Vive Mohamed Ali
"Je vole comme le papillon et pique comme l’abeille" (par lui-même)
Par Mourad Guellaty - La Tunisie a depuis toujours été un grand pays du "noble art", avec de grands champions dans toutes les générations, à l’instar des Rezgui Guizani, Omrane Sadok, Tahar Belhassen, Ahmed Ameur Lamine, et de ceux qui ont détenu la couronne mondiale : Young Perez, Kamel Bouali et Taoufik Balbouli, et bien d’autres qui ont enchanté les rings et les salles, au temps où le noble art triomphait dans toutes les capitales mondiales et émerveillait les "happy few" acteurs et actrices, grands hommes politiques et journalistes, et le cortège des belles femmes de culture, auteurs, cinéastes, critiques, emmitouflées dans leurs visons l’hiver, et allégées dans leurs décolletés l’été.
La boxe avait ceci de particulier, qu’elle faisait exploser, l’émotion, les frissons, les déchainements et le spectacle était sur le ring et dans la salle. Oui dans la salle, avec tel ministre qui sursaute, telle académicienne qui hurle, tel professeur d’université qui ne tient pas en place.
Ce spectacle était identique, de Paris à Rome et de Londres à Madrid, de New York à Buenos Ares et de Toronto à Tunis.
Pourquoi en intensité, un match de boxe n’est à nul autre pareil et pourquoi les gens se réveillaient en pleine nuit jusqu’aux aurores pour écouter la radio, puis commenter ? La réponse est dans la mise à mort du vaincu, son knockdown - le KO-, est un moment rare, car toujours inattendu, imprévisible, instantané.
La Tunisie se réveillait pour les combats de Mohamed Ali, et les tunisiens ont été des acteurs agissants du combat du siècle. Ainsi, le Colonel Hassine Hammouda, un visionnaire avait rejoint à sa retraire les frères Dassler chez Adidas, et l’histoire retiendra que c’est bien lui toujours fringant, et encouragé par son condisciple devenu ministre mais toujours concerné par "le noble art" feu Slaheddine Bali, et par le duo Taieb Louhichi, membre influent au sein de l’Association Internationale de Boxe et Béchir Guellaty alors président du Groupement tunisien de boxe professionnelle, qui a eu cette idée de génie d’entamer la conquête commerciale de l’Afrique par l’organisation à Brazzaville de ce match hors norme. Beaucoup en Tunisie, ignorent cette implication tunisienne dans le "combat du siècle", tout comme ils ne distinguent pas clairement sur les photos et vidéos vieillies du combat, l’arbitre international tunisien Noureddine Adala, une référence mondiale en la matière, et qui s’est sorti de ce duel de titans sans égratignure, maitrisant parfaitement l’évènement.
Mohamed Ali a gagné, parce qu’il était non seulement le plus fort, mais surtout le plus fin, intelligent et malin. Emporté par un public acquis à sa personne et déjà à sa cause, il s’est servi intelligemment des cordes du ring pour se protéger et prendre ensuite l’élan nécessaire pour la riposte, épuisant son adversaire, à l’époque un "épouvantail" invaincu.
Mohamed Ali était un homme avec ses grandeurs et ses faiblesses, comme celle platonique qu’il a eue pour la belle championne olympique du cent mètres à Rome : la gazelle Wilma Rudolph.
A Bernard Pivot qui l’interrogeait sur le sujet, dans sa fameuse émission Apostrophes, l’impétueux Champion saisi de pudeur, a marmonné et "oublié" de répondre.
Il était un homme de tous les temps et surtout de son temps.
Ainsi en 2016 il déclarait lui qui a tant fait pour l’Islam : "les vrais musulmans savent que la violence impitoyable de soi-disant djihadistes islamistes va à l'encontre des principes même de notre religion".
Oui hier en 2016, après la tuerie de San Bernardino et en réponse à Donald Trump, candidat républicain à la présidentielle US !
Mohamed Ali était et restera une icône immortelle, et son nom, son image, ses pas de danse, ses frasques, son message et son apport aux noirs, aux musulmans aux déshérités d’Amérique et du monde entier, toutes religions et races confondues, seront longtemps encore dans la mémoire de toutes les générations.
Mourad Guellaty