L’histoire se répète: le Pacte National
J’ai lu récemment le livre autobiographique de feu Mohamed Charfi intitulé «Mon combat pour les lumières».
Il renferme bien des appréciations sur les faits et les hommes politiques qui nous côtoient et nous apprend à mieux les connaitre. C’est un véritable plaisir de le lire.
Je me limiterai à évoquer ce qu’il écrit sur le Pacte National, un sujet d’actualité.
Dans la page 198 et suivante il évoque le Pacte National .Ecoutez-le.
«…C’était l’idée de Moncer Rouissi. Il l’a proposée en 1988 au président Ben ALI qui l’a chaleureusement approuvée. Il s’agissait de fêter le premier anniversaire du 7 novembre 1987 par la proclamation d’une déclaration qui résumerait la philosophie de la politique de l’avenir, une plateforme sur laquelle toutes les forces vives de la nation s’entendraient et qui définirait les règles du jeu entre toutes les parties. Par l’intermédiaire de Hédi Baccouche, Premier Ministre, (et véritable auteur de la fameuse déclaration du 7 novembre 1987 à laquelle plus d’un y a cru) le Président me propose d’être le rapporteur de la commission qui aurait à élaborer ce pacte…
J’avoue que l’idée de pacte m’a enchanté. Il faut dire qu’à l’époque j’ai pêché par excès d’optimisme. Comme tous les tunisiens, je souffrais de l’impasse où se trouvait mon pays depuis les dernières années de Bourguiba…
J’ai aimé l’idée de pacte national, parce que je pensais et je pense toujours ( janvier 2008) que la démocratie ne peut pas naitre dans la violence et le chaos. Il est donc préférable de définir les règles du jeu et obtenir de toutes les parties qu’elles s’engagent à les respecter. Cela conduit les opposants et les dirigeants syndicaux, qui n’ont jamais participé au pouvoir, à être réalistes, à modérer leurs revendications et à n’adopter que les moyens d’action légaux et pacifiques. Et cela conduit les gouvernants, une fois rassurés, à consentir à libéraliser le système sans craindre ni la destruction de l’Etat ni les règlements de compte, à n’avoir peur ni pour le pays ni pour eux-mêmes. Malheureusement ces espérances seront déçues. Deux parties n’ont pas respecté leurs engagements. Le gouvernement n’a pas libéralisé le système. Et les islamistes ont voulu imposé leur politique hostile à la réforme du système éducatif (dont a été chargé feu Mohamed Charfi à la tête du Ministère de l’Education Nationale).Ils le feront, comme nous le verrons, avec violence, ce qui fournira le prétexte au gouvernement pour imposer un régime plus autoritaire que celui qui existait avant le 7 novembre ( date de la destitution de Bourguiba).Il n’empêche que le Pacte National, porteur d’un beau projet qui a malheureusement échoué, reste un document important auquel on se référera peut-être un jour…
Le Pacte National a été élaboré par une sous-commission composée d’Abdelwahab Bouhdiba, Touhami Nagra, Moncer Rouissi et Mohamed Charfi…Nous avons consulté tous les tunisiens qui représentaient un courant d’opinion ou les intérêts d’un groupement : tous les partis, y compris ceux qui n’étaient pas reconnus, tous les syndicats de salariés, de patrons ou d’étudiants, les ordres professionnels, certaines associations. Tout le monde a accepté volontiers de coopérer avec nous à l’exception du POCT (parti ouvrier communiste tunisien) présidé par Hamma Hammami qui n’a pas manifestement cru à la sincérité de la démarche. Plus tard, l’évolution de la situation politique lui donnera raison…le texte est connu. Je ne serai donc pas long pour le commenter ici. Je dirai simplement que la Tunisie se serait portée beaucoup mieux si tout le monde avait respecté ce pacte…
La commission qui est censée avoir élaborer le Pacte national était composée de tous les partis politiques reconnus, auquel on a ajouté Ennahdha, simplement toléré, et les principales organisations nationales. En trois séances plénières réunies au grand complet sous la Présidence du Premier Ministre, la commission a a pris connaissance du projet et y a apporté quelques retouches…le Pacte a été adopté à l’unanimité des présents et a été signé par toutes les parties au cours d’une séance solennelle organisée au palais de Carthage…tous les signataires ont été appelés à apposer leurs signatures avec indication de leurs noms et de leurs qualités… j’étais heureux ;Je pensais que avec ce texte et les engagements pris par tous, la Tunisie de l’après Bourguiba était partie du bon pied. Quelque temps après, je recevais la proposition du ministère de l’Education.»
Il serait utile que Leaders publie le texte du Pacte National car ce serait vraiment utile.
Aujourd’hui 13 juillet 2016, dans un nouveau contexte et de nouveaux acteurs de la politique un nouveau Pacte à connotation surtout économique et sociale vient d’être signé à Carthage.
Osons espérer qu’il fera long feu et ne connaitra pas le sort du précédent.
Un autre vœu que je formule. Que le nouveau maitre de la Kasbah n’accepte d’appliquer ce Pacte que s’il est assez précis, car c’est dans les détails que réside les éventuelles difficultés d’application et qu’il conditionnera sa prise de fonction à la condition de former librement son équipe à l’abri de toute pression et qu’il sera le seul à rendre des comptes de la gestion de ses ministres à l’ARP.
Mokhtar el khlifi
13 juillet 2016