Pour la nomination d’un haut-commissaire chargé de la lutte antiterroriste
Crisis Group appelle la Tunisie, confrontée à une menace jihadiste émanant de l’intérieur du pays et de la Libye voisine, à «publier et mettre en œuvre une stratégie antiterroriste fondée sur une approche multidimensionnelle, faisant de la prévention une priorité, et prévoyant un dispositif de consultation». Dans un rapport intitulé: «Violence jihadiste en Tunisie: l’urgence d’une stratégie nationale», l’ONG spécialisée dans la prévention des conflits à travers le monde recommande, «pour donner un nouvel élan à l’achèvement et à la diffusion du cadre stratégique, que le président de la République et le chef du gouvernement définissent de manière consensuelle leurs rôles respectifs dans le domaine sécuritaire.»
«Dans un second temps, poursuit le rapport, le chef du gouvernement devrait renforcer ses mécanismes de coordination interministérielle, tout particulièrement la Commission nationaledeluttecontreleterrorismeetla cellule de suivi de la gestion sécuritaire et créer un poste de haut-commissaire chargé de la lutte antiterroriste, doté du statut de ministre
auprès de la présidence du gouvernement. Ce dernier devrait améliorer la coordination entre les deux têtes de l’exécutif, les ministères, les services et directions ministérielles (sécuritaires et non sécuritaires), et les diverses commissions administratives ad hoc chargées de la lutte antiterroriste. Il devrait pouvoir épauler le travail plus analytique du président de la Commission nationale de lutte contre le terrorisme (à savoir la mise au point de la stratégie) tout en dynamisant la gouvernance publique».
L’auteur du rapport, Michael Ayari, estime que «frapper de nouveau la Tunisie permettrait à l’EI en Libye de menacer l’Algérie sur ses frontières de l’Est, tout en servant sa propagande, vu le retentissement médiatique international de chaque attentat sur le sol tunisien». «Les groupes jihadistes, ajoute-t-il, pourraient compter sur des relais non négligeables en Tunisie (jihadistes isolés, groupuscules autonomes ouliésàdesorganisationspluslarges). Plusieurs cellules dormantes, dont certaines sont en contact avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et l’EI seraient disséminées sur le territoire, en milieu urbain et périurbain. En outre, près de 150 jihadistes armés de l’organisation Okba Ibn Nafa (proche d’Aqmi), très affaiblie par l’armée et la garde nationale, et de Jounoud al-Khilafa (proche de l’EI) évoluent encore dans les zones montagneuses et forestières proches de la frontière tuniso-algérienne. Jounoud al-Khilafa bénéficie de complicités locales».
«Etant donné le renforcement de leurs capacités stratégiques en Libye, prévient le rapport, les groupes jihadistes risquent d’acquérir un “temps d’avance“ sur les forces de sécurité (police, garde nationale et armée). En dépit de leur récent succès à Ben Guerdane, ces dernières pourraient être débordées. Les militants de l’EI, notamment, seraient alors en mesure de perpétrer des attaques simultanées dans plusieurs régions du pays. Il s’agirait pour eux de montrer qu’ils sont en mesure de déstabiliser l’Etat, toutenpoussantlesforcesdesécuritéà sur-réagir, pour mettre en évidence la faiblesse et le caractère foncièrement injuste de l’“Etat impie”».