Tanja Jääskeläinen: La chance d’être ambassadeur de Finlande dans ce pays d’exception
«J’ai eu beaucoup de chance d’être nommée en Tunisie et vivre une époque extraordinaire. Ce n’était pas comme je l’avais prévu, c’est beaucoup plus animé, beaucoup plus surprenant, où on apprend beaucoup et on peut être utile».
Ambassadrice de Finlande en Tunisie et en Libye, depuis maintenant plus de trois ans, Tanja Jääskeläinen ne cache pas son bonheur. «C’est très intéressant pour moi d’observer et comprendre comment le processus démocratique déclenché en janvier 2011 va se poursuivre et réussir, confie-t-elle à Leaders. Je découvre en y arrivant un pays moderne, agréable à vivre, où il y a beaucoup à voir et apprendre. Un pays doté d’un statut avancé de la femme, d’une jeunesse intelligente et moderne».
La grande fierté de l’ambassadrice Tanja Jääskeläinen, c’est de voir son pays participer à la Conférence internationale sur l’investissement, fin novembre dernier, avec une délégation de haut niveau. Conduite par le secrétaire d’Etat auprès du ministre finlandais des Affaires étrangères, Peter Stenlund, elle comprenait notamment le conseiller du gouvernement et pas moins de dix chefs d’importantes entreprises intéressés par des projets de partenariat.
Quelles sont les synergies entre la Finlande et la Tunisie? Et comment accomplit-elle sa mission en Libye?
Comment en êtes-vous venue à la diplomatie?
A 17 ans, une amie me disait qu’elle voulait devenir épouse de diplomate. Cela avait déjà interpellé mon attention pour la diplomatie et m’avait incitée à poursuivre des études supérieures, notamment en langues étrangères. Puis, lors d’une journée d’orientation de carrière à l’université, une représentante du ministère des Affaires étrangères est venue nous expliquer ce métier, ses enjeux, ses défis et sa noblesse. Coup de foudre immédiat. Mon choix était fait.
Quel a été votre premier poste à l’étranger?
Après une année d’immersion au siège du ministère à Helsinki en 1995, je devais partir en poste. C’était à Budapest où je suis restée 4 ans, de 1996 à l’an 2000. J’ai eu de la chance, la Hongrie était alors en pleine mutation et j’y ai beaucoup appris. Le cycle d’affectation des diplomates finlandais est de deux fois tous les quatre ans à l’étranger, suivis de six années à Helsinki. Après Budapest, je suis partie à Damas, en février 2001, pour y rester jusqu’en octobre 2003: une expérience unique. C’est ma première imprégnation du Moyen- Orient, découvrant avec émerveillement un pays ancré dans l’histoire.
Comment était alors la Syrie?
Venant de succéder à son père, au commandement de la Syrie, Bachar Al-Assad était à l’apogée de sa puissance, suscitant beaucoup d’espoir. Mais, je commençais à déceler un profond sentiment de désenchantement populaire. C’était très difficile pour nous diplomates étrangers de nous informer aux bonnes sources. Il n’y avait pas de société civile active, les médias étaient encadrés par le régime et nos interlocuteurs syriens étroitement épiés, voire parfois arrêtés. Nous ne voulions pas leur faire prendre des risques, mais ils insistaient pour nous voir, considérant que c’est un acte de résistance et un devoir d’alerte et de témoignage.
Une pause à Helsinki avant de reprendre service à l’étranger?
Tout à fait! La Finlande commençait à me manquer. J’y serai de retour en novembre 2003 pour un long séjour de 6 ans, en tant qu’adjointe chargée des affaires européennes, puis à partir de 2007, en qualité de conseillère auprès du ministre des Affaires étrangères. L’heure du nouveau départ à l’étranger sonnera en septembre 2009, avec pour destination cette fois Londres, en tant qu’ambassadrice adjointe. J’y resterai jusqu’en août 2013, date de ma nomination comme ambassadrice à Tunis.
C’était votre choix?
Absolument! Quand on me demande pour quelle raison j’ai postulé pour la Tunisie, je réponds qu’il n’y a pas une seule raison, mais beaucoup. Je voulais aller en Afrique du Nord, sans a priori, ni craintes, vivre cette expérience unique dans un pays d’exception. Je me serais peut-être ennuyée dans d’autres postes. Ici, je n’ai même pas le temps de reprendre mon souffle.
La Finlande est bien loin de la Tunisie. Y a-t-il des synergies entre les deux pays?
Il y a beaucoup de similitudes entre la Finlande et la Tunisie: des pays de petite taille, sans grandes ressources naturelles, mais dotés chacun d’un grand leader, Habib Bourguiba en Tunisie et Urho Kekkonen (1957-1982). Comme la Tunisie, nous comptons sur notre peuple, bien éduqué, sur les femmes et sur la société civile. En Finlande, nous ne pouvons qu’être admiratifs de voir la femme tunisienne jouer pleinement son rôle dans la société en ce moment.
Votre démocratie est centenaire...
Effectivement, nous célèbrerons l’année prochaine le centenaire de la démocratie en Finlande. C’est là une nouvelle occasion pour trouver des liens additionnels avec la Tunisie. Ce que nous avons le plus appris depuis lors, c’est que le processus démocratique prend du temps. On était un pays pauvre, sous- développé. Cela nous avait encouragés à cultiver les valeurs du travail et incité nos dirigeants de diverses générations successives à faire les bons choix et prendre les décisions appropriées.
Après la Seconde Guerre mondiale, qui s’est soldée par de grandes pertes humaines, parmi les hommes notamment, les Finlandais étaient obligés de faire de grands sacrifices pour enrayer les dommages subis, développer de nouvelles industries et se mettre intensivement au travail. Les maris étaient décédés, c’était à leurs veuves de leur succéder. Des aménagements étaient nécessaires pour faire garder les enfants, les prendre en charge dans des jardins et écoles, leur servir gratuitement des repas chauds...
La Finlande a bien trouvé son créneau...
Le manque de ressources naturelles abondantes ne nous a pas laissé beaucoup de choix. Il fallait en effet explorer de nouveaux secteurs innovants. C’est ainsi que nous avons investi dans la recherche-développement, privilégiée depuis déjà de longues années, les TIC, la biotechnologie, les énergies nouvelles et renouvelables, et bien d’autres créneaux porteurs. Ces choix stratégiques n’ont pas tardé à porter leurs fruits.
Vous êtes également ambassadrice en Libye?
Oui! Je me suis rendue à Tripoli en 2014 pour présenter mes lettres de créance. Je devais le faire auprès du président du Congrès général national libyen, M. Nouri Abou Sahmine. Ça s’est bien passé malgré la complexité de la situation sécuritaire.
Vous arrivez à suivre convenablement la situation?
Est-ce possible? Ce n’est pas facile du tout. Mais, il y a heureusement les échanges avec les collègues couvrant la Libye à partir de Tunis, notamment européens, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Libye et divers interlocuteurs libyens de passage.
Taoufik Habaieb
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