Mohamed Larbi Bouguerra: Israël, le Mossad et nous
Le gouvernement d’extrémistes qui dirige aujourd’hui Israël est possédé par l’hubris comme disaient jadis les Grecs. L’hubris se traduit souvent par « démesure ». C'est un sentiment violent inspiré des passions, particulièrement de l'orgueil. De plus, l’élection de Donald Trump a rempli certains de ces sionistes d’un sentiment « messianique » annonçant des « miracles ». Les Etats Unis n’ont-ils pas livré récemment deux avions F-35 (sur 50) valant chacun la bagatelle de 854 millions de dollars ? Sans parler du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem promis par le milliardaire de la Maison Blanche….en rupture totale avec la politique américaine depuis des lustres!
En fait, ce gouvernement, fort de l’appui de l’Occident, se croit au-dessus des lois dictées par les humains et en mesure de régenter la planète. Mais, dans le même temps, il doit gérer un pays fracturé et raciste qui veut démettre les députés arabes de la Knesset comme il doit gérer des scandales à la pelle et des colons de plus en plus virulents. Ces derniers– quarante familles de la colonie Amona construite sur des propriétés palestiniennes - n’ont pas hésité à tirer de son lit, en pleine nuit, le Premier Ministre pour le contraindre à les rencontrer dans son bureau afin de contourner le jugement de la Cour Suprême qui a ordonné leur éviction (Lire Yossi Verter, Haaretz, 19 décembre 2016). Il semblerait que l’on approche de la prédiction du philosophe (et docteur en chimie) Yeshayahou Leibowitz. Ce dernier qualifiait de « judéo-fascistes » les colons et prédisait qu’Israël pourrait facilement se muer en Etat fasciste (Lire Ilan Pappe, « La propagande d’Israël », Investig’Action, 2016, p. 113). De plus, pour garder sa majorité d’extrémistes à la Knesset et plaire aux jusqu’auboutistes sionistes, Netanyahou a libéré de prison l’ex- président violeur Katsav avant la fin de sa peine.
A qui profite le crime?
Il y de fortes chances que ce gouvernement soit derrière l’assassinat de l’ingénieur Mohamed Zouari car, comme dit tout bon détective, cherchons « à qui profite le crime? » Et Israël de frapper une nouvelle fois en Tunisie. Le journal Al Khalij (Emirats Arabes Unies) affirme que Zouari a reçu ces dernières années des menaces de mort du fait de son implication dans la fabrication de drones (Lire Jack Khoury, Haaretz, 17 décembre 2016). En janvier 2010, le sulfureux ministre des Affaires Etrangères sioniste Avigdor Lieberman devait déclarer, suite à l’assassinat à Dubaï de Mahmoud Mabhouh, du Hamas que « la politique israélienne en matière de renseignement est l’ambiguïté » (The Guardian 18 février 2010).
Mohamed Zouari marchait probablement sur les plates-bandes de l’IAI- Israël Aircraft Industries- et d’Elbit Systems. De même, il devait intéresser le Mafat (Administration du Ministère de la Défense pour le développement des armes et de l’infrastructure technologique) qui s’occupe aussi bien d’avions sans pilote (drones) que de sous-marins sans équipage (drones sous-marins) (Jerusalem Post, 19 décembre 2016).
Ces entreprises israéliennes coopèrent avec les Américains, les Allemands et en France avec Dassault Aviation pour tout ce qui touche aux drones et à l’aéronautique. Un rapport sur les drones rédigé par des parlementaires français en décembre 2009 fait le point sur ces activités très lucratives pour Israël qui vend drones (Skylark, Hermès 900…) et équipements au Chili, à la Suisse, au Brésil, à la Colombie et au Mexique….
Israël: une véritable menace
Israël veut en fait avoir l’exclusivité des technologies relatives aux armes nucléaires, aux drones et aux systèmes tels l’électro-optique, les systèmes de communication, les aeérostructures notamment … dans la région. Il veut en être le seul détenteur. En janvier 2010, Massoud Ali Mohammadi, un atomiste iranien a été aussi assassiné à Téhéran par un traître formé par le Mossad et pendu en 2011. En janvier 2012, Mostafa Ahmadi Roshani – directeur adjoint de l’unité d’enrichissement de l’uranium de Natanz- a été aussi assassiné et le gouvernement iranien a accusé le Mossad de ce crime.
Le lanceur d’alerte Edward Snowden a révélé un document datant de 2008 dans lequel on lit que les Services d’espionnage anglais (GCHQ) considéraient que « les Israéliens demeurent une véritable menace pour la stabilité régionale, notamment à cause de la position de ce pays sur le dossier iranien» (Le Monde, 8 décembre 2016, p. 4). Ce document révèle aussi que les Britanniques espionnaient l’Université hébraïque de Jérusalem et l’Institut Racah de physique pour leurs recherches en physique nucléaire ainsi que des sociétés de défense comme Ophir Optronics qui travaille sur la fibre optique et le laser, deux éléments-clés des armements modernes et des industries de pointe.
