Parce que la Tunisie n’en peut plus d’attendre
Avec les derniers soulèvements dont a souffert la Tunisie, plusieurs constats sont à faire. Le premier est probablement la réactivité de la société et civile et la démonstration (s’il en était encore besoin) de son rôle dans le maintien d’une certaine stabilité dans le pays. L’autre point crucial est probablement l’urgence de porter des réformes de fonds et l’incapacité de la classe politique actuelle toutes tendances confondues à gérer cette urgence d’agir.
En effet, avec toutes les lourdeurs légales dont souffre la Tunisie, avec toutes les résistances au changement qui pullulent de tous bords à la moindre tentative de réforme, avec tous les chantiers dont il faut s'occuper en urgence pour sortir de la crise (Terres domaniales, foncier,...), avec toute l'administration sclérosée, centralisée à Tunis et pour le moins incapable de faire porter les réformes jusqu'aux régions, La Tunisie a besoin d'un nouveau souffle, d’un changement d’approche, d'esprits moins formatés, plus pragmatiques que légalistes, plus neutre vis à vis des parti prenantes actuelles.
Décréter une période de "grâce légale" est à mon avis une nécessité une période où l'on gouverne par décrets. Pour preuve, faire abolir une loi aussi absurde que la loi 52 pour la consommation de cannabis et responsable de l'essentiel du surpeuplement de notre milieu carcéral, a pris près de 5 ans et nous en sommes encore à l'étape de la soumission par le président de la république à la chambre, je parle ici d'une loi qui fait presque l'unanimité des tunisiens contre elle, que dire alors de lois plus contestables, ou qui touchent quelques intérêts privés... combien faudra-t-il de temps pour tout réformer, pouvons-nous vraiment nous offrir le luxe d'attendre ?
A Quoi sert de chercher des fonds étrangers alors que seuls quelques pour-cents du budget de l'état sont véritablement dépensés, justement à cause de ces lourdeurs légales.
La Tunisie a besoin de politiciens courageux qui n'ont pas peur d'être impopulaires (entendez ne sont pas à la merci des lobbys actuels) pourvu qu'ils soient efficaces. Nous sommes à peu près dans la même configuration de l'après troika avec un gouvernement partisan inefficace et ounous avons eu recours à un gouvernement "a politique" (entendez qui n'a pas d'ambitions de rester et donc sans calculs).
J'entends déjà les critiques "encore un gouvernement de compétences...". C'est d’ailleurs effarant que le mot "compétences" soit aussi négativement associé dans le jargon politique tunisien. Oui la Tunisie a besoin de Compétences. Du temps de la dictature, L’exil des compétences était la démonstration du gâchis que faisait subir les oppresseurs à leur peuple.
La situation actuelle montre justement que les tunisiens en ont marre de la politique politicienne, aujourd'hui refuser l'économie de marché est une utopie, faire du tout libéral en est une autre, gouverner c'est forcément être quelque part au milieu et surenchérir sur "l'adversaire politique" parce qu'il a dit un mot de travers ou passer une soirée à disséquer un discours improvisé est un luxe qui commence à être vraiment de trop.
Certes tous les partis confondus semblent avoir joué un rôle majeur pour calmer les agitations actuelles et les canaliser mais il faut qu'ils continuent à le faire et non pas à jouer le contre-poids à chaque décision en espérant gagner des sièges sur le dos des chômeurs ou des démunis.
Aujourd'hui continuer à exacerber les attentes des diplômés du supérieur tout en sachant que par toutes les théories économiques confondues il sera impossible à un état aussi puissant soit-il de les intégrer dans le circuit est Criminel, dire que l'état pourra embaucher les diplômés tout en sachant que l'économie tunisienne a besoin d'abord de reconversion... c'est surtout leur Mentir. Marquer des points électoraux en misant sur la lutte des classes à conduit aux dégâts que nous avons vécu ces derniers jours avec toutes les répercussions qui s’en sont suivies (Tourisme, perte de confiance des investisseurs,…)
Bref une deuxième révolution, 5 ans après la première est d'abord un signal à toute la classe politique tunisienne montrant qu'elle a probablement échoué dans la réponse aux nécessités du pays. En voulant "préserver la continuité de l'Etat" nous avons surtout préservé les privilèges et les réflexes qui ont fait qu'on en arrive à un 17 Décembre 2011, à ce qu'un tunisien (mais au-delà de sa personne à ce que toute une génération) préfère s'exiler (vers une vie ultérieure, via le jihad ou le suicide, ou à un pays étranger via l'immigration clandestine)
Il faut peut-être passer à autre chose. lors de l’après-Troika, Mehdi Jomaa a incarné ce changement de mentalité, saura-t-il être, encore une fois La solution?
Saber Chtourou