Caïd Essebsi en lancement à Paris de son livre « La démocratie en terre d’Islam »: Persistons dans l’effort, restons vigilants (Photos)
Paris – De notre envoyé spécial, Taoufik Habaieb. Plan média discret mais bien ficelé, pour le lancement à Paris du livre du président Béji Caïd Essebsi : «Tunisie, la démocratie en terre d’Islam.» Un petit-déjeuner restreint était organisé vendredi matin avec une vingtaine de grands journalistes et des interviews radio (Europe 1, France Info, RTL, etc.), était organisé, sans pouvoir répondre à toutes les demandes reçues. Une occasion cependant de répondre à nombre de questions au sujet de l’islam, Ennahdha, l’Instance Vérité et Dignité, La Libye, le Qatar et autres points chauds. En librairie depuis jeudi 1er décembre, le livre, publié chez Plon est le fruit d’une série d’entretiens avec Arlette Chabot. Les droits d'auteurs iront au profit du projet "Madrassaty" pour la réhabiltation des écoles primaires.
En 212 pages, et six chapitres, le président Caïd Essebsi, étaye « en plaidoyer pour son pays » sa pensée au sujet de « l’exception tunisienne », le terrorisme, le monde, la France, l’héritage et gouverner. Ses analyses sont illustrées par des témoignages tirés de son expérience depuis l’indépendance, aux côtés de Bourguiba, et de son vécu exceptionnel, dès le déclenchement de la révolution. S’il s’adresse surtout aux non-tunisiens et « interpelle la communauté internationale quant à l’attitude qu’elle observe vis-à-vis de la situation en Tunisie », il restitue pour les lecteurs tunisiens des moments forts de ces six dernières années et leur livre les clefs de leur décodage. Sa pertinence est aussi de lancer le débat sur le difficile ancrage de la démocratie dans un contexte tumultueux, sur fond d’islam politique rampant, lui aussi livré à ses mutations internes.
Face au feu roulant des questions que lui ont posées les patrons de presse parisiens, le président Béji Caïd Essebsi n’a pas gardé la langue dans la poche. « Il n’y a pas deux Islam, mais un seul, lance-t-il. L’autre relève du schiisme. Quant au nôtre, c’est celui de l’ouverture et de la tolérance. Nous avons mis l’accent sur cette véritable lecture, que les textes du livre saint confirment. Pour ce qui est des autres religions, la question a été tranchée. Le Coran dit bien : ‘’Vous avez votre religion, nous avons la nôtre’’. C’est à dire, nous cohabitons ensemble.»
Et avec Ennahada, vous êtes des alliés, le relance un confrère? Ont-ils évolué? « Nous ne sommes pas des alliés, mais nous cohabitons, répond BCE. Nous ne sommes qu’au début d’un processus et il faut prendre en compte la réalité. Ils ont fait la moitié du chemin, et nous attendons qu’ils persévèrent pour accomplir ce qu’il leur reste à parcourir. Je dois reconnaître que Ghannouchi qui a vécu longtemps en Angleterre sait comment fonctionne la démocratie. Je ne me suis pas adressé à eux en tant qu’Ennahdha, mais que deuxième parti, après le mien, Nidaa Tounès, vainqueur des législatives. Ils ont accepté de participer au gouvernement et c’est tant mieux.
Le Qatar ne cherche-t-il pas à travers son soutien d’imposer ses marques en Tunisie? « Vous savez qu’en 3000 ans, nous en avons vu de toutes les couleurs, sans jamais y laisser notre âme. La Tunisie a toujours su préserver sa tunisiannité composée d’un ensemble de paramètres. Notre coopération s’inscrit dans ce cadre."
Qu’en est-il de l’UGTT et de l’UTICA? « Ils ne s’embrassent pas tous les jours, mais ils cohabitent ensemble, eux aussi », répond BCE.
Comment sont vos relations avec l’Europe? « Vous savez, la Tunisie, c’est comme un arbre fruitier. Ses racines sont ancrées dans le territoire arabe et africain et ses branches portent des fruits à l’Europe. C’est l’image que je me fait » dessine BCE.
La Tunisie a-t-elle besoin d’un Bourguiba bis, voire d’un Napoléon? « L’époque des grands chefs est révolue, coupe court BCE. Chacun, si au bénéfice d’une situation exceptionnelle parvient à rafler les suffrages du peuple, peut aspirer à gouverner. »
Et l’instance Vérité et Dignité? Au sujet des auditions des victimes d’abus et de tortures récemment initiées par l'IVD, le président Béji Caïd Essebsi sera direct. « Est-ce le plus urgent, se demande-t-il? Ils veulent régler des questions qui remontent au 1er juin 1955, date du retour de Bourguiba. Alors que l’indépendance de la Tunisie ne s’est accomplie que le 15 octobre 1963, après l’évacuation de Bizerte. Vous pouvez en comprendre aisément les intentions. »
Sur la Libye, on demande à BCE s’il est pour Fayez Sarraj, chef du gouvernement reconnu par la communauté internationale, ou le général Hafter? « Ni avec l’un, ni avec l’autre, rebondit-il sur la question. Je suis avec la Libye, une Libye unie, apaisée. Mais plus grande crainte est ce spectre de partition qui est agité.
Comment comptez-vous transformer la Tunisie? « En incitant chaque Tunisien à se remettre au travail! » affirme-t-il. Clap fin. D’autres confrères l’attendent, avant de décoller pour rentrer à Tunis cet après-midi.