News - 08.03.2016
Pourquoi le ministre Maher Ben Dhia a claqué la porte du parti de Slim Riahi
C’est une double-première dans les annales des gouvernements tunisiens successifs depuis la révolution. D’abord, qu’un chef de parti, Slim Riahi (UPL), qualifie un ministre issu de son mouvement (Maher Ben Dhia, ministre de la Jeunesse du Sport) de poltron "جبان". Une manière de l’abaisser et de le pousser à la démission du gouvernement. En plus de sa dimension politique, l’affaire prend plus d’ampleur lorsqu’il s’agit en plus du président du tout puissant Club africain, mettant en cause le ministre de tutelle.
La seconde singularité, c’est que le ministre attaqué renverse les vapeurs en démissionnant du parti qui l’avait porté au gouvernement. Touché dans sa dignité, Maher Ben Dhia ne pouvait supporter pareil camouflet indument reçu. Et de notifier par lettre à Slim Riahi qu’il quitte l’UPL et d’en informer ce mardi matin Habib Essid.
Gardera-t-il son ministère ?
N’appartenant plus à l’UPL, l’un des quatre partis formant la coalition au pouvoir, Maher Ben Dhia restera-t-il en poste en tant que ministre ? « Maintenant, confie-t-il à Leaders, c’est au chef du gouvernement de décider de mon maintien ou de mon départ.
Magistrat de carrière, il avait préféré rejoindre par la suite le barreau. Cet originaire de Moknine, âgé de 48 ans, a été élevé dans le patriotisme. « Servir le pays et appliquer la loi resteront toujours mon unique devise dans l’accomplissement de toute mission qui m’est confiée ». Cette phrase mise en conclusion de sa lettre de démission n’est pas difficile à décrypter. La tension entre Maher Ben Dhia et Slim Riahi ne date pas d’aujourd’hui. Elle remonte à plusieurs mois, au moins. Le président du Club africain croyait pouvoir tout se permettre en matière de football particulièrement et de sport, plus généralement, en obtenant la nomination de l’un des dirigeants de son parti à la tête de ce Département. Pas plus tard que fin octobre dernier, il avait essayé d’interférer dans la gestion du ministre en lui adjoignant de dissoudre le bureau fédéral de la FTF. N’obtenant pas gain de cause, il le lui en voudra. Des fuites dans la presse et dans les réseaux sociaux commencent à insinuer, à la faveur du remaniement que devait effectuer Habib Essid que l’UPL ne souhaite pas reconduire Maher Ben Dhia. La rumeur enfle, mais le ministre ne s’en offusque pas et le chef du gouvernement n’y accorde aucune importance.
Deux questions, en jurisprudence
Habib Essid ne juge que la compétence et n’évalue l’action de ses ministres que sur la base de critères établis. Il sait que dans ce département d’enfer, Maher Ben Dhia s’est déployé de toutes ses énergies. Le bilan n’est pas particulièrement éclatant, mais guère négatif. "On lui devra bientôt nombre de projets de loi importants, indiquent ses proches : réorganisation des structures sportives, création d’une mutuelle pour les sportifs et les vétérans,centres de préparation des élites sportives, la carte Jeune etc." Poltrons? "Il avait bien procédé à des limogeages signifiactifs et la dissolution de certains bureaux fédéraux", rappellent ceux qui lui témoignent de leur solidarité.
Le cas Maher Ben Dhia fera désormais jurisprudence, en réponse à deux questions. La première, pour garder son maroquin, un ministre est-il obligé d’avaler des couleuvres et d’accepter l’ire dégradant de son chef de parti qui s’immisce dans sa gestion ? Et la seconde, un ministre qui quitte son parti, ou s’expatrie dans un autre, peut-il continuer à siéger au gouvernement ? La réponse à la première est connue. Reste la décision d’Habib Essid. Ceux qui le connaissent de près affirment que le chef du gouvernement ne s’y intéresse guère. Encore plus, en ce moment.
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