Salem Kilani: Salah Jebali, un ami d’enfance et de toujours
Un homme discret, serviable, fidèle à ses amis. Un des bâtisseurs de la Tunisie moderne dans divers domaines et plus particulièrement l’industrie, le tourisme, l’écologie et les services. Salah, après des études secondaires au lycée Carnot où nous étions ensemble, à la même table, durant toute la scolarité, de la sixième à la classe de mathématiques élémentaires, a toujours été un élève gentil, studieux, ami de tout le monde. Tous les élèves du lycée de cette génération se souviennent encore de lui.
Nous étions ensemble actifs au sein de la section de l’Uget du Lycée Carnot. Avec son baccalauréat en poche décroché avec mention, Salah a rejoint un lycée non moins prestigieux, Louis Le Grand, à Paris, pour faire les classes préparatoires aux grandes écoles d’ingénieurs. C’est ainsi qu’il intégra la fameuse école d’ingénieurs l’Ecole Centrale des Arts et Manufactures communément appelée «Ecole Centrale». Il en est sorti diplômé en 1963. Dans cette promotion, on peut retrouver des ingénieurs centraliens et amis tels que Jalel Chabbi, Jean Lebrun, Abdelaziz Benaceur, Mekki Cheour, Salem Lahouar et bien d’autres. Tous les centraliens de sa promotion se souviennent d’un élève sympathique, intelligent, toujours souriant et aimable.
Durant toute sa scolarité à Paris, il n’a pas cessé de me rendre visite à Lausanne où j’étais étudiant à l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et inversement je me rendais à Paris où j’étais devenu très connu à Citaux, où résidaient les centraliens. Durant cette période, Salah a continué à militer au sein de l’Uget et a eu l’occasion de créer des liens à travers l’Aemna (l’Association des étudiants nord-africains en France) avec nos frères algériens et marocains. Il les retrouvera par la suite dans des postes de responsabilité dans leurs pays respectifs et avec lesquels il a beaucoup collaboré lorsqu’il était lui aussi aux responsabilités dans son pays pour contribuer à l’essor économique des pays respectifs.
El Fouledh, El Kantaoui et la Steg
De retour à Tunis, Salah se retrouve parmi les fondateurs de la première usine sidérurgique en Tunisie, El Fouledh, sous la houlette de notre ami polytechnicien Mekki Zidi. Inséparables je me retrouve aussi à El Fouledh début 1964 avec d’autres amis du lycée Carnot de la même promotion tels que Jalel Chabbi, notre ami commun.
Après un stage en Angleterre, Salah rejoint l’équipe d’El Fouledh à Menzel Bourguiba où il assumait la responsabilité des hauts fourneaux. Le démarrage bien réussi de l’usine et la mise en exploitation, Salah y a largement contribué, sachant s’adapter à toutes les situations et avec son savoir-faire et la qualité de ses relations humaines. Il ira rejoindre la Compagnie financière touristique (Cofitour) qui avait à sa tête Azouz Mathari, pour diriger avec son ami Ahmed Abdelkéfi le projet touristique de Sousse-Nord. Le port El Kantaoui et son complexe touristique sont considérés à ce jour comme le fleuron des réalisations touristiques en Tunisie. Ce projet terminé et entré en exploitation, Salah est de nouveau rappelé à El Fouledh pour prendre sa direction générale. Il retrouve alors une usine à développer sur le plan technique et commercial et créera la complémentarité avec l’usine algérienne d’Annaba. En 1981, Salah est appelé à diriger un autre fleuron de l’industrie tunisienne, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg). Ce fut une longue période où les réalisations et l’extension de cette importante entreprise nationale n’ont pas manqué (nouvelles centrales à Tunis et au Sud). Le personnel de la Steg se souvient encore de son passage et lui a rendu un vibrant hommage lors de ses funérailles.
Président de l’ASM
Ayant emménagé à La Marsa, peu de temps avant sa nomination à la tête de la Steg, Salah a été rapidement adopté par les Marsois (lui originaire de Gafsa) et a même, après quelques années, rejoint la direction de l’équipe sportive locale, l’Avenir sportif de La Marsa, dont il assura la présidence même. Le club lui a rendu un vibrant hommage le jour de son enterrement par une oraison funèbre fort émouvante.
Le gouvernement et la diplomatie
En 1987, Salah est appelé, en reconnaissance de ses réalisations dans le domaine, à occuper les fonctions de secrétaire d’Etat à l’Energie, poste qu’il continuera à occuper le 7 novembre mais pas pour longtemps. Il est alors appelé dans une autre industrie non moins importante, à savoir le Groupe chimique. En réalité, à son arrivée il y avait encore la Compagnie Sfax-Gafsa et les Industries chimiques du Maghreb (ICM). Il lui revient alors de les fédérer.
Salah, toujours apprécié pour ses qualités humaines et techniques, est alors appelé à rejoindre la diplomatie. Il est alors nommé au poste d’ambassadeur à Pékin où il continuera à développer l’antenne du Groupe chimique en Chine et à tisser des relations étroites avec nos amis chinois en organisant la première visite du chef de l’Etat dans ce pays.
Rappelé de nouveau aux responsabilités gouvernementales, Salah est nommé ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire. C’est pour la première fois que ce ministère est créé. Il jeta les premiers jalons de cette activité et de l’esprit écologique. Il participe alors à la première Conférence internationale sur l’environnement à Rio de Janeiro.
Fondateur de l’ATL
De retour de la conférence, Salah quitte le secteur public et s’intéresse au secteur privé. Après de courts passages dans un bureau d’études et dans le groupe industriel Berrebi, il intègre le groupe bancaire ATB. Avec ses qualités de bâtisseur, Salah crée la filiale «ATL», société de leasing du groupe qu’il dirigea jusqu’au moment où il décida de prendre sa retraite en 2014. Son parcours professionnel est à l’image du caractère de père de famille (deux garçons, Walid et Anis, et une fille, Noura), attentif et toujours aux petits soins depuis la naissance jusqu’à la vie professionnelle et familiale, secondée par une femme très douce et toujours accueillante. Jusqu’à ses derniers moments, Salah veillait à l’éducation de ses petits-enfants qui le quittaient rarement. Toujours rassembleur, sa maison est le point focal des rencontres familiales et amicales.
Dans l’accomplissement de toutes ses responsabilités, Salah a toujours été animé par la volonté de servir son pays et d’apporter sa modeste contribution à son édification et son développement. Sa discrétion, son attachement au travail bien fait et ses qualités humaines lui ont valu le respect et l’estime de tous ceux qui l’ont connu.
Salah l’inoubliable. Que Dieu Tout-Puissant lui accorde Son Infinie Miséricorde et l’accueille dans Son Eternel Paradis. Allah yarhamhou.
Salem Kilani
- Ecrire un commentaire
- Commenter
Allah yarhmou w naamou