Le mythe du Mossad
Le Mossad n’est cependant pas un service d’espionnage « infaillible » comme veut nous le faire croire une certaine presse qui parle, à la suite de Lieberman, de « succès opérationnels mais d’échecs stratégiques ». Ses échecs de toute forme sont pourtant nombreux. A Dubaï, en assassinant Mahmoud Mabhouh, il s’est attiré les foudres de nombreux pays européens pour avoir utilisé des passeports truqués britanniques, irlandais, autrichiens, français…de ce fait, son chef, Meïr Dagan, n’a pas été reconduit par Netanyahou en 2011. Le Premier Ministre lui a même retiré son passeport diplomatique pour ses déclarations incendiaires contre sa personne et contre ses visées « idiotes » d’attaquer l’Iran. En 2004, deux de ses agents ont passé six mois en prison en Nouvelle Zélande pour avoir tenté d’obtenir indûment un passeport néo-zélandais au nom d’un tétraplégique muet depuis plusieurs années (The Guardian, 16 juillet 2004).Le Premier Ministre Mme Helen Clark a publiquement condamné « ces menées inamicales inqualifiables » d’Israël et annulé une visite d’Etat du Président israélien Moshé Katsav- qui a quitté, il y a quelques jours, la prison. Un peu peut être comme en Tunisie, le Mossad a monté une agence de voyage à Auckland pour cacher ses activités mais le comportement très peu professionnel de ses agents a alerté la police locale. En 1997, les agents du Mossad ont utilisé de faux passeports canadiens dans leur tentative pour assassiner Khalèd Machaâl : le gouvernement canadien a alors expulsé l’ambassadeur sioniste.
Les casseroles de Netanyahou et l’éternelle crise
Les lâches faits d’armes des barbouzes du Mossad ici et ailleurs ne doivent pas faire perdre de vue la situation intérieure grave d’Israël en dépit de la conjoncture au Moyen-Orient.
Ainsi, l’épouse du Premier Ministre a été récemment interrogée par la police pour détournement d’argent publique. Le Contrôleur de l’Etat Joseph Shapira a demandé, en octobre dernier, au Procureur Général Avichai Mandelblit d’ouvrir une enquête criminelle contre le Premier Ministre. Ses voyages privés à l’étranger alors qu’il était le chef de l’opposition à la Knesset auraient eu des financements douteux et sa famille aurait utilisé de l’argent public indûment lors de ces déplacements. Aujourd’hui, Netanyahou est impliqué dans un énorme scandale politico-financier impliquant les chantiers navals allemands Thyssen Krupp pour l’achat de sous-marins contre l’avis de la marine israélienne qui en a déjà six.
Outre son éternel guerre avec le ministre de l’éducation, Naftali Bennett, Netanyahou doit gérer aussi des « guerres du shabbat » concernant la circulation des trains qui l’oppose aux ultra-orthodoxes et à Yisrael Katz, député Likoud et ministre du renseignement et de l’énergie atomique. Crise politique, crise à l’intérieur du gouvernement et éternelle crise en Israël entre l’Etat et la religion… « La démocratie israélienne »- qui maintient sans droit des millions de Palestiniens- n’autorise le mariage, le divorce et l’enterrement que sous le contrôle des rabbins…qui décident aussi de la circulation ferroviaire ! C’est ainsi que les soldats religieux ne sont plus astreints à des activités qui les mettent en présence du sexe féminin (Lire Gili ohen, Haaretz, 26 septembre 2016) et les employées ne sont plus admises à la Knesset qui si la longueur de leur jupe n’est pas « immodeste ». De plus, de nombreuses écolières séfarades ne sont pas admises dans les écoles ashkénazes et doivent rester chez elles, ce qui n’empêche pas le ministre de l’éducation d’affirmer que l’étude la Torah doit passer avant celle des mathématiques. Quant à la ministre de la Culture, elle veut imposer des amendes aux artistes qui boycottent les colonies d’où son surnom : « Ministre de l’Occupation ». Cette dame n’aime ni les juifs originaires des pays arabes ni leur musique et vise à « renverser l’élite du pays » (Lire Ruth Margalit, The New York Times, 20 octobre 2016).
Israël peut commander des assassinats lâches et traîtres. Doté de la bombe atomique, il peut impressionner mais ses pieds sont en argile comme le prouvent ces crises innombrables au tréfonds de la société israélienne.
L’hubris ne conduira qu’à la désillusion et à « l’Etat fasciste ».
Mohamed Larbi Bouguerra