Le coup de semonce de l’UGTT se justifie-t-il ?
Je dirai d’emblée oui. Cette organisation nationale a signé le fameux accord de Carthage précipitamment fait.Elle a reconnu expressément la situation peu enviable que vit le pays et notamment la situation de ses finances publiques.Elle a reconnu la nécessité des sacrifices à consentir par toutes les parties pourvu qu’ils soient équitablement répartis. Elle a manifesté sa disposition à poursuivre le dialogue et a saisi la main tendue du Gouvernement. Que veut-on de plus?
Où se situe donc le problème?
Je le situe, encore une fois, au niveau des «experts» des parties concernées. Chacune partie semble détenir la vérité alors que celle-ci pourrait être à mi-chemin.
Tout en excluant les éventuelles arrière-pensées politiques, je pense qu’à partir de données communes et d’une même vision politique, il est possible de parvenir à un accord équitable.
A cet égard, il appartient à l’Administration, au sens large, ce qui inclut la BCT, de maîtriser ses données et de marquer sa disposition à les communiquer d’autant qu’il y a une loi qui l’y oblige.
Si elle en est matériellement incapable actuellement, il est temps qu’elle améliore ses procédures et recrute les profils idoines quitte à s’inspirer d’exemples étrangers. A l’heure du numérique, il n’est plus permis de ne pas dominer le problème des données.
Le tableau de bord nécessaire au décideur que le Gouvernement Jomaa en a parlé, semble ne pas avoir été réalisé.
Aux organisations nationales de maitriser également leurs données et de faire en sorte que les informations soient fluides entre elles et l’Administration.
Le temps du chacun pour soi est révolu surtout lorsque l’intérêt national est en jeu.
A défaut de cette maitrise des données, de cette fluidité et de cette transparence, l’orgueil personnel aidant, un problème technique national à résoudre, se transforme rapidement en suspicion et en querelles de personnes entre « experts » des différentes parties .Le pays doit pouvoir en faire l’économie au plus vite.
Nous venons d’apprendre que le Gouvernement s’apprête à créer un « pôle économique » composé d’experts. C’est là une excellente idée qui ne devrait pas cependant se substituer à la création du Conseil économique et social qui tarde à être réalisé.
Mais son efficacité dépendra de sa composition.
Il va falloir, je crois, ratisser large pour y inclure le plus grand nombre de ceux qui ont une compétence réelle avérée et même de personnalités qui ne partagent pas les idées libérales de ce Gouvernement. Il faudrait aussi que ses travaux soient publiés.
Le coup de semonce de l’UGTT a le mérite de remettre les pendules à l’heure.
Imaginez un seul instant que cette organisation n’ait pas réagi fermement. La contrainte de temps aidant, le Gouvernement, disposant d’une majorité confortable à l’ARP, aurait pu faire passer le projet de loi de Finances concocté par ses services lequel aurait pu répondre à ses préoccupations immédiates et occulter les intérêts d’autres parties.
Sur le plan fiscal, ce qui m’inquiète surtout, c’est que le projet a pris le parti d’obérer les charges de l’entreprise appelée pourtant à se substituer à un Etat défaillant dans la création des emplois tout en affectant également les revenus des classes moyennes moteur de la consommation.
Je ne suis pas fiscaliste, mais je dirai que si au lieu d’augmenter la pression fiscale le Gouvernement prenait le parti de la diminuermais d’en élargir l’assiette et de mettre tous ses moyens pour réaliser un contrôleefficace et soutenu et qui tienne compte des signes extérieurs de richesse, ce serait, de loin, beaucoup plus préférable. C’est là aussi un calcul à faire à partir des données en possession de l’Administration pour être sûr du volume des recettes fiscales.
Il demeure entendu que cet effort serait insuffisant si le commerce parallèle et la corruption ne seront pas combattus.
Mokhtar el khlifi