News - 22.03.2016
Lobna Jeribi : Le code d’investissement aurait dû grouper toutes les dispositions de l’investissement
L’ancienne membre de l’Assemblée nationale constituante, Lobna Jeribi a déploré que le projet du nouveau code d’investissement ne couvre pas la globalité du processus. Présidant un workshop dédié à ce qui est espéré être une Constitution économique de la Tunisie, la présidente de l’ONG Solidar Tunisie a signalé que le projet de loi y afférent a omis de donner un rôle aux collectivités locales dans le développement des régions. Elle estime qu’il s’agit d’une entorse aux termes de la Constitution et va à l’inverse de l’esprit d’une vraie décentralisation qui donne à ces régions leur pleine autonomie par rapport au pouvoir central.
Dans le cadre de son programme de monitoring législatif, Solidar Tunisie entend apporter des améliorations, des études, du benchmarking, et des expertises complémentaires, aux projets de lois proposées aux élus de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Solidar Tunisie s’est donné l’ambition de professionnaliser ce processus, de capitaliser son savoir-faire et de favoriser une participation élargie d’experts et acteurs de la société civile.
C’est dans cette perspective que Solidar Tunisie avait examiné le Code de l'investissement ; un texte très important, qui constitue la pierre angulaire de l’édifice économique, et que certains l’assimilent, même à la « Constitution Economique » du pays.
En effet, et depuis un moment déjà, les différents acteurs économiques, et notamment les hommes d’affaires, ont attendu avec impatience cette loi et les directions qu’elle va éclairer. Les investisseurs, tunisiens et étrangers, s'attendent à une meilleure gouvernance, à une plus grande transparence et à meilleur climat des affaires. De même, les chercheurs d'emploi y voient la solution miracle à la problématique du chômage, et les régions défavorisées espèrent d’y retrouver les incitations attractives qui sauraient y lancer l’investissement et booster le développement dans ces zones recalées.
Ainsi, à l’annonce de la soumission de ce code à l’examen au sein de l’ARP, en vue de son vote, un nombre de questions se posait avec persistance :
- Le projet de ce code répond-il aux attentes et demandes ?
- Permet-il d'aborder l'avenir avec plus d'espoir et de certitude ?
- Rend-il la Tunisie plus attractive ?
Au-delà des point positifs que ce Code put apporter, à l'instar des droits et obligations des investisseurs ou de l'arbitrage, force est de constater que le projet présenté à l'ARP comporte des défaillances et insuffisances qu'il faudrait rectifier avant son adoption par l'Assemblée. On en cite notamment :
- L'inconstitutionnalité du choix de déléguer au pouvoir réglementaire général le soin de définir les conditions d'octroi des primes de financement de l'investissement, leurs pourcentages et plafonds d'autant que l'article 65 de la Constitution stipule que tous les engagements financiers de l'Etat sont du domaine de la loi et ne peuvent être délégués à l'exécutif.
- Le choix de différer les dispositions afférentes aux incitations fiscales et de les séparer en les intégrant dans un autre texte législatif autonome alors que le code de l'investissement est censé être un texte généraliste et contenir toutes les réponses aux questions des investisseurs notamment quand il s'agit de la question des incitations qui les intéressent au plus haut niveau.
Un code devrait grouper ou au moins centraliser toutes les dispositions de l'investissement dans sa globalité. A défaut, tous les textes sus-indiqués devraient être transmis, en même temps, à l'Assemblée et à la société civile afin de permettre aux élus et aux concernés d’avoir une vue globale de la vision structurelle de l’exécutif et de pouvoir juger leur impact sur l'investissement.
-Les efforts consentis pour simplifier la gouvernance de l'investissement par la mise en place de l'instance Tunisienne de l'investissement (ITI), censée être l'interlocuteur unique de l'investisseur, gagnerait en étant plus soutenue comme suit :
- Faire de l'instance une autorité administrative indépendante (AAI) au lieu de la créer sous forme d'établissement public à caractère non administratif (EPNA), afin de la doter d'une plus grande autonomie indispensable pour une bonne gestion de l'investissement et l'épargner des tiraillements politiques, source d'instabilité pour l'investissement.
- Donner de manière claire et expresse le "lead" à l'instance dans ses rapports avec les structures liées à l'investissement et ne pas la cantonner à un simple rôle de coordinateur sans pouvoir de décision. Le projet fait de l'instance un maillon supplémentaire aux structures existantes, ce qui constitue une source de complication et non de simplification administrative.
- A défaut d'opter pour une absorption-fusion de toutes les structures de l'investissement au sein de l'ITI, le Code devrait stipuler explicitement que les actes émanant de l'instance sont obligatoires pour les dites structures autrement sa création ne serait d'aucun intérêt pour l'investissement d'autant plus que les structures de l'investissement sont placées sous différentes tutelles (ministère de l'industrie, du tourisme, de l'agriculture, du développement et de l'investissement et de la coopération internationale).
