Prenons garde : le pays se vide de ses compétences scientifiques et notamment médicales
Une fois de plus les médecins tunisiens se distinguent aux épreuves de vérification des connaissances destinées aux praticiens étrangers désirant exercer en France. Ces résultats reflètent avant tout la bonne formation des médecins tunisiens. Malgré la baisse générale du niveau de l’enseignement supérieur, la médecine tunisienne est restée un pôle d’excellence grâce d’abord au fait que cette spécialité est la destination préférée des lauréats du baccalauréat, ensuite à un concours de résidanat très sélectif. D'ailleurs, l'afflux de patients en provenance d'Algérie, de Libye et plus récemment d'Afrique de l'Ouest et même d'Europe est très révélateur. En 2015, le tourisme médical a généré des recettes de plus d'un milliard de dinars. Immanquablement, cela fait quelques jaloux dans d'autres pays qui nourrissent les mêmes ambitions. C'est le cas de cette émission diffusée le 17 décembre, sur El jazeera qui s'en prend à l'un des joyaux de la recherche médicale tunisienne à propos d'essais thérapeutiques réalisés à Sidi Bouzid.
Les migrations de médecins n'ont pas encore pris l'allure d'un exode, mais leur croissance exponentionnelle depuis la révolution fait craindre le pire. Pourquoi nos médecins quittent-ils le pays ? Certes les considérations matérielles sont importantes, ce qui est légitime quand on a fait de 7 à 14 années d’études après le bac, mais non déterminantes, car il existe d’autres raisons : les campagnes de diabolisation des médecins devenus les cibles favorites des médias qui leur reprochent souvent leur refus catégorique de travailler dans les régions, leur ingratitude envers l'Etat qui a dû dépenser des sommes énormes pour leur formation.
La réalité est beaucoup plus nuancée. Les médecins n’ont jamais refusé d’aller à l’intérieur, mais demandent à disposer de moyens leur permettant s'exercer leur métier, d'être protégés contre les agressions des parents de malades devenues monnaie courante. Les fautes médicales ? Ils sont ulcérés par les campagnes de presse qui n'hésitent pas à imputer tout décès d'un malade à l'incompétence du médecin. Le risque zéro en médecine n'existe pas y compris pour les actes les plus bénins (Aux Etats-unis, le premier geste d'un médecin avant d'ouvrir un cabinet est de contracter une assurance contre les erreurs médicales) alors qu'on parle rarement des réussites. L'âpreté au gain ? C'est vrai pour certains, mais comment expliquer leur discrétion lors de l'examen de la loi de Finances 2017 qui comportait des mesures destinées à renforcer le contrôle fiscal pour les professions libérales, alors que d'autres corporations ont remué ciel et terre pour s'y soustraire. Comment enfin interpréter la présence parmi ces expatriés de "séniors", des assistants, des professeurs agrégés qui sont relativement bien payés en Tunisie et surtout des professeurs qui sont autorisés à exercer une activité privée complémentaire, sinon par le souci de se réaliser dans leur travail. Ils ne demandent qu'à rester, si on leur en offre les moyens.
Il faut y prendre garde. Un pays qui ne sait pas garder ses compétences scientifiques et notamment médicales court à sa perte.
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