Les 2020 de l’Afrique
Selon les estimations des Nations Unies, le continent africain verra sa population, actuellement estimée à 1,2 milliard de personnes, doubler d'ici 2050. C'est une croissance attendue de 42 millions de personnes chaque année (la population actuelle de l’Argentine).
Ce continent est encore méconnu par nos politiques, nos entreprises et nos citoyens. Nous ignorons les grandes mutations qu’il connaît, n’avons qu’une idée globale de la croissance qu’il réalise et demeurons regards figés sur le Nord. Un nord, par contre, qui se met lui au temps de l’Afrique. Le potentiel de développement économique et humain dans ce continent est une des grandes sources de valeur dans le monde pour les années à venir. Tout un chacun se rend compte, à part des initiatives relativement timides, que manquons encore de vision globale pour le futur de notre relation économique avec notre continent. Heureusement, il y a les JCC et la étudiants africains dans les universités tunisiennes privées pour ne pas ajouter la dimension socioculturelle.
Au moment de la tenue de nos journées d’investissement (Invest in Tunisia en 2014 et Tunisia 2020 en 2016) , le continent africain connaît son plus grand flux d’investissement étranger et la course des investisseurs n’a jamais été aussi remarquable. En témoignent le nombre de méga projets dans les chemins de fer, les barrages, les technologies et les énergies renouvelables. Notre positionnement dans la sous-traitance, devenue notre force, ne suffit plus sans un engagement volontariste de l’Etat. Des initiatives de PMEs et de l’Etat, méritent toutefois d’être citées comme l’ouverture de lignes aériennes, de représentations économiques et commerciales dans au moins cinq pays d’Afrique et notre adhésion au COMESA (Common Market for Eastern and Southern Africa) dont l’objectif est de créer une union douanière entre ses vingt et un pays membres.
Cet article ne citera que les 10 méga projets du continent dont le coût est d’environ 155 Milliards de dollars (plus que 4 fois le PIB tunisien). La construction de tous ces mégaprojets est déjà entamée. Cela mérite observation.
1) Une série de routes et de chemins de fer d’environ 9 000 kilomètres dans sept pays, de l'Afrique orientale et australe, a été entamée en 2009. Son coût total est d'environ 1 milliard de dollars.
2) Le port de Bagamoyo en Tanzanie deviendra d’ici 2045, le plus grand port d'Afrique, capable de traiter 20 millions de conteneurs par an. Le coût global est estimé de 11 milliards de dollars. Une entreprise de construction chinoise est déjà sur le projet.
3) Une nouvelle ville est à construire en Afrique de Sud pour un montant global de 8 milliards de dollars. Située à l'extérieur de Johannesburg et appelée Modderfontein New City, elle deviendra un carrefour pour les entreprises chinoises investissant dans l'infrastructure africaine. Une société chinoise de développement ̎Zendai Property Limited̎ est l’entreprise en charge de la construction et a entamé le projet depuis 2013.
4) Le Konza Technology City, un centre de logiciels de 14,5 milliards de dollars est à construire à l'extérieur de Nairobi, au Kenya. Le gouvernement l'appelle «où commence la savane africaine» .
5) Un projet de développement urbain de 0,5 milliard de dollars dans la vallée du Bouregreg, Maroc est lancé depuis 2013. La zone reliera Rabat et Salé, deux des plus dynamiques villes du royaume. Actuellement les deux villes sont divisées par la vallée.
6) Une voie ferrée côtière de Lagos (Capitale du Nigéria) à Calabar (ville au sud-est du Nigeria) s'étendra sur 1270 kilomètres. La Chine et le Nigeria ont signé le contrat de réalisation de ce chemin de fer pour un montant de 11 milliards de dollars et une ouverture pour 2018.
7) Un barrage de la Grande Renaissance éthiopienne fournira l'énergie hydroélectrique à l'Ethiopie et aux pays voisins qui délocalisera près de 20 000 personnes sera réalisé avec un coût de 4,8 milliards de dollars.
8) La construction du barrage du Grand Inga au République démocratique du Congo est lancée. Avec une production moyenne de 39 000 MW par an, il deviendra le plus gros générateur d'énergie au monde. Son coût total de développement est estimé à 100 milliards de dollars. Les développeurs s'attendent à terminer le projet d'ici 2025.
9) Une station solaire produisant environ 180 Gigawatts-heures par an et capable d'alimenter 80 mille foyers est inaugurée en 2014 en Afrique du Sud (notre loi sur les énergies renouvelables n’a été approuvée qu’en mai 2015). C'est le plus grand projet d'énergie solaire du continent.
10) Le plus grand producteur de ciment en Afrique, Dangote Cement, a signé des contrats d'une valeur de 4,3 milliards de dollars en 2015 avec une entreprise d'ingénierie chinoise pour augmenter sa capacité à 100 millions de tonnes d'ici 2020 (dans 15 pays du continent).
Au stade où nous en sommes, des inquiétudes pour faire aboutir les projets d’investissement (Tunisia 2020) sont partagées par tous. Déjà dans le pipe et depuis la période 2006-2009, des projets ne sont évoqués que pour le confort des longues listes : Port Enfidha, Tunis Economic City à Enfidha, Sport City Boukhater, Lac Sud Sama Dubai, Aéroport Borj Amri, Oléoduc et dépôt Skhira-Sahel, Raffinerie de pétrole à la Skhira, …). D’autres projets, ont été tout simplement étouffés (Tabarka millenium, Tour du Lac, Ville du Savoir à Sfax, Centre de thérapie thermale Khbayet à Gabès, Sousse Downtown, …). Le cadre légal et le contexte social paraissent encore non favorables aux nouveaux arrivants ainsi qu'à ceux qui sont déjà sur place et naviguent désormais à vue.
Hamed Ben Rebah,
Ministère de l’Industrie