- Le projet du code a omis de donner un rôle aux collectivités locales dans le développement des régions, ce qui contredit les termes de la Constitution et va à l'inverse de l'esprit d'une vraie décentralisation qui donne à ces régions leur pleine autonomie par rapport au pouvoir central.
Dans ce cadre, Solidar Tunisie a organisé un workshop Samedi 19 Mars, et qui avait pour objectif de présenter les travaux et l'étude et les analyses effectués au sein de Solidar, par des experts externes et internes, de différents profils et horizons : universitaires, chefs d'entreprises, financiers, experts comptables, juristes.
Le produit de cette réflexion a été présenté pour débat et enrichissement, et il s'est inscrit dans l'action participative recherchée par Solidar Tunisie.
Ce workshop a également permis d’élargir la concertation avec les différentes organisations qui ont déjà travaillé sur le code, et lancer un dialogue avec l'ensemble des parties prenantes et opérateurs concernés par le secteur de l'investissement qu'elles soient publiques ou privées.
Ouvrant les débats, Lobna Jeribi a affirmé que ce code aurait dû grouper toutes les dispositions de l’investissement dans sa globalité. A défaut, tous les textes en rapport avec l’investissement devraient être transmis, en même temps, à l’Assemblée et à la société civile afin de permettre aux élus et aux concernés d’avoir une vue globale de la vision structurelle de l’exécutif et de pouvoir juger leur impact sur l’investissement.
Elle a également soulevé que le projet du code a omis de donner un rôle aux collectivités locales dans le développement des régions, ce qui contredit les termes de la Constitution et va à l’inverse de l’esprit d’une vraie décentralisation qui donne à ces régions leur pleine autonomie par rapport au pouvoir central.
Mme Salma Zouari, Professeur universitaire et ex Présidente de l’Université de Sfax, a présidé la première séance et a présenté une première lecture du projet du code d’investissement. Elle y a notamment soulevé l’absence de mécanismes encourageant la discrimination positive, la prise en compte des besoins spécifiques des jeunes, la nécessaire bonne gouvernance et décentralisation (implicitement intégrées dans le développement durable).
Une analyse juridique a ensuite été présentée par Mr Adel Bsili, expert en Droit et ex Secrétaire Général à l’ARP, où il a énuméré les inconstitutionnalités directes et indirectes dans les articles du projet du code examiné.
Karim Jamoussi, Magistrat et ancien Secrétaire d'Etat aux Domaines de l’Etat et affaires foncières, a présidé la 2éme séance portant sur les incitations dans le nouveau code.
Au cours de cette session, Nabil Abdellatif, président d’honneur de l’ordre des experts comptables et Salah Ben Youssef, consultant en finance ont présenté leur analyse de la philosophie des incitations fiscales et financières proposées. Karim Jamoussi a donné une lecture sur la gouvernance des institutions concernées par l'investissement, en mettant en relief la double tutelle qui régit l’Instance Tunisienne de l’Investissement (ITI), à savoir le Conseil Supérieur de l’Investissement, et le ministère en charge de l’investissement. Ce qui en fait une instance tiraillée entre les différentes structures de l’investissement sans commandement.
M. Jamoussi a affirmé dans ce contexte que la gouvernance de l’investissement n’est pas encore claire ; le code de l’investissement n’est pas le texte généraliste de l’investissement, il est adossé par une loi sur les incitations fiscales (en cours de préparation) des décrets réglementaires (non finalisés) et des conventions cadres fixant les rapports entre l’ITI et les structures de l’investissement et entre le FTI et les institutions financières qui seront proposées après la création du CSI(approuvées par le CSI pour l’ITI ,art14) ou par décret gouvernemental (Cas du FTI).
Autre recommandation, Karim Jamoussi a affirmé que le budget du Fonds Tunisien de l’Investissement (FTI), le fonds des fonds, devrait être rattaché au ministère des finances pour la nature de ses attributions financières (gestion de ressources financières,), son domaine d’intervention (souscription dans des fonds, ainsi que les conventions cadres qui seront signées avec des institutions financières rattachées au Ministère des Finances.
A la suite des présentations, ont participé aux débats des députés de l’ARP, des représentants de L’UTICA, CONECT, Institut Arabe des Chefs d’Entreprises IACE, l’Ordre des Experts Comptables, la Banque de Financement des Petites et Moyennes Entreprises BFPME, des représentants des SICAR, des juges, des avocats, des chercheurs et des représentants de la société civile, qui ont présenté les positions et propositions de leurs organisations.
De riches interventions et suggestions ont été apportées au cours du débat. Une synthèse des travaux préparés par Solidar, et des propositions présentées lors de cet atelier, sera élaborée et remise aux institutions législatives et exécutives.
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