News - 01.03.2016

Carte postale du Caire

Carte postale du Caire

Le Caire est et restera une des cités que j’aime le plus et où je me sens le plus chez moi. Cela fait plus de trois mois que je n’y étaisvenu et je n’aurai pas pu croire que le Caire se soit autant embelli! Hier soir, je suis allée assister au concert du musicien et chanteur Sayed El-Refaey au Theatre Al-Gomhouria, au centre-ville. Et avec une amie tunisienne (AM), nous avons admiré les bâtisses autour de MidanAttahrirqui étaient d’habitude couvertes d’une poussière d’une couleur indéfinissable, soudain restaurées et embellies, au point qu’on se serait cru à Paris.

Je me suis alors souvenue de la superbe scène du film ImaraatYacoubienne du célèbre Alla Al-Aswani, où Adel Imam et mon amie Hind Sabri, se promenaient dans ce même centre-ville et où Adel Imam se rappelait de la Kahera des années 50 qui était plus belle que Paris!

Il est indéniable que les Egyptiens sont en train de faire un effort monstre pour nettoyer et parer leur ville des plus belles lumières. Le lendemain, ma promenade dans le quartier de Zamalak où Om Kalthoum, Abdelwaheb et Abdelhalim habitaient et aimaient faire leurs promenades, m’a conduite dans la librairie que j’aime tant. Librairie où je peux déguster mon café, en écoutant Fairuz et lisant le livre que je choisi sans être obligée de l’acheter. Le livre qui a attiré mon attention, cette fois-ci, est: «La République» de Platon. Je ne sais pas pourquoi ce choix mais dans la cacophonie ambiante que nous vivons en Tunisie, j’ai senti le besoin de revenir deux mille ans en arrière et revisiter les classiques. Une définition m’a justement interpelée dans ce livre: «La justice est de restaurer à chacun ce qui lui est dû(1) » ! Et je me suis mise à imaginer un parti politique qui n’aurait pour vision et mission que de restaurer à chaque Tunisien ce qui lui était dû! Ce parti composé de «Justiciers incorruptibles» devra mettre en place une stratégie de réconciliation nationale basée sur l’intégrité, l’authenticité et le don de soi! Réconcilier le Tunisien (ne) avec lui/elle-même, son histoire plurielle d’une richesse à vous couper le souffle et son devoir envers les générations futures.

Le soir, j’ai voulu suivre les évènements politiques saillants qui tournaient tous autour du mouvement des médecins. Leur leader, une femme, a pu en rassembler 10.000 lors de leur dernière assemblée générale. Au fond de moi-même, j’ai toujours su que seules les femmes qu’elles soient Égyptiennes, Tunisiennes, Syriennes et autres, sauveront leur pays du marasme où il se débat. Tout ce dont elles ont besoin, c’est de la solidarité inconditionnelle des justiciers incorruptibles dont je rêve.

Une phrase de l’émission m’a amusée: «Nous sommes encore au jardin d’enfants de la démocratie!». Je me suis alors demandée: « Que faut-il donc à une civilisation riche de plus de 7000 ans d’histoire, de passer à l’école primaire ou même secondaire en démocratie?

Au-delà de l’anecdote, je pense que c’est ce sens de l’humour qui a assuré aux Égyptiens cette résilience incroyable face aux adversités de toutes sortes. Je suis heureuse que s’il y a une chose que les Tunisiens ont gagné, ces dernières années, c’est bien un sens de l’humour accru de ses humoristes et de plusieurs facebookistes.

Tout en continuant mon séjour, je demeure persuadée que la Tunisie et l’Egypte ont beaucoup à apprendre l’une de l’autre ayant connu beaucoup d’évènements très similaires. Je pense aussi que ces deux pays limitrophes de la Libye ont un devoir de solidaritéinconditionnelenvers le peuple Libyen. Il fut un temps où les nomades de l’Afrique du Nord ne reconnaissaient aucune frontière et se promenaient partout au gré du climat et de leur besoin en nourriture. Les économies de notre région sont tellement complémentaires qu’il serait illusoire de vouloir s’en sortir tout seul. Seule notre solidarité à tous nous sauvera.

Quand allons-nous enfin créer un espace de liberté pour nos peuples et annuler ces visas qui représentent une honte pour notre histoire commune?

P.S: J’ai quand même acheté le livre de Platon, avec une dizaine d’autres livres, car plus que jamais j’ai besoin de réponses à d’innombrables questions qui n’arrêtent pas de me hanter.Parmices livres, celui de Nelson Mandela qui nous Prédit: «Never, never and never again, shall it be that this beautiful land will again experience the oppression of one by another! ».(«Jamais, jamais, et jamais encore, cette belle terre n’expérimentera à nouveau l'oppression de quelqu’un par un autre»).

Cette ‘belle terre’, pour moi, c’est la Tunisie.A bon entendeur, salut !

Khadija T. Moalla, PhD

(1) “Justice is restoring to everybody what is due to him”. Platon, Republic.