Amna Guellali - Profession: bâtir un Etat de droit! (Vidéo)
son ambition est devenue sa profession! Contribuer à bâtir un Etat de droit en Tunisie et lutter contre les abus. A la tête du bureau de Tunisie de Human Rights Watch, une des principales ONG internationales des droits de l’homme dans le monde, Amna Guellali, 43 ans, se bat, depuis la révolution, de toute son énergie débordante. Sa puissance de feu réside dans son argumentaire, en plaidoyer structuré et incessant auprès des dirigeants et des élus. «Maintenant, confie-t-elle à Leaders, c’est aussi au grand public qu’il faut s’adresser avec un discours plus proche des citoyens, plus mobilisateur et plus impliquant»!.
Il faut dire que sa formation juridique, consacrée par un doctorat en droit soutenu sous la direction de Pierre-Marie Dupuy et Slim Laghmani, lui est fort utile. Tout comme sa longue expérience auprès de la Croix-Rouge internationale, l’Institut Asser à La Haye et la Cour pénale internationale, ainsi que ses travaux sur l’Ossétie du Sud, entre la Géorgie, la Russie et l’Ossétie, la Côte d’Ivoire et la Palestine. Avec la révolution, pouvait-elle rester à l’étranger et ne pas rentrer s’y joindre immédiatement?
Sa grande fierté, dit-elle, aura été de participer à la transition démocratique en menant avec les autres acteurs tous les combats pour améliorer encore plus chaque avancée accomplie. Sa mission est de porter à la lumière des questions occultées, marginalisées, de donner la parole à ceux qui ne peuvent faire parvenir leur voix aux décideurs.
Sa frustration est cependant de ne pas avoir travaillé assez sur les questions économiques et sociales. «Nous nous sommes beaucoup plus braqués sur la construction politique, les libertés, les droits que les nécessités économiques et sociales», reconnaît Amna Guellali.
Sa plus grande crainte est de ne pas retrouver les ressorts nécessaires pour rebondir. «J’ai toujours l’impression, confie- t-elle, que nous nous trouvons au bord du précipice, mais heureusement, nous parvenons à nous en tirer, en toute dernière minute. Aurions-nous, la prochaine fois, autant de force et d’énergie pour endiguer tant de flots d’amertume, de ressentiment, de désenchantement, pour nous en sortir ?».
Des situations cocasses, Amna Guellali en a vécu. «La plus aventureuse, garde-t-elle en mémoire, celle qui s’est passée en août 2013, à Feriana. Nous nous rendions à Kasserine pour enquêter sur les arrestations opérées suite à des attaques terroristes. Chemin faisant, nous avons été arrêtés par un groupe d’hommes qu’on avait pris pour de simples habitants des lieux, alors qu’en fait, ils se sont avérés plus tard des contrebandiers. A notre grand étonnement, ils se sont rués sur nous, essayant de sortir de la voiture par la force une journaliste américaine qui avait une caméra vidéo. Puis, ils ont eu l’audace d’alerter la Garde nationale en nous signalant comme des éléments dangereux. Là, notre surprise sera encore plus grande : au lieu de nous libérer et d’arrêter les contrebandiers, c’est nous qui avons été embarqués par les agents de la Garde nationale au poste et gardés pendant près de six heures».
Son combat est incessant. Deux causes retiennent particulièrement son attention ces temps-ci: l’aboutissement de la loi garantissant la présence de l’avocat dès les premiers interrogatoires et l’amendement de la loi 52 relative à la consommation de drogue. Sans oublier la protection des minorités. Du pain sur la planche.
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