Fadhel Abdelkéfi et la Conférence sur l’investissement: Engagements contre illusions?
Les regards seront braqués à la fin de ce mois sur le palais des Congrès où se tiendra la Conférence internationale sur l’investissement, Tunisia 2020. Officiels et investisseurs privés seront-ils nombreux à y prendre part et annoncer à cette occasion des décisions effectives, à la hauteur des ambitions affichées ? A quels résultats tangibles peut-on s’attendre? La préparation a-t-elle été bonne ? Le consortium international piloté par Arjil (comprenant Comete Engineering et Jeune Afrique) a-t-il pu fournir toute la valeur ajoutée escomptée ? Et DSK? Les projets seront-ils suffisamment bien ficelés et attractifs pour trouver financiers? Autant de questions que Leaders a posées à Fadhel Abdelkéfi, ministre du Développement régional, de l’Investissement et de la Coopération internationale.
En deux mois depuis qu’il a pris ses fonctions, enchaînant road-shows à l’étranger et réunions à Tunis, il est en mode speedy, mais bien réfléchi où tout est soigneusement programmé. Tour à tour, il a été à New York (avec le président Caïd Essebsi), puis à Londres, Paris, Bruxelles, Milan, Francfort et Washington DC. Les entretiens avec les patrons du FMI, de la Banque mondiale, de membres de gouvernements, de présidents de grandes multinationales et éminents fonds d’investissement, de membres de la communauté tunisienne et d’éditorialistes des principaux médias ont été utiles. A plus d’un titre, comme il nous l’explique. Interview
En deux mois, il fallait tout rattraper?
Il y avait du bon travail déjà engagé, mais il faut finaliser, boucler et s’acquitter de l’ultime tâche. A l’origine, la Conférence comportait surtout une dimension politique. On a voulu y impliquer de grandes compagnies internationales, des fonds privés significatifs et le secteur privé tunisien. Nous nous préparons à accueillir nombre de chefs d’Etat, de gouvernements et de grandes institutions et entreprises. En tout, il faut compter entre 1 300 à 1 500 participants. Plus de 70 projets seront présentés, 50 projets publics et 20 projets privés.
Le consortium Arjil-Comete Engineering-Jeune Afrique aura-t-il été utile?
Il fonctionne.
Et Dominique Strauss-Kahn ? On l’a aperçu lors du road-show au Saint-Régis à Washington DC?
Effectivement. Faisant partie des conseillers présentés par le consortium, il avait pris la parole à cette occasion
Concrètement, que faut-il attendre de la Conférence?
Evidemment, il y aura des annonces qui seront faites lors de cette conférence, des contrats de crédits qui seront signés, mais deux grands objectifs méritent d’être mis en avant. D’abord, propager une image nettement meilleure de la Tunisie. Et, ensuite, mettre en contact direct le monde des affaires tunisien avec les grandes marques internationales. Imaginez alors toute la synergie qui sera ainsi créée à la faveur de leur rencontre à cette occasion.
Quelles sont les principales réticences détectées auprès de vos interlocuteurs?
J’ai surtout relevé que nous devons mieux marketer la Tunisie. Un grand effort de pédagogie est à entreprendre. Nous n’avons pas su occuper tout l’espace médiatique qui est légitimement le nôtre. Nous ne défendons pas suffisamment un modèle exceptionnel, un îlot de démocratie dans une région, voire un monde, très complexes. Le message essentiel est de dire que la Tunisie est de retour : par le dialogue et la concertation, chacun a fait un pas vers l’autre pour forger un modèle viable et accepté de tous.
Le bonus politique n’a pas été monétisé en bonus économique.
En Tunisie aussi!
Sans doute et d’abord ! J’estime en effet que nous devons susciter une meilleure compréhension à l’intérieur même du pays, des grands enjeux économiques et des impératifs pour l’attraction des investissements extérieurs. Qu’il s’agisse des syndicats, des dirigeants politiques, de la société civile ou de la population, une plus grande prise de conscience est indispensable. Une plus forte implication est nécessaire. En cinq ans, l’économie tunisienne a perdu plus de 2 000 entreprises dont pas moins de 500 entreprises étrangères, quasiment dans l’indifférence générale, comme s’il fallait se résigner à une fatalité.
La Tunisie garde-t-elle encore son attractivité?
Absolument! Nous restons le site le plus compétitif dans la région, en termes de qualité/prix. La qualification et l’abondance de la force de travail tunisienne constituent une véritable richesse.
A quelles conditions?
Il suffit de faire baisser d’un cran le niveau des tensions, pour réaliser un taux de croissance élevé. Nous y parviendrons, d’un côté, par l’intensification de l’investissement générateur d’emplois et, de l’autre, par la stabilisation et la paix sociale.
Une croissance significative est-elle à notre portée?
Sans doute! Le gouvernement s’emploie à arrêter le cycle destructeur des finances publiques et à engager les grandes réformes. Notre grande bataille doit être de libérer les énergies. Partout. Dans l’administration, les entreprises, les établissements de recherche, de formation, d’encadrement, d’appui... Toutes ces compétences précieuses dont regorge le pays ne demandent qu’à être affranchies de ces carcans qui les plombent. Redéployées, elles contribueront à créer une grande valeur ajoutée.
Je suis fermement convaincu que nous pouvons atteindre un taux de croissance de 6%, 7%, voire plus, à un horizon très proche. Il suffit d’y croire et de s’investir.
Propos recueillis par
Taoufik Habaieb
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