile de fond que se tiendra, fin 2017, espérons-le, un évènement politique majeur: les élections municipales. Totalement transparentes, elles augureraient alors un chambardement total du paysage politique, balayant les opportunistes, laissant émerger de nouvelles forces, installant les prémices de la démocratie locale. Longtemps à l’abandon, les municipalités souffrent de laisser-aller ici, de mainmise ailleurs, laissant l’environnement et les prestations gravement se dégrader. De la politique et des politiciens, c’est ce que le citoyen perçoit le plus au quotidien à ses dépens. Il ne demande qu’à en finir.
De l’aveuglement, de la radicalisation, du terrorisme, de la confiscation des idéaux, du laxisme, de l’inconscience, de l’acharnement des vautours et du corporatisme, finissons-en!
Taoufik Habaieb
Bonne & Heureuse Année 2017.