Ronaldo, héros grec
La finale de l’événement Euro 2016 a livré son verdict : l’humanité a un nouvel héros moderne qui se prénomme Ronaldo. Cet homme est déjà marqué non pas par des tatouages, comme tous ses collègues, mais par un code CR7. Personnage adulé et haï par une planète, beau et riche c’est un être hors du commun : par sa position sociale, son pouvoir, ses qualités, mais aussi par son malheur.
Pour une vieille nation de conquistadors, notre héros s’est donné cette mission de remporter un titre. Quant à la recherche de l’absolu Cristiano veut aller au bout de ses passions et de son destin. La fable se dessine dans son modèle actantiel : Ronaldo et son axe de désir. Néanmoins au cours du combat pour la quête, il est blessé physiquement : il ne pouvait rien contre la puissance de son obstacle. La légende de la malédiction s’organise autour des échecs du passé, en particulier la défaite contre les grecs. Anéanti, CR7 est en train de perdre.
Un auxiliaire magique volant dans les airs, nommé papillon, lui caresse le visage : c’est un signe de changement, une possible symbolique de l’immortalité s’initie. La veille, tous les papillons de Paris et de Navarre se sont donné rendez-vous sur la pelouse du stade restée éclairée toute la nuit. Ignorant la sémantique et surtout le vol de la lumière du jour Ronaldo pleure. Il quitte le terrain pour panser sa blessure, rapidement il trouve la force pour revenir surmonter la douleur et les coups du sort. CR7 essaye de retrouver ses sensations, en vain, même ses ennemis ont de la peine pour lui. Fin du premier acte, il abandonne et sort dans un cercueil : ses adversaires qui faisaient une fixation sur ses jambes perdent leur motivation et leur hargne. Peu ou prou la suite est le déroulement, pendant une heure, d’un semblant de spectacle.
Ronaldo, avec un appétit de conquête du à sa lignée, a une exigence morale de perfection. Nonobstant un genou forgé il retourne dans l’arène pour les prolongations. Et le combat se métamorphose et s’orientera contre la fatalité : l’inévitable devient tragique. L’Histoire est-elle déterminée à l’avance ? CR7, par démesure et orgueil, se bat contre les forces supérieures qui l’accablent. Cristiano, en voulant égaler les dieux, leur manque de respect. En lui infligeant un châtiment en réparation d’une possible faute, les Dieux l’avaient jugé : on est par défaut dans une crise. Ronaldo déchiré et blessé se bat encore sur le bord de touche, sur le bord de son dilemme : manque-t-il réellement à ses camarades sur la pelouse ? Les caméras n’ont plus d’importance que pour lui, le match devenait secondaire. Il crie, gesticule, provoque, ignore l’adversaire et son territoire : il est dans la bataille C’est le jour fatal, l’ici et le maintenant de tous les risques : c’est l’explosion de l’inévitable conflit et des tensions accumulées. Moment redouté ou les évènements s’accélèrent, soudain l’immédiat parait dangereux et inquiétant. Les Dieux donneront ils un bien pour un mal ?
Enfin le dénouement arrive et la fin est heureuse : épreuve réussie. Les obstacles ont disparus, la grâce est accordée. C’est le nécessaire jour de gloire : Portugal s’inscrivait sur la coupe, CR7 retrouvait l’anneau du capitanat, on lui donne un nouveau maillot. Ronaldo passait du statut d’humain à celui de demi-dieu pour gagner une place sur l’Olympe. Des millions de femmes et d’hommes ont vu une alchimie, la cristallisation d’un mythe moderne. Que veut le peuple : son opium ? CR7 souleva le Saint Graal dans un orgasme planétaire.
Epilogue du happening : d’évènement en évènement Madame et Monsieur Lambda se suffiront à une vie par contumace en se gargarisant des mythes que le système fabrique à leur intention, pour égayer leur quotidienne consommation.
Lassaad Ben Abdallah
Metteur en scène